Baromètre de la flicaille
« Face à la marée bleue » par Que fait la police ?
Que fait la police depuis dix ans ? Elle gagne chaque jour plus de terrain. Le Monde libertaire a assisté à la conférence de presse organisée par Maurice Rajfus, afin de commémorer les dix ans du Bulletin d'information Que fait la police ? À l'occasion de cette décennie d'existence, un petit ouvrage : Face à la marée bleue a été édité par les éditions de L'Esprit frappeur[[Prix : 4 euros, bientôt disponible à Publico, 145, rue Amelot 75011 Paris, et dans toutes les bonnes librairies.]].Les journalistes de la presse institutionnelle ont boudé l'événement, certainement trop occupés à traquer les huiles politiques sur leurs parcours électoraux. Après avoir sommairement regretté leur absence, Maurice Rajfus a dû constater que le sécuritaire n'est plus à la mode, tant la police est aujourd'hui partout chez elle, ce qui n'a pas empêché Rajfus de faire, devant un auditoire restreint, un nombre impressionnant de constats aussi noirs qu'affligeants.
Depuis 1994, date de la création de l'Observatoire des libertés publiques[[Observatoire des libertés publiques, 7-9, passage Dagorno 75020 Paris.]] à la suite de l'assassinat de Makoné, au commissariat des Grandes-Carrières, pour le vol d'une cartouche de cigarettes, dix morts par an en moyenne ont été consignés, dus à l'intervention radicale des forces de police, pour un total de cent morts entre 1994 et 2004. Ces violences mortelles n'ont jamais été perpétrées sur des acteurs du grand banditisme et sur ses réseaux, mais en majorité sur des jeunes des banlieues, jamais armés.
En dix ans, rien n'a changé durant le passage des différents ministres de l'Intérieur qui se sont succédé, de Pasqua, en passant par Debré, Joxe, Chevènement, Vaillant pour finir avec Sarkozy. Au contraire, la situation au regard des informations de plus en plus nombreuses n'a fait que s'aggraver. Les représentants de l'ordre sont de plus en plus sexistes, racistes, xénophobes, violents, et cela malgré la création en 1986 du Code de déontologie de la police, validé par Fabius. Certains policiers devraient l'apprendre par cœur : cela n'engage à rien, puisqu'il n'est jamais respecté.
C'est en 1974, sous le gouvernement Giscard-Chirac que naît le fantasme de « l'immigration zéro », et il semble que, depuis, celui-ci n'a fait qu'enfler et engendrer toujours plus de violences perpétrées à 80% contre des jeunes issus de l'immigration, chiffres à l'appui. Cela ne semble pas interpeller plus que ça les médias et les politiques, qui demandent encore à ces jeunes de voter pour eux !
Après dix ans, le bulletin est diffusé à environ 400 exemplaires, envoyés aux adhérents de l'Observatoire, contre une somme modique. Il est uniquement alimenté par des articles parus dans la presse, et très exceptionnellement par des témoignages, lorsque ceux-ci sont authentifiés et validés par des associations reconnues d'intérêt public. Un site Internet a été récemment ouvert, dédié au recueil des informations sur les violences policières.
Plus inquiétant : Lle Monde libertaire s'est intéressé de savoir pourquoi, après dix ans d'existence, le bulletin n'a pas été interdit. Tout simplement parce que ces informations, issues de la presse nationale n'ont jamais été mises en doute ou démenties, elles sont donc de fait authentifiées et, tout cela, dans l'indifférence générale !
Pour Maurice Rajfus, ce bulletin a donc le mérite de toujours exister et de diffuser les méfaits de la police, car en être informés est fondamental, pour qu'on ne puisse pas dire : « Je ne savais pas ! » Car l'étau sécuritaire ne fait que se resserrer, comme nous l'avons constaté à Paris, lors du dernier meeting de Le Pen, où les forces armées nous ont tenus volontairement à l'écart et ont fini par nous renvoyer dans le métro. Attitude qui se reproduit systématiquement lorsque nous essayons de perturber les gesticulations des antiavortement de Sos tout petits (cerveaux), où les flics nous encadrent, tandis qu'ils les autorisent à faire leurs prières à genou dans la rue. Idem, lors des interventions d'Act-Up, où nous n'avons même plus le temps de sortir les pancartes que nous sommes déjà embarqués dans des bus réquisitionnés à la RATP.
Et les informations qui nous remontent des régions par nos camarades ne sont pas plus optimistes.
La flicaille a donc définitivement pris pour cibles et pour ennemis publics, souvent au faciès, les jeunes des cités et les militants ; et elle a réussi à faire accepter ce fait au public, qui ne s'émeut même plus de telles violences. C'est pourquoi nous avons un devoir de vigilance, et nous tenons à remercier Maurice Rajfus et sa petite équipe pour leur combat quotidien si utile à nous tous.