Les Comptes du lundi
Parmi les onze « jours fériés légaux » définis par le Code du travail, il n'en reste que quatre de nature strictement catholique : l'Ascension, l'Assomption, la Toussaint et Noël, institués en l'an X de la République. Le jour de l'an date de 1810, le 14 juillet de 1880, les deux lundis (Pâques, Pentecôte) de 1886, le 11 novembre de 1922, le 1er mai de 1947 et le 8 mai de 1946. Ce dernier fut aboli par de Gaulle en 1961, la commémoration de la victoire de 1945 étant reportée un dimanche (pourquoi cette abolition ? Qui protesta le mieux alors, des syndicats ou des anciens combattants ? Je ne sais) ; il fut rétabli par Mitterrand en 1981. Seul, le 1er mai comporte une interdiction légale du travail, soumise à de nombreuses exceptions (la journée est alors payée double). Onze « jours fériés légaux », sauf doublons calendaires, quand Noël tombe un samedi, l'Ascension un 8 mai, le 15 août un dimanche, etc., ce n'est pas trop, si athée soit-on ou antimilitariste.
J'avoue que je n'ai rien compris aux arguments destinés à me faire gober la suppression du lundi de Pentecôte. Je ne suis pas le seul. Un directeur d'études à l'École des Hautes Études en Science sociales (Thomas Piketty, « Jour férié : la double peine », dans Libération du 10 novembre), après avoir assez péniblement analysé ces arguments, pointé des contradictions et souligné des inanités, avoue : « La façon dont le gouvernement présente sa géniale trouvaille laisse pantois. »
Il ajoute : « Le fait que les dirigeants du Medef puissent applaudir un tel dispositif en dit long sur l'obsession anti-RTT qui les anime. »
C'est bien ce qui me semblait à priori : les p'tites embrouilles, les laborieux montages et, comme d'hab' les sournoiseries et coups fourrés, en forme par exemple d'amendements nocturnes à l'Assemblée.
Il est plaisant, par ailleurs, d'observer les autorités catholiques, partagées entre divers opportunismes et contingences où la doctrine compte peu. On a entendu, au début, des évêques faire allégeance aux autorités séculières raffarino-medefiennes, soulignant que ledit lundi est étranger à leur ordo. Certes. Mais, depuis, se sont manifestés, et manifestent avec une véhémence croissante, de bruyants cathos du genre tradi, pour lesquels le week-end de Pentecôte est l'occasion de rassemblements votifs, de marches pèlerines vers Chartres et autres sacrés lieux, de boy-scouteries variées.
D'où : « Rendre ouvré le lundi de Pentecôte occasionnerait des dommages graves à la vie sociale et aux activités religieuses. »
C'était l'archevêque Lustiger de Paris, cité par Le Figaro du 6 novembre parmi d'autres propos mitrés où le « lien social » (entendre : d'incontournables éléments de folklore) et la « solidarité nationale » (entendre : avec l'obligée compassion étatique) peinent à se concilier.
Parmi tous ces embrouillaminis, une question subsidiaire donc : et les vieux dans tout ça ? Le Papa (plan d'aide aux personnes âgées) est devenu PVS (plan « vieillissement et solidarités »). Les personnes âgées ont un ministre, un certain Falco, et il fallut un événement climatique pour révéler son existence. Sans doute haussent-elles de vieilles épaules, malgré le poids des ans, en vertu d'une sagesse qui doit beaucoup à l'expérience.
« La vieillesse nous fait frémir / On ne veut pas croire au pire / […] Mais peut-être que pour nous / Nous les vieux de demain / La vie aura changé / En s'y prenant maintenant / Nous-mêmes et sans attendre / À refaire le présent… » (François Béranger, le Vieux, 1974).
François Barillet