Einstein et Mühsam, même combat ?
Si l'on examine le problème un peu plus attentivement, on s'aperçoit que sur la République des conseils en Bavière, les ouvrages existent. Mais que sur la FAUD (Freie Arbeiter Union Deutschlands) et le mouvement anarchosyndicaliste, à part une brochure sur la Seconde Guerre mondiale (éditions du Monde libertaire), un article dans la troisième livraison d'Increvables Anarchistes (Le mouvement anarchiste allemand), c'est presque le désert complet. On en est réduits à rassembler les rares pièces d'un immense puzzle. Si Rudolf Rocker avait connu la PAO, le manuscrit de ses mémoires (conservé à Amsterdam) serait disponible à toutes et à tous[[Si l'ouvrage précité est un fort volume, les Mémoires de Rudolf Rocker en font trois de la même eau, et c'était un résumé... Dans les années 70 en Allemagne, les éditions Suhrkamp (?) en ont fait un livre de poche. À quand l'intégrale ?]] !
Un dernier exemple atypique est un livre consacré à Carl Einstein (C. A. 1885-1940. Itinéraires d'une pensée moderne : monde germanique par Liliane Meffre). Que savions-nous de C. Einstein avant ce livre ? Sa participation à la colonne Durruti et l'éloge funèbre qu'il fit à la mort de celui-ci. Le livre n'apporte pas beaucoup plus sur les rapports d'Einstein avec le mouvement anarchiste organisé[[Étrange personnage que Carl Einstein (ayant toujours voulu faire coïncider « idées et réalités, art et existence »). Proche des spartakistes en 1918, premier Européen à écrire sur l'art africain (Negerplastik, 1915), le dadaïsme, Braque et Picasso étaient des proches. Pour finir « par erreur » (dixit Helmut Rüdiger de la FAUD) dans la colonne Durruti. Les interrogations restent !]]. Pourtant à Berlin, où il vécut longtemps, la FAUD avait locaux et presse...
La publication par les éditions de la Digitale d'Ascona d'Erich Mühsam apporte infiniment plus (Erich Mühsam a ceci en commun avec Einstein qu'il a vécu les mêmes événements, mais ils ne se sont jamais rencontrés !).
Il s'agit en fait de plusieurs textes[[Traduits par Elke Albrecht et Suzanne Faisan. Jusqu'ici, à ma connaissance, seul Pierre Galissaires avait traduit abondamment des textes libertaires allemands (dont Rocker et Stirner). En attendant le Max Nettlau de Rocker mis en français par Marine-Lina Riesefeld qui sera édité par La Digitale.]] - Ascona, Bohème, Lettre à Sigmund Freud, Culture, Civilisation et mouvement des femmes, Littérature inédite, Hardi le hardi poète - qui retracent bien la vie et l'œuvre de Mühsam. Un anarchiste aux nobles sentiments (Ein Edelanarchist) situé entre la bohème et le prolétariat comme le rappelle Roland Lewin dans son excellente présentation. Le texte Max Nettlau et ses visites à Berlin chez Rudolf Rocker nous éclaire un peu mieux sur les relations de Müsham avec l'anarchosyndicalisme allemand. Ayant été plus proche (voire adhérent) de la FKAD (Fédération des anarchistes communistes d'Allemagne) et de l'Union anarchiste de Berlin que de la FAUD, il n'en était pas moins édité par les éditions de cette dernière (Verlag Der Syndicalist. Berlin)...
De toute façon, ne gâchons pas notre plaisir et découvrons « un écrivain original et attachant qui soulignait la parenté entre les gens de la bohème et de l'anarchie. En effet, les uns et les autres s'insurgent contre l'ordre établi, la morale courante, les conventions ». En attendant les autres morceaux du gâteau !