Les instituteurs en Loire-Atlantique : entre le silence et la répression
Plusieurs semaines de grève
Ce ras-le-bol important, partagé bien au-delà de la sphère syndicale, est aussi dû à la modification du paysage syndical enseignant en Loire-Atlantique : la Fen s'effondre avec l'émergence d'un Snuipp plus combatif, d'un Sgen-CFDT souhaitant se redonner une image revendicative, d'un SUD qui a pu s'imposer (non sans difficultés au début) dans l'intersyndicale. À noter qu'une certaine démocratie (même si tout est loin d'être parfait) a pu s'imposer avec des assemblées générales souveraines, avec des assemblées générales de secteur, avec des mandats très clairs (comme par exemple le refus de négocier à la baisse les 500 postes réclamés depuis le début du mouvement).
Face à cette mobilisation, le gouvernement a d'abord répondu par le silence, et par le cynisme en proposant 54 postes contre les 500 réclamés et, ne voyant pas d'essoufflement du mouvement, par la répression, la provocation et par la tentative de criminalisation. La stratégie de la gauche plurielle, alliant alternativement, et avec intelligence, la répression et la négation, a toujours été utilisée et a atteint son paroxysme lors de la manifestation parisienne du 8 mars. Effectivement, près de 150 personnes qui se rendaient en car à Paris pour manifester devant le ministère de l'Éducation nationale et devant le QG électoral de Jospin ont été tout simplement séquestrées toute la journée par des forces de l'ordre (voir article en page 3). De même, auparavant, sur Nantes, après plusieurs jours de grève, le rectorat a refusé de recevoir une délégation. Les forces de l'ordre ont expulsé à plusieurs reprises les enseignants avec plusieurs blessés.
Corporatisme, émiettement des consciences
De toute évidence, ce mouvement va marquer (comme cela a été le cas dans quelques départements du sud de la France il y a quelques années) les consciences collectives du milieu enseignant, celles des jeunes militants qui veulent rompre avec la logique cogestionnaire de la veille garde syndicale, et qui ont à coeur de montrer que le syndicalisme et les luttes sociales ne sont pas mortes. Néanmoins, ce mouvement montre aussi ses limites et le long chemin qu'il reste à parcourir. Les dures batailles pour la démocratie et le respect des mandats ont montré que cette exigence n'est jamais acquise, qu'il reste des relents de corporatisme. Effectivement, quasiment pas un mot n'a été prononcé pour les personnels des cuisines de Nantes qui étaient en grève en novembre et décembre. Effectivement, pas un mot sur les conditions des autres personnels de l'Éducation nationale (Atsen). Effectivement, pas un mot sur l'ensemble du personnel périscolaire (accueil, cantine, études, etc.) aux effectifs stables, payés 2 500 FF par mois avec des amplitudes horaires sur une journée de près de 11 heures. La réalité corporatiste qui consiste à nier ou ignorer les conditions de vie d'une personne travaillant dans le même bâtiment est le reflet de l'échec du politique (« nous » vivons encore sur la perte des illusions marxistes sans les avoir remplacées) et donc du rôle strictement ou trop sectoriel du syndicalisme et de la lutte sociale.
Théo, Nantes