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Cinéma
par Mireille Mercier et Daniel Pinós le 2 juin 2024

Fainéant.e.s Un film solaire sur un sujet dur

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Nina et Djoul, copines inséparables, sont expulsées de leur squat. Elles reprennent alors la route à bord de leur vieux camion avec une soif de liberté́ et une seule obsession : faire la fête.
Rencontres impromptues, travail saisonnier, concerts, joyeuses subversions, quelques galères mais surtout beaucoup d’aventures rythment la vie nomade de ces deux amies.


La musique du générique fait entendre de lourdes percussions sur de la tôle, mêlé au souffle d’un accordéon – musicalité punk. Il fait nuit, des flics foncent sur les squatters, les virent à coups de matraque et gaz lacrymogène, ils cassent tout sur leur passage, la scène est violente. Deux filles, aux physiques imposants, tatouages et piercing, demi-crâne rasé, menottes aux poignets sont jetées dans un fourgon. La caméra est du bon côté – avec elles, à l’intérieur du car de police. Djoul et Nina sont face à face, se tiennent les mains et éclatent en sanglots. La toile est dressée, on est prévenu, ça va déménager.




Deux amies, deux frangines, deux marginales et un troisième personnage : le camion. Il est grand, il a une porte de sortie sur le côté, voilé d’un rideau, son intérieur est plein comme un œuf, matelas et couvertures, cafetière, objets en tout genre, tout un monde : le leur. Elles sont chez elles, et très vite on verra qu’elles n’y sont pas si mal, protégées du monde qu’elles fuient sans cesse. Se barrer pour être libres, ne jamais s’attacher, travailler que lorsqu’il le faut vraiment et fuir pour échapper à ce monde où elles n’ont pas leur place et ne souhaitent à aucun moment en demander une. Le camion sillonne les routes, les plus petites routes, de préférence celles du sud et nous voilà partis dans les Alpes-de-Haute-Provence, la région est belle, Nina et Djoul aussi. Elles sont lumineuses, fortes et sensibles, elles sont directes, révoltées, elles ne trichent pas, elles sont déterminées. Aucun discours dans ce film aux allures de documentaire, mais une chanson, magnifique chanson, celle de Colette Magny : J’ai suivi beaucoup de chemins.
Plongés dans leur vie quotidienne, on accepte de les suivre dans leurs nombreuses galères, en immersion dans l’univers punk, hypnotique. On les regarde vivre, se défoncer, danser dans des concerts, elles aiment faire la fête. Elles s’embrouillent, elles se séparent – une histoire de mec. Le langage est cru, mais on s’habitue. Pas de triche, tout est vécu à fleur de peau. Les deux actrices ne sont pas des actrices. Faddo Jullian, Nina, a vécu dans un camion, le réalisateur, Karim Didri l’a rencontrée lors d’une master-class sur la direction d’acteur. Elle vit dans un camion avec ses chiens et son mec. Karim Didri décide de la suivre.




« Je dois avouer que les punks à chiens, je les regardais jusqu’alors du coin de l’œil. Je les évitais, je suis comme tout le monde. J’avais moi aussi une sorte de mépris à leur égard. Je me suis questionné sur ce mépris. J’ai eu envie d’aller voir un petit peu plus loin et de rentrer dans leur univers... » Faddo Jullian accepte le projet et entraîne avec elle une amie, Djoul, DJ.
Un film écrit, mais aux allures de documentaire, qui nous laisse sur le bas-côté. On pense à Sans toit ni loi d’Agnès Varda, un peu à Thelma et Louise de Ridley Scott aussi, et à Vernon Subutex de Virginie Despentes, pour leur point commun : pas de retour possible dans le monde dit civilisé. Révolte à l’état pur, solidarité de galériens, refus total de notre société, sans aucun discours. Un rejet viscéral qui nous laisse sans voix. Ce monde est pourri, il n’y a rien à ajouter.
« Faire un film sur les gentils marginaux n’aurait eu aucun intérêt. Je ne voulais pas porter sur elles un regard surplombant, rempli de pitié moralisatrice. J’ai cherché à déconstruire mon regard sur ceux que l’on nomme des marginaux, comme pour les mettre à distance. Mes deux héroïnes sont des femmes qui payent très cher le prix de leur liberté́. Mais sans jamais se plaindre. Elles sont tout sauf victimes. Elles ont choisi leur mode de vie et l’assument pour le meilleur et pour le pire. C’est ce qui me plaît chez elles. Elles sont droites, elles sont fortes et dignes. Ce sont des femmes puissantes, à l’image de leur corps et de leur voix. » Paroles de Karim Dridi.




Un film de Karim Dridi co-écrit avec Emma Soisson
Le 29 mai en salle

Karim Dridi réalise en 1995, Pigalle, en compétition au Festival de Venise et Bye- bye sélectionné dans la section Un Certain regard à Cannes et couronné du prix de la jeunesse.
Il réalise un documentaire sur Johannesburg, Impression d’Afrique du Sud, en 1996 et un autre sur Ken Loach l’année suivante. Il tourne Cuba Féliz, road movie musical sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. En 2003, il tourne Fureur en sélection au Festival de Berlin. En 2007, il réalise et produit Khamsa sélectionné à Locarno.
Chouf, tourné pendant l’été 2015 dans les quartiers Nord de Marseille, et sorti en octobre 2016, a été sélectionné́ au Festival de Cannes.

Mireille Mercier et Daniel Pinós
PAR : Mireille Mercier et Daniel Pinós
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