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Actus anarchistes
par Christophe le 20 septembre 2021

Julos, tu nous l’avais toudis promis

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Julos Beaucarne est parti pour le pays de l’envers du décor. Tu le croirais, ça ? Il nous avait pourtant toudis promis que les poètes faisaient seulement semblant d’être morts…

« Notre Julos adoré est parti en douce hier soir
en suivant l’irréversible course de l’astre solaire
derrière la cime des bois dans l’azur de septembre …
un tintement d’étoiles lui sonnait aux oreilles …
il souriait déjà bienheureux aux galaxies …
»
Mince alors ! Pour le coup, c’est un communiqué des deux fils du chanteur, Christophe et Boris, qui l’annonce. Il va donc falloir finir par croire que c’est vrai. Il s’est esbigné, le drôle !…

Est-ce qu’on va se lancer dans les dithyrambes, à la manière des hommages que tout le monde, les-gens-connus, artistes, politiques, se sont déjà empressés d’ânonner ? Évitons. Une nécrologie factuelle ? Soit. Né à Écaussines en 1936, il s’est éteint le 18 septembre 2021. Il a vécu la plus grande partie de sa vie à Tourinnes-la-grosse, Brabant wallon, Belgique, en un lieu baptisé « Passage du vélo volant ». Choisissons d’évoquer à peine le fait divers qui a sans doute coupé une partie de sa vie en deux, l’assassinat de sa compagne Loulou en 1975. Il a un peu joué la comédie, à ses débuts, puis il a créé des chansons, écrit des livres, édifié des sculptures. On lui doit 49 albums, plus de 500 chansons.

Ce qu’on retrouve dans les chansons de Julos ? L’amour des poètes, qu’il a mis en musique, l’amour de la vie et de la nature, l’humanité, la diversité, la liberté, l’infini. En revanche, Julos détestait ce qui réduit la vie en esclavage, depuis les élevages en batterie, le mercantilisme forcené (« Miss Univers ») jusqu’aux dictatures les plus ignobles (« Lettre à Kissinger », « Les loups ont des têtes de moutons »).

Chanteur engagé, Julos l’a été, le demeure pour toujours, mais à sa façon : en douceur, sans haine, avec un optimisme désarmant. Pour autant, on l’a réduit parfois au rôle d’inoffensif chanteur de terroir, le pittoresque interprète de « La p’tite gayolle » (« Elle me l’avait toudis promis »), mettant en lumière la richesse de la langue wallonne. C’est vrai en partie. Il a d’ailleurs adapté « L’auvergnat » de Brassens en wallon. Mais ne nous y trompons pas. Valoriser la langue wallonne, cela n’avait rien d’une lubie régionaliste, mais bien une expression de la résistance affirmée des particularismes régionaux face au rouleau compresseur des uniformisations, fussent-elles linguistiques. Un peu comme un vrai amateur de bière consomme religieusement une bière trappiste et non une de ces pisses infâmes produites à la chaîne au profit des multinationales, « au nom du pèze, au nom du fisc et du saint bénéfice ».

En 2014, il déclarait pour la Voix du Nord : « Anarchiste, je le suis jusque dans la moelle de mes os ! Anarchiste, selon moi ça veut dire proposer des pistes que les autres n’ont pas encore explorées et enfoncer des portes qui n’ont pas été encore ouvertes. C’est ce que je fais depuis cinquante ans maintenant. » [Fabrice Leviel, « Julos Beaucarne en concert à Créquy pour la fête des Coquelicots », La Voix du Nord,‎ 6 mai 2014]

Le pull arc en ciel, les « pagodes » (sa série de sculptures post-industrielles), le front de libération des arbres fruitiers, le vélo volant, l’univers… Dix doigts, six cordes pour mettre le terroir des galaxies en musique, et en paroles. Son sourire lumineux valait toutes les formulations poétiques pour un homme qui avait poussé l’amour de la liberté jusqu’à laisser les mots même s’échapper de l’enclos de sa mémoire… C’est à cela qu’on reconnaît les géants, au final. Les géants, ni la maladie ni l’âge ne peuvent les diminuer. Ils s’entêtent, comme malgré eux, à cueillir les étoiles, les bourgeons des arbres et les couleurs de l’arc-en-ciel pour les faire naître et grandir dans le cœur de celles et ceux qui les approchent. C’est ce que tu as fait, Julos, pendant toutes ces années. Comme tu nous l’avais toudis promis.

Christophe, groupe Ici & Maintenant
PAR : Christophe
Groupe Ici et Maintenant Belgique
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1

le 21 septembre 2021 11:50:07 par Christophe

Aïe, l’auteur de cet article avoue avoir écrit sous le coup de l’émotion... et omis de relire ses propres notes... ! Non , ce n’est pas "l’impasse" mais bien "le passage du vélo volant" où créchait l’ami Julos !

2

le 24 septembre 2021 22:59:36 par Bernard

Voilà qui est rectifié.