Anarchie dans le monde > Il y a une position anarchiste dans la dispute territoriale Guyana - Venezuela. et nous la publions ici
Anarchie dans le monde
par Rédaction El Libertario le 18 janvier 2021

Il y a une position anarchiste dans la dispute territoriale Guyana - Venezuela. et nous la publions ici

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Traduction Monica Jornet Groupe gaston Couté FA

21 Décembre 2020
Vendredi 18 décembre, ce grotesque organisme officiel supranational du nom de Cour Internationale de Justice, a émis une sentence par laquelle il s’attribue la compétence pour intervenir, évaluer et résoudre tout ce qui concerne la dispute sur les territoires aujourd’hui sous contrôle de l’État guyanien, et que l’État vénézuélien réclame, alléguant qu’il en a été dépouillé. Cette décision de la CIJ - dont l’intervention avait été demandée par cette autre horreur supranationale qu’est l’ONU avec son Secrétariat Général- remet sur le devant de la scène le sujet, très prisé par les pouvoirs étatiques car il leur sert de rideau de fumée, généralement très efficace, pour occulter les problèmes dont souffre les sociétés qu’ils oppriment (et dans la conjoncture actuelle, ils sont nombreux et gravissimes !). La sentence tombe donc à point nommé pour réveiller des délires patriotiques et nationalistes, toujours à la mesure des intérêts du pouvoir oppresseur de l’État et du Capital.




Dans ces circonstances, il faudrait s’interroger sur la possibilité pour l’anarchisme de se positionner précisément, dans cette affaire en particulier, au-delà des annonces générales antiétatiques découlant des principes de l’idéal anarchiste. Nous répondons par l’affirmative et, comme tout le cirque sur la spoliation du territoire d’Esequipo revient régulièrement sur le devant de la scène politique vénézuélienne, il y a longtemps que nous avons fermement rendu publique notre position à ce sujet dans les pages de El Libertario. Maintenant que le sujet est remis sur le tapis, nous reprenons notre déclaration [divulguée dans El Libertario n° 76, Caracas, septembre-octobre 2015] à laquelle nous n’avons apporté aucune modification car, à notre sens, elle garde toute sa force et exprime clairement ce que nous voulons dire aujourd’hui.

En ce qui concerne notre position sur la réclamation posée à nouveau par l’État vénézuélien sur des territoires actuellement sous le contrôle de l’État guyanien, nous exposerons les points suivants :

1.- Nous, les anarchistes, pour de nombreuses raisons et de par l’expérience de l’Histoire, avons toujours été soupçonneux et profondément critiques face à toute initiative par laquelle un État se pose en porte-parole unique, représentant indiscutable et acteur exclusif au nom de la société sur laquelle il s’est imposé sous des prétextes tels que "la souveraineté nationale", "les intérêts sacrés de la patrie", "la sauvegarde du territoire", "la défense de l’agression extérieure" ou autre du même genre ; à savoir, suffisamment abstraits pour servir de joker pour ce qui l’intérêt suprême de l’État : imposer et consolider sa domination sur la collectivité. Ce genre de manœuvres avec les critiques cohérentes en réponse de la part des anarchistes, se retrouve dans de nombreuses situations et encore aujourd’hui, de façon analogue sur divers plans, entre les gouvernements du Guyana et du Venezuela.

2.- En tant qu’anarchistes, nous estimons que c’est l’occupation, l’usage et la résidence sur un territoire par un collectif donné qui fonde sans aucun doute son droit, très supérieur à celui que voudraient lui imposer les lois, les pactes et les arrangements dont se valent les États et le Capital pour s’attribuer des pouvoirs incontestables sur ces espaces.
3.- Au vu de tout cela, nous considérons que, par-dessus les arguments juridico-formels et juridico-historiques brandis par l’État vénézuélien dans son argumentaire et par-dessus la réplique en des termes similaires de l’État guyanien, la décision sur la condition politique de l’espace qui va de la rive ouest du fleuve Esequibo à la frontière actuelle, revient à qui y habite. Rappelons que jusqu’au milieu du XIX siècle, il était faiblement peuplé, par des groupes indigènes hors de la portée et du contrôle du pouvoir étatique - que ce soit l’ancienne Couronne espagnole ou la toute nouvelle République vénézuélienne ou le tout nouveau venu Empire britannique-. Puis la population s’est accrue sous l’effet du modèle colonial imposé par les Anglais, avec importation de la main d’œuvre africaine et hindoue, pour arriver à une collectivité estimée aujourd’hui à 160 ou 170 000 personnes établies de façon permanente, de langue anglaise, même si le centre et le sud ne sont encore guère occupés que par des foyers indigènes.

4.- Même si cela dérange ou si on le tait de ce côté-ci de la frontière, ni l’État ni la société vénézuélienne n’ont jamais eu de présence dans la "zone qui fait l’objet de la réclamation", c’est pourquoi l’argument de la spoliation n’a qu’une valeur juridico-formelle. Si on remonte à la période coloniale et au XIX siècle, rien n’indique une colonisation, ensuite favorisée par l’expansion anglaise, c’est pourquoi il n’y a pas dans la toponymie, et encore moins dans la tradition culturelle, de traces significatives de "caractère vénézuélien". Par ailleurs, cet État qui, depuis les années 60, remet la question sur le tapis quand il a intérêt à réveiller le patriotisme, n’a jamais favorisé une stratégie de rapprochement avec le territoire d’Esequibo et sa population. Historiquement, cette distance s’est manifestée lors de l’insurrection [indépendantiste] du Rupununi, en janvier 1969 ; tandis qu’une autre preuve, sans doute plus éclatante de l’inconstance des actions politiques et diplomatiques de l’État vénézuélien a été quand la décision du premier gouvernement de Rafael Caldera de geler pendant 12 ans la réclamation territoriale par la signature du Protocole Puerto España (1970).

5.- Au Venezuela il ne fait aucun doute que cette clameur patriotique répond autant à l’urgence pour le gouvernement de trouver de l’oxygène avant de futurs rendez-vous électoraux (législatives de décembre et possible référendum de révocation du Président en 2016), qu’à la nécessité de fuite en avant, étant donnée la terrible incapacité de faire face à la crise socio-économique dans laquelle notre pays esr plongé après 16 ans de chavisme-madurisme. Celui qui lève aujourd’hui le drapeau nationaliste est le même [Nicolás Maduro] qui occupait de 2006 à 2013 le Ministère des Affaires Étrangères. A l’époque, la belligérance dont il fait preuve à présent sur ce sujet, a brillé par son absence. De fait, la Chancellerie bolivarienne devait ensuite continuer de négliger l’affaire, elle ne s’est donc pas empressée de solliciter à l’ONU la désignation d’un nouveau Monsieur Bons Offices, ou Médiateur, dans la controverse, au moment le titulaire de ce poste est décédé, en avril 2014, la demande n’a finalement été faite qu’en juillet 2015.

6.- On ne doit en aucune façon comprendre ce que nous venons de déclarer, comme une reconnaissance des "droits" de l’État guyanien sur ce territoire. Nous sommes anarchistes et, en tant que tel.le.s, nous remettons en question et contestons le "droit" de tout État sur un territoire, que ce soit le Guyana, le Venezuela, le Vatican ou la Corée du Nord. Ce que nous revendiquons, dans le cas présent comme dans les autres, c’est ce que nous avons exposé en point 2 ; et précisons que le chemin que nous proposons n’est pas la voie électorale, avec des règles de référendum imposées par des gouvernements ou des organismes internationaux, juste pour choisir le maître étatique qui commandera. Pour cette région comme pour les autres sous contrôle des États dans cette dispute, nous proposons l’organisation autogestionnaire et fédérée, fondée sur le libre-accord et l’entraide, hors tout assujettissement à toute sorte de pouvoir hiérarchique autoritaire. Nous estimons que ce n’est qu’avec une telle organisation –au Guyana, au Venezuela et partout- qu’il y aura une chance que les conflits territoriaux internationaux disparaissent.

7.- Comme dans des cas similaires où la "cause nationale" est invoquée, les seuls qui ont à gagner à ces querelles sont les États et leurs associés capitalistes, tandis que les peuples sont toujours perdants. Les remous des deux côtés tendent à cautionner les bénéfices qu’une petite minorité obtiendrait de l’extraction des ressources naturelles de la "zone objet de réclamation" ainsi que des zones maritimes correspondantes, et sert en outre à obtenir, en interne, des bénéfices politiques et électoraux, en agitant l’étendard d’une xénophobie opportuniste qui hurle contre l’adversaire étranger occasionnel, tout en acceptant dans le même temps que d’autres intérêts extérieurs du même acabit, soient mis à profit à loisir par l’un et/ou l’autre pays. Un exemple parmi tant d’autres serait le caquetage depuis Miraflores [le palais présidentiel de Caracas] contre Exxon-Mobil tandis que la lune de miel avec Chevron se poursuit ; pour ne pas parler des gouvernements de Cuba et de la Chine qui tirent à eux tout ce qu’ils peuvent sans faire de différence entre Caracas et Georgetown.

8.- Cela a beau paraître évident, il faut le dire avec force : nous refusons sans ambages la stratégie des gouvernements des deux côtés de la frontière (et des intérêts qui pourraient les pousser), consistant à provoquer une escalade qui dégénèrera en achats massifs d’armement, à la militarisation et, pire encore, depuis des escarmouches à la frontière jusqu’à une guerre ouverte.


PAR : Rédaction El Libertario
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