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par Daniel • le 6 mai 2019
Droit d’asile en France. Quelles perspectives politiques ?
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Article extrait du Monde libertaire n°1805 d’avril 2019
Le paysage des opposants aux lois restrictives en matière d’immigration et de droit d’asile est très varié, tant sur le plan des valeurs, des objectifs que sur celui des champs d’intervention. Cette réalité explique en grande partie la difficulté à former un mouvement d’ensemble qui aurait pour effet de faire contrepoids dans l’opinion publique et ainsi, ne pas laisser le terrain aux xénophobes en tous genres, des plus polis aux plus vulgaires.
En novembre 2017, suite à une mobilisation d’envergure exprimant des inquiétudes sur ce qui deviendra la "loi asile-immigration" (adoptée en 2018) du sieur Collomb alors ministre de l’Intérieur, les États-Généraux des Migrations (EGM) (1) se constituent. Elles sont à l’origine de la principale riposte d’ampleur dans ce pays pour faire converger des oppositions aux restrictions du droit d’asile. S’appuyant sur des assemblées locales (AL) elles témoignent d’une attente forte pour peser, mais aussi d’hésitations à propos des perspectives politiques. En ces temps de régressions sociales et politiques systémiques, l’étranger est plus que jamais rejeté. Comment inverser cette tragique tendance et le poser en des termes politiques ?
Pour bien comprendre la difficulté à instaurer un rapport de force politique, il convient de comprendre ce qui repose sur ces centaines de groupements, formels ou informels, et qui, silencieusement, au quotidien, œuvrent avec les migrants. Nombre d’associations interviennent à un niveau local pour remplir une mission particulière, qui devient complémentaire avec d’autres structures. Les Restaurants du cœur , la Banque alimentaire ou les associations confessionnelles délivrent notamment des denrées alimentaires de premier secours. Emmaüs ou le Secours populaire fournissent fréquemment des vêtements ou du mobilier. La Croix-Rouge propose des consultations médicales . D’autres encore font de l’apprentissage de français langue étrangère (FLE). Des avocats ou des associations se spécialisent sur les recours administratifs ou en justice.
A côté de ces initiatives, les organisations de dimension nationale continuent à apporter des actions de formation, de synthèse des évolutions législatives, de sensibilisations des élus et de l’opinion publique, de recours en justice...pour occuper un terrain déserté de fait par les petites structures, sur lesquelles elles peuvent s’appuyer.
Toutes ces structures ont fréquemment des enjeux institutionnels forts avec les pouvoirs publics (préfecture, mairie,...) . Officiellement, elles restent dans leurs prérogatives. Même si la réalité est plus fine, avec des situations où les limites fixées par la loi ou par la réserve à l’égard des institutionnels éclatent.
A côté des institutions associatives, de nombreux petits groupes de soutien se sont constitués ces dernières années à partir de réalités locales. L’arrivée de familles de migrants dans des villages par exemple, ou l’implantation de centre d’accueils de migrants sont souvent un déclencheur qui débouche sur la constitution d’associations, de collectifs, de réseaux...dont la vocation est de faciliter l’accueil, la scolarisation, la régularisation, l’accès au travail et à la vie sociale ou culturelle dans un nouvel espace de vie.
Ces associations ne sont pas conditionnées par des exigences institutionnelles (financements, représentativité,...) et couvrent souvent les situations les plus immédiates. C’est ainsi qu’elles se consacrent à l’accueil et la défense des mineurs non accompagnés (MNA), l’accueil et l’orientation d’étrangers sans papiers, l’hébergement et la recherche de fonds pour "mettre au vert" des illégaux qui sont déboutés du droit d’asile, fournir de la nourriture aux migrants qui n’ont pas ou plus d’allocations aux demandeurs d’asile (ADA), le covoiturage et l’accompagnement de migrants pour répondre à des convocations administratives alors qu’ils sont loin de tout, des traductions orales ou de documents administratifs, les parrainages de mineurs ou d’adultes, la scolarisation d’enfants aux familles sans statuts administratifs, la création d’ateliers de pratique du français, la création de zone temporaire autonome conçus pour faire se rencontrer les autochtones et les migrants aux parcours souvent fracassés ... Ce sont ces groupements là qui sont les plus exposés au quotidien, et qui développent des trésors d’entraide et de solidarités concrètes, de désobéissance civile aussi. L’échelle des personnes impliquées n’est pas chiffrable, mais au niveau des territoires, on peut parler de mouvements importants de gens qui oeuvrent en silence.
Agir et converger
Ce peuple de l’accueil aux moyens souvent faibles et au courage qui n’est plus à démontrer, s’appuie donc souvent sur les grosses structures qui développent des ressources pérennes mais qui sont pris dans des mécanismes de dépendances institutionnelles. L’essentiel de la tâche relève de l’urgence sociale. Pris dans un feu roulant continu, il est presque impossible d’avoir une stratégie globale, d’évaluer des objectifs politiques, de délivrer du temps et de l’énergie pour dépasser ce quotidien parfois vécu comme oppressant par les bénévoles engagés. Pourtant, faire pression sur les décideurs (Préfet, élus,...), se manifester à chaque fois que c’est possible, collectivement, et ne rien lâcher lorsque des migrants sont expulsés, déboutés, rejetés... est urgent.
Or ces collectifs, comités, réseaux... sont aussi ceux qui ont besoin de partager des visions ou des pratiques, mettre en perspective leurs actions, réfléchir à étendre leurs réseaux ou à (re)trouver du sens à leurs actions, sortir de l’étau législatif, imposer des rapports de force. Et qui cherchent à s’associer avec d’autres groupements du même type. Les EGM, malgré les limites amenées par les enjeux des institutions associatives, répondent partiellement à cette préoccupation. Et ce n’est pas rien. Les petites associations maillent le territoire dans d’autres réseaux parfois, sur la base d’affinités politiques, géographiques... La convergence n’empêche pas la diversité des approches et des modes de regroupements.
Même si les perspectives sont sombres pour tout ce qui touche à un accueil digne et ouvert des étrangers en France, l’affirmation de pratiques solidaires est une nécessité impérieuse. Elle devrait s’appuyer notamment sur la nécessaire montée en puissance des groupements locaux de soutien et de leur coordination, et nous pouvons y participer. "Au cours de leur longue histoire, les anarchistes ont souvent contribué à mettre en œuvre des outils facilitant la convergence. Ces outils, de l’Association internationale des travailleurs à la Fédération des Bourses du travail en France, des organisations syndicales aux groupements coopératistes ou mutuellistes, ont souligné une éthique libertaire d’entraide et de solidarité comme ferments nécessaires pour résister à l’injustice. (...)"(2)
Daniel (Groupe Gard-Vaucluse)
Notes
1 - https://eg-migrations.org/
2 - https://www.monde-libertaire.fr/?page=archives&numarchive=14699
En novembre 2017, suite à une mobilisation d’envergure exprimant des inquiétudes sur ce qui deviendra la "loi asile-immigration" (adoptée en 2018) du sieur Collomb alors ministre de l’Intérieur, les États-Généraux des Migrations (EGM) (1) se constituent. Elles sont à l’origine de la principale riposte d’ampleur dans ce pays pour faire converger des oppositions aux restrictions du droit d’asile. S’appuyant sur des assemblées locales (AL) elles témoignent d’une attente forte pour peser, mais aussi d’hésitations à propos des perspectives politiques. En ces temps de régressions sociales et politiques systémiques, l’étranger est plus que jamais rejeté. Comment inverser cette tragique tendance et le poser en des termes politiques ?
Pour bien comprendre la difficulté à instaurer un rapport de force politique, il convient de comprendre ce qui repose sur ces centaines de groupements, formels ou informels, et qui, silencieusement, au quotidien, œuvrent avec les migrants. Nombre d’associations interviennent à un niveau local pour remplir une mission particulière, qui devient complémentaire avec d’autres structures. Les Restaurants du cœur , la Banque alimentaire ou les associations confessionnelles délivrent notamment des denrées alimentaires de premier secours. Emmaüs ou le Secours populaire fournissent fréquemment des vêtements ou du mobilier. La Croix-Rouge propose des consultations médicales . D’autres encore font de l’apprentissage de français langue étrangère (FLE). Des avocats ou des associations se spécialisent sur les recours administratifs ou en justice.
A côté de ces initiatives, les organisations de dimension nationale continuent à apporter des actions de formation, de synthèse des évolutions législatives, de sensibilisations des élus et de l’opinion publique, de recours en justice...pour occuper un terrain déserté de fait par les petites structures, sur lesquelles elles peuvent s’appuyer.
Toutes ces structures ont fréquemment des enjeux institutionnels forts avec les pouvoirs publics (préfecture, mairie,...) . Officiellement, elles restent dans leurs prérogatives. Même si la réalité est plus fine, avec des situations où les limites fixées par la loi ou par la réserve à l’égard des institutionnels éclatent.
A côté des institutions associatives, de nombreux petits groupes de soutien se sont constitués ces dernières années à partir de réalités locales. L’arrivée de familles de migrants dans des villages par exemple, ou l’implantation de centre d’accueils de migrants sont souvent un déclencheur qui débouche sur la constitution d’associations, de collectifs, de réseaux...dont la vocation est de faciliter l’accueil, la scolarisation, la régularisation, l’accès au travail et à la vie sociale ou culturelle dans un nouvel espace de vie.
Ces associations ne sont pas conditionnées par des exigences institutionnelles (financements, représentativité,...) et couvrent souvent les situations les plus immédiates. C’est ainsi qu’elles se consacrent à l’accueil et la défense des mineurs non accompagnés (MNA), l’accueil et l’orientation d’étrangers sans papiers, l’hébergement et la recherche de fonds pour "mettre au vert" des illégaux qui sont déboutés du droit d’asile, fournir de la nourriture aux migrants qui n’ont pas ou plus d’allocations aux demandeurs d’asile (ADA), le covoiturage et l’accompagnement de migrants pour répondre à des convocations administratives alors qu’ils sont loin de tout, des traductions orales ou de documents administratifs, les parrainages de mineurs ou d’adultes, la scolarisation d’enfants aux familles sans statuts administratifs, la création d’ateliers de pratique du français, la création de zone temporaire autonome conçus pour faire se rencontrer les autochtones et les migrants aux parcours souvent fracassés ... Ce sont ces groupements là qui sont les plus exposés au quotidien, et qui développent des trésors d’entraide et de solidarités concrètes, de désobéissance civile aussi. L’échelle des personnes impliquées n’est pas chiffrable, mais au niveau des territoires, on peut parler de mouvements importants de gens qui oeuvrent en silence.
Agir et converger
Ce peuple de l’accueil aux moyens souvent faibles et au courage qui n’est plus à démontrer, s’appuie donc souvent sur les grosses structures qui développent des ressources pérennes mais qui sont pris dans des mécanismes de dépendances institutionnelles. L’essentiel de la tâche relève de l’urgence sociale. Pris dans un feu roulant continu, il est presque impossible d’avoir une stratégie globale, d’évaluer des objectifs politiques, de délivrer du temps et de l’énergie pour dépasser ce quotidien parfois vécu comme oppressant par les bénévoles engagés. Pourtant, faire pression sur les décideurs (Préfet, élus,...), se manifester à chaque fois que c’est possible, collectivement, et ne rien lâcher lorsque des migrants sont expulsés, déboutés, rejetés... est urgent.
Or ces collectifs, comités, réseaux... sont aussi ceux qui ont besoin de partager des visions ou des pratiques, mettre en perspective leurs actions, réfléchir à étendre leurs réseaux ou à (re)trouver du sens à leurs actions, sortir de l’étau législatif, imposer des rapports de force. Et qui cherchent à s’associer avec d’autres groupements du même type. Les EGM, malgré les limites amenées par les enjeux des institutions associatives, répondent partiellement à cette préoccupation. Et ce n’est pas rien. Les petites associations maillent le territoire dans d’autres réseaux parfois, sur la base d’affinités politiques, géographiques... La convergence n’empêche pas la diversité des approches et des modes de regroupements.
Même si les perspectives sont sombres pour tout ce qui touche à un accueil digne et ouvert des étrangers en France, l’affirmation de pratiques solidaires est une nécessité impérieuse. Elle devrait s’appuyer notamment sur la nécessaire montée en puissance des groupements locaux de soutien et de leur coordination, et nous pouvons y participer. "Au cours de leur longue histoire, les anarchistes ont souvent contribué à mettre en œuvre des outils facilitant la convergence. Ces outils, de l’Association internationale des travailleurs à la Fédération des Bourses du travail en France, des organisations syndicales aux groupements coopératistes ou mutuellistes, ont souligné une éthique libertaire d’entraide et de solidarité comme ferments nécessaires pour résister à l’injustice. (...)"(2)
Daniel (Groupe Gard-Vaucluse)
Notes
1 - https://eg-migrations.org/
2 - https://www.monde-libertaire.fr/?page=archives&numarchive=14699
PAR : Daniel
Groupe Gard-Vaucluse
Groupe Gard-Vaucluse
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