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par Jacky Schwartzmann le 6 mars 2023

Un peu de lecture … Extrait du roman Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann

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(2017, La Foire aux ours, p. 141-143)

Article extrait du Monde libertaire n° 1847 de février 2023




La scène se déroule dans une usine fabriquant du matériel électrique. Face à la menace d’un plan de rachat par une entreprise américaine et un plan de licenciement, les travailleurs séquestrent l’envoyé américain, le député local nommé Viannet et un petit cadre se trouvant là par hasard, le narrateur.



« Deux jeunes types avec des brassards rouges, que je ne connaissais pas, ont poussé le député Viannet à l’intérieur en le traitant de sale merde. Jusque-là, je cautionnais : les députés sont des sales merdes. Viannet, d’ailleurs, s’est mis à trembler de partout, même du bide. Sa voix chevrotait. Il avait peur. Il se voyait avec une fin à la Danton, il s’est tourné vers l’Américain qui lui a fait un sourire triste, il s’est tourné vers moi qui ne lui ai pas fait de sourire triste, après quoi il a dit, pour lui-même : « Je ne comprends pas… Je fais tout mon possible pour les sortir de là. Je fais tout mon possible pour sauver leurs emplois… »

À claquer. Comme si ce gros con naïf pouvait d’une quelconque façon influencer les gens d’American Electrics. J’exécrais ce socialo gentil et volontaire, qui croyait tellement en sa mission, en son sacerdoce, qui voulait tellement bien faire, qui était tellement persuadé de faire tout son possible.
Les députés n’ont que cette phrase sur leur CV : je fais tout mon possible. Ils arborent le sourire mièvre du martyr qui se sacrifie, ils imposent ce martyr sur les marchés le dimanche matin, des caméras dans le dos, des tracts à la main, ils promettent ce qu’ils n’ont pas, ils jurent l’impossible, et leur seule légitimité réside dans cette maxime : je fais tout mon possible.

Finalement, ce n’est que leur travail, de faire tout leur possible, de se battre, comme ils disent.
C’est leurs trente-cinq heures à eux, ils font tout leur possible à temps plein, tu parles d’une affaire !
Faire tout son possible, à cause de gens comme eux, cela ne veut plus rien dire. Parce qu’ils échouent, systématiquement. Ils manquent à leurs promesses et, si on leur demande des comptes, ils se drapent dans leur dignité de parlementaire et ils avancent leur unique argument de vente : Je vous jure que j’ai fait tout mon possible.
J’ai l’impression que tout ton possible, cela ne suffit pas, petit député.
J’ai l’impression que tu amènes tout ton possible à l’Assemblée, mais que tu y trouves en échange des émoluments significatifs et une retraite sacrément élastique.
J’ai l’impression que tout ton possible est juste un job. Je fais tout mon possible…
Tiens, la prochaine fois que je ne remplirai pas mes objectifs, je dirai à ma n+1 que j’ai fait tout mon possible. Je pense que ça va beaucoup l’amuser.
Les députés sont la lie de la France, ils ne servent qu’à occuper des voitures de fonction, ils ne servent qu’à promener des chauffeurs. Ils jouent à je-te-tiens-tu-me-tiens-par-la-barbichette avec le Sénat, les sénateurs étant des députés plus vieux, plus gros, moins bruyants.
Les députés sont élus pour s’insurger en public lorsqu’ils sont dans l’opposition et pour sucer des queues derrières des rideaux lorsqu’ils sont dans la majorité. Quoi qu’il en soit, ils ont toujours la bouche pleine.
La seule expérience que peuvent acquérir des députés est l’apprentissage des postures, qui après quelques années devient une science : celle de l’imposture.
Mais : ils font tout leur possible.

Ils échouent en bande organisée, ils se branlent à l’unisson, ils éjaculent de la poudre.
On vote pour qu’ils puissent vivre sans travailler.

Cela dit, ils accomplissent un exploit dont nous sommes incapables, nous, simples mortels : ils font tout leur possible.

Autant dire que je n’avais pas beaucoup de sympathie pour le député Viannet et que de le voir enfermé dans des chiottes me ravissait ».

Jacky Schwartzmann

NDLR : Le texte original étant d’un seul bloc, le CRML s’est permis de l’aérer un peu
PAR : Jacky Schwartzmann
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