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par Cyrille le 30 décembre 2019

Religion, millénarisme, effondrement...

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Article du Monde libertaire n°1812 de décembre 2019
Je me suis souvent interrogé sur le phénomène Daesh… il m’est même arrivé de me demander s’ils n’étaient pas en avance sur une adaptation face aux changements climatiques. Les êtres vivants en groupe mènent des stratégies qui ne sont pas forcément conscientisés face aux stress.
Retour au Moyen Âge ou prémonition face à un monde de pénurie généralisé.
L’État islamique c’est le mal absolu actuellement, il a largement dépassé ce qu’était l’imaginaire des « terroristes » de la gauche extra-parlementaire dans les années 70 et 80.
Mais si le monde capitaliste a mis beaucoup de force pour l’abattre, c’est avant tout parce qu’une nouvelle organisation étatique prenait forme, en dehors des règles habituelles de scission ou fusion d’États.
La religion a été l’excuse, et pour l’EI de se construire, et pour les autres de combattre. Qui aurait dit en septembre 2001, qu’objectivement des groupes d’Al-Qaïda seraient aux côtés des forces américaines pour combattre un « monstre ». Certes, ils ne se sont pas embrassés, mais il y a eu des renversements d’alliances tels dans les forces « démocratiques » syriennes, que à certains moments c’était le cas. L’EI a été construit par des Irakiens sunnites croyants ou mécréants comme d’anciens cadres baasistes notamment de l’ex-armée de Saddam Hussein. La religion a bon dos.
L’extrémisme de l’EI a été mis en avant, mais de quel extrémisme parle-t-on ? Des violences, tortures, meurtres de masse ? Il n’y a pas d’actes identiques que n’aient pas pratiqués les armées « du Bien » ces dernières décennies...

Et le plus grand meurtrier sur ce territoire c’est quand même Bachar El Assad et ses supplétifs. A supposer que certains croient réellement à ce néo-islam rigoriste (qui pour un historien n’est pas du tout un retour à un islam premier), si l’on regarde le détail, en quoi est-ce pire, comme croyance ou système de croyances, que ce que déclarent certains évangélistes partout sur la planète ? Dans de nombreuses religions, après avoir tenté de s’adapter aux socialismes et à la sécularisation, l’air du temps est plutôt à une lecture soi-disant littéraliste des textes sacrés. Désormais autour de vous, en Europe, des personnes avec qui vous vivez, vous travaillez, prennent la Bible pour argent comptant. L’Homme a 6000 ans, il a vécu avec les dinosaures, Mathusalem a réellement vécu plus de 900 ans et cætera, ad nauseam. L’irrationnel qu’on pensait avoir vu diminuer dans les années 60 et 70, remonte.

Les Kurdes du Rojava représentent le diable pour Daesh car les femmes sont les égales des hommes, y compris au combat. Mais cette émancipation effraie beaucoup d’autres acteurs. Certes, ils ne vont pas voiler de force les filles, mais la place de la femme perd du terrain, y compris au nom de la lutte contre l’islam. La Hongrie en tête contre l’islamisation de l’Europe, met en place tout un système de lois pour favoriser l’élevage de petits Hongrois chrétiens et blancs et remettre les femmes à la maison. Ce n’est qu’un exemple mais dans la contraction économique en cours, les femmes sont et seront parmi les premières victimes. Ce n’est après tout qu’une histoire de degré. Le monstre Daesh sert à attirer tous les regards, à focaliser toutes les peurs. Le nombre de civils non combattants tués en Syrie, en Irak, par les bombes occidentales, est bien supérieur au nombre de victimes des attentats au nom de l’EI en Occident. Pas un journal télévisé n’a fait la une en mémoire de ces victimes. Il faut se battre pour libérer de l’esclavage les femmes yézidies, mais chaque année c’est 150 victimes des violences conjugales rien qu’en France.

Les médias mainstream, se plaignent de la propagation de l’islam « radical » en Afrique...Mais à y regarder de plus près, on voit d’autres choses… Souvent il est amalgamé des groupes « terroristes » islamistes et des rebelles nationalistes ou localistes cherchant à préserver des ressources naturelles (terre cultivables, eau, forêt...) mis en danger par l’extractivisme, ou à réclamer leur part du butin dans ces richesses du sous-sol. La répression alimente ces groupes qui prennent la religion en étendard. Mais il faudra bien se demander un jour, si ce n’est pas parce que c’est l’opposition radicale aux régimes corrompus soutenus notamment par l’armée française. On nous montre la France comme rempart contre l’islam radical en Afrique de l’Ouest, mais il serait bon de se demander si ce n’est pas le pillage généralisé des ressources qui suscite les révoltes.

La religion est actuellement le coagulant qui montre des groupes en lutte face aux ressources. Un ou une historien(ne) du futur n’aura pas de mal à démontrer que ce que nos médias montrent comme des guerres de religion, n’étaient en fait que des moyens d’appartenir à un groupe contre d’autres groupes pour survivre dans un univers en contraction. Le changement climatique conduit à une baisse des productions, à des températures qui deviennent invivables littéralement à certains endroits, au manque d’eau. Le système industriel mondial basé sur une surconsommation des ressources non renouvelables atteint ses limites, les pics, se succèdent. L’anticipation des États les plus riches sur ce manque à venir des ressources aggrave le phénomène. Le capitalisme industriel a détruit le climat et continue de piller les ressources du Sud, en générant des pollutions énormes... mais mettre en avant que les agitations n’ont comme sources que les religions est simplement de l’ordre du spectaculaire.

J’ai déjà écrit à de nombreuses reprises, y compris ici, l’histoire des christianismes, des IVe au VIe siècles, conséquences des crises systémiques puis dans un cercle vicieux causes d’aggravation des crises. Mais ce n’était que la première partie de mon propos, Daesh, c’est aussi un moyen de se regarder et de relativiser ce qu’est la religion. Il est facile pour nous de ridiculiser l’irrationnel de l’’islam radical, mais aussi de toutes les religions monothéistes.
Seulement, au fond de nous, nous pensons que les monothéismes sont un progrès, un pas vers l’athéisme triomphant : le Bien chez les anarchistes. Parler de l’absence de Dieu, c’est déjà parler de Dieu et surtout d’un Dieu (masculin de préférence !).

Les monothéismes et l’athéisme se pensent supérieurs aux autres pensées et mettent l’Homme en sous-chef ou en chef absolu, du reste du monde. Le regard violent de l’athéisme sur le monothéisme n’est qu’une histoire de qui est le chef. Les deux méprisent les polythéismes, les animismes et autres spiritualités (ou absences de spiritualités) comme inférieures car incapable de vouloir maîtriser le monde. L’absence de croyances en des dieux ou des forces invisibles, l’absence de spiritualité n’est pas l’athéisme.

L’Homme, a 300 000 ans, l’athéisme politique et les monothéismes, 2 ou 3000 ans. S’excentrer est fondamental. Ainsi Daesh nous renvoie l’absurdité de notre propre système de croyances. Si l’on commence à détricoter, on voit bien que nous sommes drogués, ivres, de nos croyances. Attachés violemment à des libertés individuelles quelles qu’en soient les conséquences. Appropriation de l’espace et des espèces, sédentarité, propriété, consommation. Notre société cartésienne, est le propre de l’athéisme et des monothéismes. Tout nous appartient, l’homme décide, le reste suivra. Mais ce cartésianisme est on ne peut plus irrationnel. L’ivresse de ne pas voir le système terre, comme un ensemble, interactif, un immense billard, où tout est lié, tout est cause et effet.

Il serait trop long ici, de détailler les différents degrés, comme un oignon, de nos croyances absurdes, illogiques, prétentieuses... de la plus immédiate à la plus fondamentale.

Le moindre achat repose sur un système de croyances aveugle tout aussi faible dans le raisonnement que de savoir si le père et le fils sont distincts ou semi-distincts. Telle pâte à tartiner est meilleure va affirmer quelqu’un à cause d’un marketing qui lui destiné, sans s’interroger sur la provenance et la fabrication... voir l’étiquette sans voir les enfants esclaves à l’autre bout. Arracher une « mauvaise » herbe, tailler un arbuste sur une forme déterminée, suppose également tout un système de valeurs aberrant, déconnecté du vivant et qui tue et mutile pour rien. Le plus prétentieux, et cela explique aussi l’absence de projet révolutionnaire cohérent, c’est la certitude en la liberté individuelle, le libre arbitre des humains, que tout le monde confond avec des droits politiques et libertés fondamentales. La recherche scientifique va tout simplement nous ramener au point de départ de l’être humain, notre cerveau en lien avec l’extérieur a décidé avant notre conscience de nos choix.
Alors si un camarade Néandertalien d’il y a 50 000 ans, arrive et regarde notre société, nos fonctionnements, il trouvera tout aussi irrationnel, absurde, meurtrier, l’univers de Daesh ou le nôtre. Chacun des tenants de ces univers est d’une prétention et d’une irrationalité sans limites. A titre personnel, j’ai toujours revendiqué un athéisme non scientiste et combattu l’hydre monothéiste. Mais la progression qui vise à regarder ce qu’il y a derrière les décors de théâtre qui nous entourent me force à relativiser cette approche. L’idée de Dieu, de non Dieu, de refus de savoir, ne devrait même pas se poser. C’est une discussion de cour d’école de quelques minutes au regard des enjeux et de l’humanité. Athées revendiqués ou monothéistes nous sommes ultra-narcissiques, incapables de modestie par rapport aux éléments et au reste du vivant. L’homme s’arroge des droits sur tout. Et même désormais qu’il commence à entrevoir, les limites de cette ivresse, il s’invente un système de croyances, une religion de l’Homme, pour justifier qu’en tant qu’espèce il prenne beaucoup, beaucoup plus que sa part.…Certains vont arguer que d’autres espèces sont invasives. Elles le sont souvent par le fait de l’homme qui les déplace et surtout beaucoup d’espèces s’auto-limitent lorsqu’elles mettent en danger leur espace vital.

La religion de l’Homme ? En effet, l’Homme a la culture, l’art, le langage, entend-on. Il est différent, il a donc le droit à plus. Cela pourrait à la limite s’entendre dans le cadre d’une démarche scientifique, mais aucune démarche scientifique ne peut permettre que l’on soit juge et parti. Cela me fait penser exactement aux recherches sur l’existence d’un Jésus qui serait à l’origine du christianisme. Les croyants affirment qu’il a existé car cela est écrit dans les sources chrétiennes. Les historiens, les scientifiques prétendent, qu’au contraire on ne peut pas affirmer son existence car aucune source non chrétienne n’atteste de son existence et même les historiens peuvent prouver son invention mais c’est une autre histoire.

Il y a peut-être des observateurs non humains, mais en tout cas nous ne sommes pas capables de les entendre, preuve de notre faible intelligence. Mais surtout, tout comme les Mayas ont constaté au bout d’un moment que les sacrifices humains n’arrêtaient pas la sécheresse, nous observons actuellement que cette Religion de l’Homme supérieur fait apparaître des forces qui nous transforment en fourmis. L’effondrement du vivant est le miroir, le dévoilement qui montre la fin de cette bacchanale géante.

Cyrille Poitiers

PAR : Cyrille
Poitiers
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