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par BRL le 29 janvier 2022

Lettre d’une étudiante

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Je suis étudiante. Et à la suite d’une discussion tendue, je me questionne.



Photo de Paula Bassi

Dois-je choisir de faire aujourd’hui ce qu’il y a de plus dur afin de ne pas être une fourmi plus tard ? Ai-je envie de trimer dès maintenant pour réussir la sélection et ne pas trimer au niveau master ou sur le marché du travail ? Ai-je envie de trimer maintenant ou plus tard ? La prévoyance me pousserait à mettre les mains à la pâte dès maintenant, pour avoir les clefs du monde plus tard. On réalise peu ce que le coup de la vie représente en effet, surtout lorsqu’on est aisé socialement, l’argent semble infini. Et faire des études dures, sélectives, c’est avoir le diplôme qui permet le job de rêve. Et avec ce job, un salaire sans doute non négligeable, et la possibilité d’avoir du temps libre pour faire ce qui nous plait. Bosse maintenant fais ce sacrifice, sinon tu n’es pas sûr de pouvoir profiter plus tard.

Même sans parler de loisir, l’argent ne tombe pas du ciel, le contexte social le prouve bien assez. Il faut donc un travail, il faut trimer, ou mourir. Est-ce sans alternative ? Travailler dure c’est ne plus avoir de temps pour soi, pour les copains, le sport, tout ce que vous voulez faire mais que vous ne pourrez pas faire. C’est même s’habituer à ne faire que réviser, et se retrouver démunie lorsqu’on n’a pas de travail. Mais je refais le trajet idéologique qui a mené plusieurs d’entre-nous à vouloir l’abolition du travail.

Que l’on soit étudiant ou actif, en quoi est-ce mal de travailler ? Pour répondre à cela faisons un comparatif en trois points.

Traditionnellement, la critique du travail s’appuie sur les théories marxistes. Elle sait cependant les dépasser. En effet Karl Marx a su mettre au clair le premier point de la critique du travail, qu’il a conceptualisé avec l’aliénation. Un individu sans capital, cherchant du travail va vendre ce qu’il possède, donc sa force de travail et son temps. Contre cela, l’employeur procède à un échange et lui offre un salaire en retour. C’est le principe du salariat, en place (de façon grossière) depuis le 19è siècle. Or le travailleur-salarié est réduit à vendre son propre corps, qui ne lui appartient de fait plus lorsqu’il travaille, il est donc étranger à lui-même. De plus il ne voie pas les fruits entiers de son travail car son salaire est calculé en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise, or ce chiffre d’affaires dépend de la valeur ajoutée des produits vendus. C’est-à-dire que la valeur (marchande) que le travailleur a donné à la matière (concrète comme du bois ou virtuelle comme un logiciel informatique) en travaillant pour la transformer en produit ne lui est pas entièrement rendue. Une part va dans les réinvestissements, les actions etc… Il est donc doublement aliéné et ne devient qu’une étape de production en plus, dont le coût (le salaire) est calculé dans une optique du profit.

Mais la critique ne s’arrête pas là, car il peut être normal que le salarié choisisse de travailler. Dans quel cas il aurait la possibilité de ne travailler que pour les patrons lui fournissant un salaire digne de ce nom. Ceux qui se font avoir ne seraient que des imbéciles. Or les salariés ont besoin de ce revenu, pour simplement survivre. Les négociations sont donc déséquilibrées, car en somme si le salaire ne convient pas, « qu’à cela ne tienne, on embauchera quelqu’un d’autre, ce n’est pas la demande qui manque ». C’est donc que le travail (salarié) est non démocratique, car l’individu travaille par contrainte. Il meurt ou trime. Une société où plus de la moitié de la population ne choisit pas ce qui occupe son temps peut-elle être démocratique ?

Enfin même si le salaire est remarquable, ce qui va rester à l’individu, ce qui lui est idéalement promis à travers le salaire c’est le pouvoir d’acheter. A défaut d’avoir choisi ton emploi, et d’être considéré comme être humain à part entière, tu as le pouvoir d’acheter. Nous pouvons dire que la consommation, n’est pas une vie. Elle fait rentrer dans un cycle de dépendance au travail : travailler pour gagner de l’argent pour pouvoir le dépenser. Or la consommation n’apporte que de la satisfaction passagère de désirs artificiels.

Transposer à l’étudiant, cette critique classique du travail-salarié-capitaliste devient très intéressante. Effectivement, le premier point n’est pas semblable, même si l’étudiant fini par n’être capable de ne penser que les disciplines qu’il étudie. Il se prépare en réalité à avoir de la valeur sur le marché du travail, grâce au diplôme. Il se prépare donc à être la force de travail (même intellectuelle) la plus alléchante pour les employeurs, c’est pour cela qu’il pense à son dossier, à son parcours, à son ambition professionnelle. Bien sur cela lui permettra d’avoir un bon job et du temps libre, mais souvenons-nous de la critique du salariat faite quelques lignes plus haut. Il n’a évidemment pas le choix, car ne pas faire d’étude c’est signer son arrêt de mort dans un monde où les emplois se font rares et où les diplômes perdent de leurs valeurs. Enfin, il devient aussi dépendant de la consommation, dans laquelle il a tendance à s’oublier car il ne peut plus réfléchir par lui-même, et pour lui-même, soit parce qu’il est fatigué, soit parce qu’il n’en a pas le temps, ou qu’il en a perdu le réflexe. On parle souvent des sorties étudiantes en bar le jeudi soir, c’est eux qui sortent le plus, pour souffler, tandis que certains cumulent études et petits jobs. En tout cas on ne donne pas à l’étudiant les clefs pour se constituer en individu.

Je sais que ce court texte laisse ouverte la question, mais le but était d’amener la réflexion de chacun sur des questions dont on ne mesure pas assez les enjeux à mon goût.
BRL

PAR : BRL
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le 30 janvier 2022 09:05:11 par Luisa

Il y a à peine quelques semaines, un animateur CNews - celui qui a deux raisins secs à la place des yeux - paniquait en direct de crainte que les restaurants soient à nouveau fermés. Il ajoutait cette phrase : - « pendant 6 mois j’ai mangé des pommes noisettes ! J’en ai marre ! »
Ce type est obligé d’avoir beaucoup d’argent parce qu’il ne sait rien faire, pas même se nourrir, cuisiner, éplucher, pour manger correctement !
Incapable de se vêtir, de coudre ses vêtements, incapable d’entretenir son domicile, de nettoyer, incapable de réparer, de bricoler, d’arranger, incapable de tout !
Il n’a pas inventé l’eau chaude non plus !
Lorsqu’il veut faire un quelconque discours sur un sujet, il est plutôt drôle de le voir [mal] réciter un passage d’auteur pour faire l’érudit !
Il a osé à plusieurs reprises citer La Boétie, ce qui démontre que soit il ne l’a jamais lu, soit qu’il est con au point de ne rien comprendre !
Tout lui échappe ! À lui comme à un tas de bourgeois riches d’insignifiance.
Chez ces gens-là, l’accumulation matérielle est une nécessité absolue, elle détermine toute valeur y compris le fait de vivre.
Qu’on les appelle des incapables, des bons à rien, aucun mot ne sera assez fort pour les qualifier !
Ils se font livrer tous les prêts : à manger, à porter, à consommer, etc … même les enfants par GPA !!
Il est temps de les laisser crever de faim, assis sur leur richesse, au nom des valeurs supérieures de l’argent !