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par Federación Libertaria Argentina (3 janvier 2018) le 23 avril 2018

Le terroriste c’est l’État

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Article extrait du « Monde libertaire » n° 1792 de février 2018
La semaine dernière, la Federación Libertaria Argentina (FLA) a été mentionnée dans un rapport du ministère de la Sécurité de la Nation ayant pour objet un groupe insurrectionnel du nom de Résistance ancestrale mapuche (RAM), classé comme terroriste. On y suggère que la FLA et d’autres organisations sont d’une façon ou d’une autre en rapport avec la RAM. Il s’agit d’un groupe clandestin d’action directe qui, depuis quelques années, s’attaque aux biens des propriétaires terriens en Patagonie. Son activité est très réduite et on ne rapporte pas d’action de sa part depuis longtemps. Mais après la disparition de Santiago Maldonado, elle a été présentée par le gouvernement comme un dangereux groupe terroriste mapuche cherchant à s’emparer de la Patagonie. La version officielle l’a utilisé pour criminaliser Santiago et toute la lutte mapuche et, plus largement, pour imposer l’idée d’un dangereux ennemi intérieur (entre autres), légitimant le net durcissement des politiques répressives.

Le rapport du ministère est une fiction incohérente qui attribue tout type d’activité ou de propagande pour la cause mapuche au RAM et la criminalise donc ainsi. Les groupes anarchistes y sont classés comme étant les plus actifs et violents pour ce qui concerne l’affaire Maldonado et les revendications mapuches. Et la FLA est mentionnée dans une liste d’organisations anarchistes (avec des syndicats, des sympathisants du peuple kurde, entre autres). Le gouvernement a annoncé la création d’un « commando conjoint » entre le ministère et trois régions de Patagonie ayant pour objectif de combattre la menace terroriste. Cette version annonce un assaut encore plus violent envers le peuple mapuche et la mouvance anarchiste, dans un contexte de militarisation croissante à des fins politiques de contrôle social et de criminalisation de tout type d’opposition. La Federation anarchiste de Rosario (Argentine) a envoyé le 29 décembre, suite au rapport visant le RAM, le communiqué suivant signé par divers mouvements et intitulé « Le terroriste c’est l’État ».


Le 27 décembre a été rendu public un rapport de 180 pages intitulé « RAM », dressé par le ministère de la Sécurité de la Nation conjointement avec les gouvernements provinciaux de Río Negro, Neuquén y Chubut, dans lequel une fois de plus on recommence à criminaliser, à diaboliser et poursuivre les Mapuches qui s’organisent et résistent, les activistes sociaux et les anarchistes. À travers un montage de fausses caractérisations et en se fondant sur des éléments d’enquêtes judiciaires non closes mais présentées comme preuves de « la violence et (du) caractère dangereux » du groupe Résistance ancestrale mapuche (RAM), la fasciste et infréquentable ministre Bullrich déclare que le RAM est « un mouvement promouvant la lutte insurrectionnelle et ne reconnaissant pas l’État argentin ni la législation provinciale ». De plus, ce rapport associe diverses organisations comme si elles avaient un lien quelconque entre elles et comme si, a priori, elles avaient commis quelque délit, alors que leurs seules actions ont été la solidarité face à la répression brutale des communautés mapuches avec un bilan de deux morts déjà : Santiago Maldonado et Rafael Nahuel.

La réponse du gouvernement aux mobilisations populaires


Ledit rapport relie entre elles 96 affaires judiciaires depuis 2010, toutes encore ouvertes ou fermées pour manque de charges, ainsi que diverses mobilisations populaires et activités publiques comme si elles se déroulaient dans le cadre de l’action d’un seul et même groupe dénommé RAM. Il crée également la confusion entre organisations politiques anarchistes et médias alternatifs. Ces montages judiciaires sont aussi l’œuvre de l’État au Brésil, en Espagne et au Chili contre des secteurs libertaires et autres militant-e-s. L’État essaye à nouveau de diaboliser et de diviser divers mouvements populaires avec pour objectif de créer un ennemi interne, un bouc émissaire, permettant de justifier l’augmentation vertigineuse de la répression de la contestation sociale face aux mesures antipopulaires prises en permanence. Ils essayent d’établir que critiquer et s’organiser face aux assassinats qu’ils commettent est par nature un délit. On dirait qu’être solidaire avec le mouvement kurde qui affronte le pire de l’ISIS implique d’être terroriste. Pour eux, le bon sens doit dicter que tous ceux qui luttent pour leur travail ou pour l’éducation, ou en solidarité avec les droits de tou-te-s, sont des criminels.

Dans le même temps, dans sa tentative de salir l’image du peuple mapuche, le rapport les accuse d’être « ethno-nationalistes » du fait de leur lutte contre le colonialisme que les États argentin et chilien ont déchaîné sur les peuples originaires lors de campagnes d’extermination et moyennant la mise à sac des territoires livrés sans autre forme de procès à des chefs d’entreprise puissants et au grand capital international, misant sur la confusion semée et contribuant à renforcer le racisme encore en vigueur. Nous rejetons en bloc les accusations infondées et mal intentionnées du ministère de la Sécurité et des gouvernements provinciaux de Chubut, Río Negro y Neuquén et nous sommes solidaires des organisations et des personnes de différents secteurs du peuple dont il est fait mention.

Ce rapport à l’intention politique est le truc galvaudé du gouvernement de Cambiemos face aux énormes mobilisations demandant de retrouver en vie Santiago Maldonado, demandant justice après l’assassinat de Rafael Nahuel, et face à la légitime défense qu’a exercée en ce mois chaud de décembre et dans la rue, le peuple travailleur le plus vulnérable : retraité-e-s et femmes percevant l’allocation universelle pour enfant, et dont le bilan s’élève au moins à quatre militants populaires ayant perdu un œil. Où est l’affrontement ? C’est leur réponse en retour car ils ne savent pas faire face à l’organisation digne et au rejet des peuples qui, depuis peu, se sont mis à dire « assez ! » et à mettre un frein aux politiques d’austérité. Et en effet le plan répressif accompagne l’ensemble des réformes et de la réduction du coût de la main-d’œuvre qu’ils veulent mettre en place dans cette région d’Amérique latine.

Au ministère de la Sécurité ils se sont mis d’accord pour constituer une commission et un commando opérationnel conjoints, intégré par des forces fédérales et provinciales de Chubut, Río Negro et Neuquen, et promettent en outre d’utiliser l’appareil judiciaire pour rendre des sentences avant même qu’il y ait enquête (comme le fait ce « rapport ») ou bien de faire des procès doubles, inconstitutionnels comme dans le cas de Facundo Jones Huala, mais cautionnés par les médias. La donnée montrant la couleur politique du rapport est le fait qu’apparaisse comme preuve de la violence exercée la RAM, le court-métrage réalisé le 1er août en faveur de la libération de Facundo, où l’on voit clairement Santiago Maldonado, qui devait être ensuite assassiné par la répression brutale de 130 gendarmes contre dix compagnons et compagnes. Figurent aussi à titre de preuve à charge, des outils de travail comme des scies, des tournevis, des pierres ; un « foutage de gueule » grossier.

Qui le rapport vise-t-il à des fins de criminalisation?


La liste des personnes et organisations impliquées de façon directe ou indirecte avec la RAM est longue et ennuyeuse, révoltante parce que nous employons tous les jours notre énergie pour construire un monde où ne règnera pas l’injustice patriarcale, raciste, capitaliste, d’extraction minière massive, aussi bien depuis les communautés originaires que depuis les organisations féministes, sociales, de droits de l’homme, syndicales et des coordinations. Nous exprimons notre solidarité à toutes les personnes en lutte diabolisées par le gouvernement de Cambiemos et nous lançons un appel aux organisations sociales pour qu’elles rejettent et entravent ce scénario misérable qu’ils sont en train de préparer. (…) Nous rendons Patricia Bullrich (ministre de la Sécurité), le gouvernement de Mauricio Macri et les gouvernements provinciaux de Mariano Arcioni (Chubut), de Omar Gutierrez (Neuquén) et Alberto Weretilneck (Río Negro), responsables d’intimidations, menaces, et tout danger qu’ils déclenchent en nous exposant à leurs forces répressives.

Assez de montages !
Libérez Facundo Jones Huala !
Justice pour Santiago Maldonado et Rafael Nahuel !
Vive toutes celles et tous ceux qui luttent !



PAR : Federación Libertaria Argentina (3 janvier 2018)
Traduction Monica Jornet (Groupe Gaston Couté)
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