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par Philippe Arnaud le 3 novembre 2019

"Il y a une solution aux expulsions » : pour l’État, c’est la rue !"

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Article extrait du Monde libertaire n°1809 de septembre 2019



Pour nous, pour les concernés, c’est la réquisition des logements vides, l’ouverture des squats et la pratique de la solidarité !

Historique des expulsions bordelaises en cascade de l’été 2019


La série « mémorable » a commencé le mardi 6 juillet, c’est le squat « le Gars-rage » qui est expulsé de la rue des Cordeliers, laissant 60 personnes à la rue.
En réaction, la CNT ouvre son local pour accueillir en journée les expulsés de 10h à 22h alors que les températures montent dangereusement dans la ville.

Jeudi 11 juillet : expulsion de la « Zone d’en Dehors », un squat installé dans quatre maisons et 13 logements de fonction désaffectés de la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles. Le propriétaire, Ariane Groupe, ainsi que la mairie de Saint-Médard-en-Jalles étaient pressés de réaliser une belle opération immobilière en vendant ces immeubles situés pourtant sur un terrain classé dans un polygone d’isolement du fait des activités dangereuses pratiquées sur le site de la poudrerie (ancienne Société nationale des poudres et explosifs). Au final, après l’expulsion des 60 familles, ce sont près de 120 personnes qui se retrouvent à la rue et les maisons sont aussitôt détruites par le propriétaire [note] .
Un rassemblement est organisé le jour même devant la Préfecture pour dénoncer les décisions d’expulsion de la préfète Buccio, entre autres à l’appel du DAL 33.
Pendant ce temps, l’aide s’organise avec le SQUID (centre social autogéré), Ovale citoyen et la CNT mais aussi Médecins du monde, la Ligue des droits de l’homme, ATTAC, AC …
Le SQUID mène une action pour occuper la Flèche Saint-Michel et permettre aux expulsés de dormir avec un petit abri.

Lundi 15 juillet
au matin, occupation pacifique de la Bourse du Travail de Bordeaux pour mettre à l’abri les migrants expulsés. Négociations avec la CGT qui est la maîtresse des lieux, pour organiser au mieux la vie au sein de la Bourse du Travail. L’occupation a vocation à être provisoire, le temps de trouver un hébergement, au moins nocturne, pour les 40 personnes qui s’y trouvent. Pour Ovale citoyen, Médecins du Monde, ATTAC et les collectifs citoyens de défense des migrants qui ont participé à cette action, il s’agit de mettre la pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils prennent leurs responsabilités et mettent à l’abri les personnes mises à la rue.
La CNT continue son accueil de jour de 10 h à 22 h (douches + 60 à 80 repas par jour midi et soir)

Mardi 16 juillet : 50 personnes répondent à l’appel à rassemblement devant la Préfecture lancé par l’UD- CGT 33, Ovale citoyen et Médecins du Monde…
L’accueil de jour déménage de la CNT à l’Athénée libertaire, 7 rue du muguet à Bordeaux, suite aux plaintes des voisins et aux menaces du propriétaire du local loué par la CNT.

Mercredi 17 juillet : la Préfète tient une conférence de presse où elle affirme « les expulsions vont continuer » et « qu’il ne faut pas créer d’appel d’air » ! Un rassemblement de dénonciation se tient devant la Préfecture, puis une AG se tient à la Bourse du travail où se décide entre autres d’envoyer un courrier aux élus.

Jeudi 18 juillet : rassemblement devant le Conseil départemental, une délégation est reçue par la directrice de cabinet du Président Gleize.

Vendredi 19 juillet
: rassemblement devant Bordeaux Métropole pour demander l’ouverture de lieux d’accueil, en particulier à l’approche de la canicule qui doit commencer lundi 22 juillet. Bordeaux Métropole reçoit les manifestants et finit par proposer d’ouvrir le gymnase Thiers pour 150 places jusqu’à la fin de l’été. Lits, couvertures et douches seront fournies par la Sécurité civile.
Finalement la mise à disposition du gymnase est reportée au lendemain suite à des problèmes techniques invoqués par la Mairie (en fait, il ne sera jamais ouvert, la Préfecture serait intervenue pour s’opposer à cette ouverture).




L’Athénée libertaire continue d’assurer l’accueil de jour, de gérer les repas, et d’accueillir les dons (de particuliers, de commerçants, d’agriculteurs, de restaurateurs…) qui arrivent en nombre (nourriture, vêtements, produits de toilette…). Une cagnotte est mise en ligne pour couvrir les nombreux frais quotidiens. Et les expulsés des squats sont associés à la gestion des stocks mais aussi à l’accueil sur le site de l’Athénée et aux différentes commissions mises en place.

Lundi 22 juillet :la confédération CGT publie un communiqué pour dénoncer une catastrophe humanitaire à Bordeaux et appeler ses syndicats à venir apporter leur soutien aux expulsés [note] . Auparavant Philippe Martinez a téléphoné à la Préfète sur la situation.

Mardi 23 juillet : réunion des expulsés et des soutiens à l’Athénée libertaire. Le matin même, un autre squat dans l’ancien hôtel Balzac était expulsé sur plaintes du voisinage.
A Bègles, une famille est avertie par la police qu’elle sera expulsée, avec ses enfants, le 1er août, sur ordre préfectoral.
Il fait 43°, les personnes sont toujours à la rue et la Préfète refuse toujours de surseoir aux expulsions et d’installer des espaces temporaires d’insertion (ETI).
Le 115 dénombre 44 familles à la rue dont une avec un enfant de moins de 3 ans !

Mercredi 24 juillet : au matin, expulsion de 2 squats « Action Group » rue Kléber à Bordeaux !
Pendant ce temps à Lyon l’important squat de 300 migrants est menacé d’expulsion.

Lundi 25 juillet : AG à l’Athénée libertaire. Fermeture de l’accueil à l’Athénée libertaire les lundis et vendredis (voisinage là aussi à ménager mais aussi maintenir les forces bénévoles), constitution de commissions (action, finance, juridique…), propositions d’actions permettant de rendre visibles la situation des personnes jetées à la rue et le mouvement de soutien spontanément mis en place.

Vendredi 26 juillet : expulsion des migrants hébergés sous la Flèche Saint-Michel, matelas et affaires personnelles balancés à l’eau, par la police bien sûr, occupation de l’église Saint-Michel voisine en suivant. Réunion d’élus avec la Préfète, pour elle, 22 personnes sont relogées et il n’y a que 45 personnes à la rue, donc les expulsions vont continuer ! Aveuglement et mensonges d’État. Soirée de soutien à Bègles organisée par le Théâtre du Levain.

Jeudi 1er août
: nouvelle AG des expulsés et soutiens à l’Athénée libertaire, décision d’interpeller le Défenseur des Droits, même le PS signe la lettre !

Samedi 3 août : AG à l’Athénée libertaire, l’accueil, les permanences et les repas continuent de 10 h à 22 h (sauf lundis et vendredis), mais les AG et réunions des commissions doivent trouver un autre endroit pour se réunir, pour des questions d’intendance (150 repas sont servis le midi sur place et autant le soir ce qui nécessite une gestion rigoureuse des locaux exigus). Les cours de français se tiennent au local de la CNT.

Jeudi 8 août
: les personnes qui dorment à la Bourse du travail seront hébergés ailleurs dès vendredi 9 août. Une première avancée car nombre des personnes dormant à la Bourse étaient demandeurs d’asile et devaient, compte tenu de leur situation, être pris en charge par l’État.

Depuis
des AG se déroulent régulièrement avec notamment restitution des travaux des différentes commissions, prises de décisions collectives…. A noter le soutien de différents horizons pour l’accueil des réunions (NPA pour l’AG du 10 août, syndicats du rail pour la prochaine du 19 août).

b) Situation de Bordeaux sur le plan de logement : spéculations immobilières à la hausse
1. Estimation à 2000 personnes vivant en squats ou à la rue sur Bordeaux et métropole et 1800 personnes vivent en bidonvilles constitués de roms et autres populations européennes.
2. Difficultés pour accéder à l’eau pour l’hygiène et potable (panne de nombreuses fontaines d’eau, peu de toilettes publiques, …).
Dans la métropole, 29 fontaines sur 75 ne fonctionnent pas ou sont hors de portée le 19 juillet 2019 [note] .

3. Le logement en Gironde :
Depuis de nombreuses années, le prix du logement ne cesse d’augmenter, on connaît une ségrégation sociale et territoriale. La réalisation de logements sociaux est inférieure à la demande. Explosion de la demande de logement d’urgence pour les sans ou mal logés. Mais plus de 20 000 logements vides sont recensés sur la métropole bordelaise. La spéculation immobilière accompagne la mutation de Bordeaux en ville de grand tourisme.

c) Situation de Bordeaux sur le plan des migrations : nouvelle voie de migration par le Maroc et l’Espagne et bordeaux sur la route vers Paris et le Nord

d) La politique de l’État français de plus en plus violente et répressive, et mollesse des élus locaux.

e) Des solutions existent :
1. Actions directes : ouvertures de squats et actions de solidarité, pression sur les pouvoirs publics.
2. Ouvertures d’espaces vacants lui appartenant par les collectivités locales :
2.1. Sans l’autorisation de la Préfecture, les collectivités locales peuvent ouvrir leurs espaces vacants d’accueil. C’est alors à l’État d’attaquer la décision de la collectivité locale devant le tribunal administratif pour qu’il statue sur l’ouverture ou la fermeture des espaces vacants.
2.2. A Grande-Synthe (59), des associations et la mairie ont attaqué la Préfecture du Nord et ont obtenu gain de cause par le Conseil d’État le 21 juin 2019. La Préfecture du Nord a été condamnée à des mesures sanitaires pour les migrants.
3. Lieux de vie à cette occasion :
3.1. Nocturne : La Bourse du Travail de Bordeaux
3.2. Diurne : la CNT puis l’Athénée libertaire
3.3. Acteurs du soutien : syndicaux CNT et CGT et le réseau des soutiens syndicaux et associatifs avec l’union syndicale Solidaires, Ovale Citoyen, AREVE, Médecins du Monde, Bienvenue, LDH, etc. Sur cette lutte estivale

f) Les actions menées sur cette lutte estivale mémorable :

1. Occupations de collectivités locales (Bordeaux Métropole, Conseil départemental, …),
2. Manifestations devant la Préfecture,
3. Die-in devant le Grand Théâtre de Bordeaux (place de la Comédie)
4. Organisation d’une représentation de soutien au Théâtre du Levain à Bègles
5. Organisation de collectes
6. courrier au DDD (Défenseurs des Droits) [note] .

g) Un mouvement à suivre :
1. Relogements de 90 personnes hébergées de nuit à la Bourse du travail, et donc fermeture de nuit de celle-ci depuis le 9 août 2019
2. Plusieurs collectifs de soutien aux personnes en quête d’un toit œuvrent depuis longtemps sur Bordeaux, que ce soit pour ouvrir des squats, pour apporter de l’eau dans ces squats ou dans les bidonvilles, ou bien pour collecter et redistribuer de la nourriture, ou encore pour aider dans les démarches administratives. D’autres personnes se sont engagées dans ce combat à l’occasion de ces expulsions en masse. Un combat à poursuivre dans la durée.
3. A défaut de mise en œuvre de la réquisition des logements vides (plus de 20 000 sur la métropole bordelaise !) par les autorités, les ouvertures de squats sont la réponse directe, immédiate mais transitoire, des premiers concernés par ce besoin vital : un toit ce n’est pas qu’un droit, c’est beaucoup plus, c’est vital !

Philippe Arnaud
Cercle libertaire Jean-Barrué (33)


PAR : Philippe Arnaud
Cercle libertaire Jean-Barrué (33)
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