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par Un juriste • le 9 août 2025
Soyons vigilants : Errare humanum est, perseverare diabolicum !
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Les détenteurs du pouvoir connaissent quantité de ruses pour limiter les libertés publiques et individuelles. L’Ancien régime assénait des lettres de cachet. Les régimes suivants connurent les mesures visant les personnes dans l’arbitraire le plus total. Pourtant le juge administratif, malgré ses défauts, saisi via le recours pour excès de pouvoir, limite ces atteintes au droit des personnes. Alors, plus ingénieux, le gouvernement, par ses préfets, prend des arrêtés notamment d’interdiction de manifestation quelques heures avant le déroulement de celle-ci ce qui empêche en pratique la saisine du tribunal administratif. Plus habile encore, le même gouvernement utilise la voie du décret, par exemple pour la dissolution d’association. Il faut saisir le Conseil d’Etat, c’est plus lourd et plus coûteux.
Récente innovation, le gouvernement mobilise ses députés ou sénateurs pour faire passer des dispositions toujours attentatoires au droit. Et si les propositions de loi sont déclarées non conformes à la Constitution, le même gouvernement reprendra un autre texte… Errare humanum est, perseverare diabolicum. La dernière initiative en date provient du ministère de l’intérieur.
Initialement une sénatrice LR présente une proposition de loi « visant à faciliter le maintien en détention de personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive ». Titre lourd, alambiqué, chargé de mots journalistiques. Le texte est soutenu, adopté par le bloc central de la droite et le RN avec l’appui pressant du ministre de l’intérieur. A se demander pourquoi le gouvernement n’a pas présenté lui-même ce texte. Il prévoit notamment de faire passer de quatre-vingt-dix à deux cent dix jours la durée maximale d’enfermement en centre de rétention administrative en vue d’une expulsion d’un étranger sans papier condamnés pour des faits graves, s’en suit une liste de crimes et délits, un peu fourretout. Ce texte a fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel. C’est le raisonnement de cette juridiction qui est intéressant et utilisable par les défenseurs des libertés.
Cet « élargissement auquel procède la loi du champ des personnes pouvant être maintenues en rétention pour une durée particulièrement longue, n’est pas proportionné à l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière poursuivi » affirme le Conseil constitutionnel. Dans la citation, c’est la notion de proportionnalité qui est à noter et pourra être utilisée dans d’autres combats. Il faut « respecter le principe selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui n’est pas nécessaire ». L’article 66 de la Constitution, en écho à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, prévoit que « nul ne peut être arbitrairement détenu ». Le Conseil s’inquiète des risques juridiques. Un étranger peut ainsi être en rétention pour une longue durée sans caractère exceptionnel. Un étranger peut être condamné à une peine d’interdiction du territoire alors que les faits reprochés ne sont pas d’une particulière gravité. Un étranger peut être maintenu en rétention alors qu’il a accompli sa peine et sans que l’administration n’ait à prouver une quelconque menace à l’ordre public. Notons que cette juridiction, pourtant composée de responsables politiques plutôt de droite, va loin dans son analyse et tire des conséquences lourdes pour les libertés. Elle annule aussi un article qui prévoit qu’un étranger soit gardé en rétention quand bien même le juge a prononcé sa remise en liberté, en cas d’appel du ministère public.
Ces deux dispositions déclarées non conformes à la Constitution étaient très inquiétantes car ce délire sécuritaire est aisément transposable dans d’autres situations. Le pire est probablement dans la réaction du ministre de l’intérieur, loin de reconnaître son erreur et de faire profil bas, celui entend proposer rapidement un autre texte en ce sens. Nous entrons dans un temps où les libertés ont menacées. Oui, soyons vigilants : Errare humanum est, perseverare diabolicum !
PAR : Un juriste
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