
Juillet, rat noir, qu’est-ce que tu lis pour les vacances ?
Pour commencer ce petit voyage estival de juillet , un petit tour aux États-Unis, avec Winersburg-en-Ohio de Sherwood Anderson et le détonnant Downtown Diaries de Jim Carroll. France des années 50 : Délire de fuite de Marc’O, suivi de L’art de s’en sortir, une longue interview de l’auteur publiée par le même éditeur. Enfin, quelques fantasmes en moins et quelques réalités en plus au sujet de l’IA : Les algorithmes contre la société d’Hubert Guillaud et L’inconscient inculqué à mon ordinateur de Yann Diener.
« La mythologie, qui est certes une des plus grandes inventions humaines, a mis la Vérité dans le fond d’un puits ». Honoré de Balzac
Sherwood Anderson : Winesburg-en-Ohio
L’influence de son père, « conteur impénitent d’histoire imaginaires » a eu un poids considérable sur sa propre vie. Mais son expérience sociale, notamment au contact de journalistes radicaux de Chicago a également beaucoup influencé le Sherwood Anderson écrivain, vocation qui lui fit quitter femme et enfants…
Quel peut être par exemple le secret qui se cache dans les mains impressionnantes de Wing Biddlebaum « en incessante agitation » ? Ou, pourquoi le docteur Reefy passe son temps à remplir ses poches de bouts de papier qu’il transforme en boulettes pour finir par les jeter ? Plus loin : les espoirs et craintes d’un couple d’hôteliers au sujet de l’avenir de leur fils. Montée en puissance avec l’histoire d’Isaï Bentley « qui se croyait l’Homme de dieu ». On fait ensuite la connaissance de Joe, dont « les mots sortaient de sa bouche en avalanche, tandis que les gens attendaient avec un amusement tempéré d’inquiétude, l’éruption et déjà prêts à fuir » ! Quelles sont les turpitudes de Wash Williams, « l’être le plus laid du monde qui détestait les femmes », mais pour quelles raisons ? Illusions et désillusions, ensuite, d’un jeune homme, « singulier ou simplement immature » ? Nous assisterons à la pertinente compréhension d’un enfant au sujet des propos d’un ivrogne ! Nous partagerons les affres d’un révérend devant la tentation de la chair. Plus loin, nous essaierons de savoir pourquoi l’institutrice Kate Swift, femme ingénue, nourrit bien des fantasmes dans la petite ville du Midwest ? L’histoire encore, d’Enoch Robinson, « l’enfant qui même vieux, n’arrivait pas à grandir » ! Et celle de Belle Carpenter « qui aurait voulu être un homme pour pouvoir se battre à coups de poing quand des idées sombres la hantaient ».
Les nouvelles de Sherwood Anderson regorgent parfois d’êtres encore plus bizarres. Dont trois d’entre eux, qui décident contre vents et marées « de n’être plus bizarres » ! Ou encore, ce George Willard « qui bien gauchement, court contre ses propres démons qu’il veut occire ». L’histoire de Ray Pearson « à la vie très rangée » et de Hal Winters « le vaurien » que rien ne semble réunir, et pourtant… Façon on ne peut plus pertinente de conclure ce recueil avec le héros de la dernière de ces scénettes qui afin d’échapper à son destin étriqué décidera de quitter pour toujours « Winesburg la petite » pour tenter « de commencer sa vie d’homme dans une grande ville », Chicago ou New-York ? Qu’importe !
En terminant notre lecture, on en veut à Sherwood Anderson de s’arrêter en si bon chemin alors qu’on lui crie : « Encore et encore » !
Jim Carroll : Downtown Diaries
Dès les premières lignes de son journal, Jim Carroll n’y va pas de main morte en nous expliquant pourquoi pour le « porter aux pulsions vers l’anonyme et l’instantané », il privilégie les shoots d’héroïne à ceux de cocaïne. Il nous décrie ensuite sa cohabitation loufoque avec sa compagne d’un moment, une égérie du monde underground et un homo qui fréquente Times Square. Ces derniers, « contrairement aux autres se foutant bien de mon addiction ». Au détour d’une page surprenante, nous allons assister à une chasse aux morpions « animaux que Nabokov n’a jamais réussi à décrire », organisée par le couple qui leur font faire la course ! « Une nana qui arrive à tourner une maladie vénérienne en récréation, ça ne s’oublie pas ». Ça commence effectivement très fort !
Lors des déambulations de Jim dans Downtown, nous croiserons dans des scènes irrésistibles et hilarantes, une foule d’individus plus allumés les uns que les autres : travestis, trans et drag-queens portoricaines. Petits et gros dealers. Un Dr. Feelgood, au comportement des plus étranges. Mais plus sombres et inquiétants, un collectionneur de « mannequins cancéreux » et autres ères en perdition ou carrément suicidaires, et passant même à l’acte en direct ! Outre ce folklore, comme « il faut bien manger », Jim va nous inviter à visiter le décor de ses petits boulots « de ceux que j’accepte quand je ne suis pas trop défoncé » (sic). C’est ainsi que nous allons côtoyer un nombre impressionnant de « stars du moment ou plus célèbres » du milieu underground newyorkais. Et pas des moindres, dont le peintre Edwin Hooper Denby ou le charismatique Andy Warhol « ce moine en exil qui prenait son pied à enregistrer les conversations téléphoniques de toutes ses connaissances sans jamais les réécouter ». Warhol et son cinéma porno gay « au fonctionnement des plus étranges » et dans lequel Jim travaille, ou plus exactement « joue au travailleur ». Description sans appel de plusieurs membres de la « tribu » du Velvet Underground fréquentant la Factory « du maître avare et capricieux exploitant honteusement toute la bande » ! Sur ce point, nous faisons confiance à Jim Carroll pour nous faire un reportage « live » : « Je ne rate jamais rien dans mon petit job alimentaire, aucune des intrigues de couloir ». D’où un portrait au vitriol de Paul Morrissey « une des créatures les plus dangereuses sur terre ». D’autres évocations non moins réalistes sortiront des pages de ce journal, telles celles d’Allen Ginsberg ; Brigid Polk, une des superstars de Warhol ; Jackson Pollock « qui balançait sa sauvagement sa peinture sur ses toiles » ; W.H. Auden ; Phil Ochs, etc. Si certains passages sont relativement calmes, d’autres le sont moins comme cette conversation très poussive entre Jim Caroll et William S. Burroughs. Outre cette galerie de tableaux et quelques soirées dégentées passées dans le mythique Max’s d’Esat Side, il nous arrivera de replonger avec délice dans les souvenir d’enfance de l’auteur. Une époque où il était « convaincu que les meubles vivaient leurs propres vies ». Parfois, Jim Carroll nous prend à témoin pour partager ses doutes, ses faux espoirs et les angoisses de sa vie de patachon, ses envies récurrentes de décrocher. Et si la solution à son addiction, à cette vie « électrique et épuisante newyorkaise » des seventies était tout simplement de fuir loin de la Grosse Pomme, « la ville vampyr, la ville-aimant » et, comme le suggère la chanson de Lou Reed, de Take a Walk on the Wilde Side ?
https://www.youtube.com/watch?v=TV4FOyenCw8&ab_channel=ConcertsOnVEVO
Marc’O : Délire de fuite (suivi de L’art d’en sortir)
Marc-Gilbert Guillaumin, dit Marc’O, est né en 1927. L’Art de s’en Sortir, le second ouvrage proposé dans cet article est une longue interview de Marc’O, réalisée à Paris entre 2022 et 2024. Elle évoque chaque épisode de sa longue vie, de son entrée dans la Résistance à l’âge de 14 ans et demi, puis sa fréquentation des milieux zazous, surréalistes et lettristes. Sa démarche dans le milieu du cinéma de la Nouvelle Vague y est également dépeinte. Ainsi que sa réflexion sur le rôle de l’acteur à l’école de théâtre de l’American Center qu’il transforma en « pépinière d’acteurs » (Bulle Ogier, JP Kalfon, Pierre Clémenti, etc).
Sa participation aux événements de Mai 68, puis ses séjours en Italie et au Maroc où il poursuivit ses travaux dans différents domaines. Délire de fuite évoqué en premier ci-dessous, est le journal dans lequel Marc’O a décrit l’étrange atmosphère qui régnait dans le Paris de la toute après-guerre.
La première partie de son journal peut se résumer à la série des questions existentielles qu’il se pose. Deux ans plus tard, les choses auront-elles un peu changé pour lui ? Pas vraiment : « J’essaie seulement d’essayer d’exister avec les autres » ! Entre les saouleries et bagarres avec les potes dans les cafés « à la page » de St Germain-des-Prés et les aventures d’un soir avec des filles « dites faciles », ce que Marc’O prend le soin de corriger immédiatement : « Il y avait souvent des filles violées dans les surprises parties ». Au hasard d’une page, nous découvrons les délices d’un concert du chanteur noir américain, Rex Stewart et de « sa musique qui touche la partie plus intime et la plus secrète ».
Mais la branche à laquelle se raccroche surtout notre jeune héros est celle de la poésie « Il faudrait un jour qu’un poète fasse éclater les mots, comme aucun cri encore entendu, des sons voulant tout dire ». Marc’O nous livre parfois quelques impressions comme des flashs photographiques « Un boulevard St Michel que ne survit que grâce aux maisons qui l’étouffent ». Il excelle également dans l’art de nous raconter une scène de famille absolument hallucinante où « En ce soir de Noël j’ai eu une forte envie de gifler mon père si imbu de lui-même et de secouer ma mère trop soumise ». Et puis c’est l’éveil à la politique face à la répression d’une manif d’étudiants contre la guerre d’Indochine, une scène qui le renvoie à son passé de jeune résistant…
En postface, nous apprenons comment ce journal a été sauvé de l’oubli et publié par les éditions Allia, tandis que le jeune Marc’O nous quitte en nous posant cette question : « Était-elle vraiment belle cette époque. Les petites folies du Quartier latin, nous avons vécu joyeux, insouciants, mais vingt ans, quel fardeau » !
Mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent » Berthold Brecht
En complément du journal des jeunes années de Marc’O, les éditions Allia nous proposent L’Art d’en sortir, une impressionnante interview réalisée par Gérard Berberry à Paris, entre 2022 et 2024. Ce dernier a tenu le pari d’essayer tant bien que mal de synthétiser le parcours de Marc’O, on ne peut moins banal. Ceci formant un tout avec Délire de fuite, mais, précise l’éditeur qui « commente d’une autre manière la quête qui fut celle du jeune homme de l’époque et de Marc’O sa vie durant : le dépassement. Comme un arc jeté entre les époques ».
Gérard Berberry revient tout d’abord l’engagement de Marc’o dans la résistance à l’âge de 14 ans 1/2, tandis que ce dernier l’explique en évoquant son enfance « de gamin élevé dans un monde d’adulte ouvert et multiculturel ». Après ses désillusions à la Libération, nous le suivons dans le Paris du Tabou de l’après-guerre, boite de Jazz où il fait la connaissance des frères Vian. Puis il nous parle de sa rencontre avec Jean Cocteau, le philosophe Jean Wahl « qui a durablement marqué ma vie », ainsi que des personnalités de la Nouvelle-vague (Rivette, Chabrol, Truffaut, Godard, etc.) et les initiateurs de la revue Les Cahiers du Cinéma. Concernant sa rencontre avec les lettristes et les surréalistes, Marc’O va nous expliquer la différence entre les premiers « poètes à la mode Antonin Artaud » et les seconds, « adeptes du non-sens » avant d’évoquer André Breton, « le gourou autoritaire » de ces derniers.
C’est également dans ces années-là que Marc’O fait la connaissance d’Isidore Isou, avant de s’en éloigner à cause de ses positions sur Pétain et sur les miliciens collabos. Il reconnait cependant que c’est grâce à lui qu’il a fait ses premiers pas dans le monde du cinéma, en produisant son film lettriste Traité de bave et d’éternité.
Plus loin, Marc’O nous parle du jeune Guy Debord et de Michèle Bernstein et des prémices de L’Internationale situationniste. En 1954, Marc’O sort enfin son premier film Closed vision conçu sous la forme d’un « roman-photo réaliste » et commence à développer sa « philosophie de l’expression du sensible » inspirée de Berthold Brecht et Roman Jackobson.
Il commence alors à faire travailler les acteurs en « travail collectif et d’égalité des différences ». Un concept percutant. A la question posée par l’interviewer « Qu’est-ce que l’art », Marc’O répond : « L’art de s’en sortir » !
C’est sur la lancée du Mouvement Soulèvement de la jeunesse que Marc’O commence à s’intéresser à la psychanalyse, version Jacques Lacan. Sa pensée sera également influencée par Jean-Noël Picq et le cinéaste Jean Eustache et il va nous en expliquer le pourquoi de sa bifurcation vers l’univers du théâtre et de la mise en scène, notamment l’American Center, carrefour parisien de la Beat Generation et du Living Theater. Leur fréquentation va orienter Marc’O à repenser entièrement la relation acteurs/spectateurs. « Pour moi, il n’y a pas de génie s’il n’y a pas de spectateur (ou lecteur) génial. Toute lecture est une création » !
C’est dans ce contexte qu’il monte sa pièce « anti-show-business », Playgirls présentée au Bilboquet et pour laquelle il engage « la magique » Bulle Ogier, mais aussi, Maurice Girodias, Michèle Moretti, Jacques Higelin, Marpessa Down, Pierre Clémenti, J-Pierre Kalfon, etc. Pièce qui marqua les esprits à tel point que 25 ans plus tard, un certain Michel Cressole l’évoquera dans un article de Libération ! En 1962, il engage la jeune Brigitte Fontaine dans Les Bargasses. Il se lie avec Maurice Girodias (l’éditeur d’Henry Miller, Nabokow, Burroughs) qui ouvre son établissement de nuit La Grande Séverine, où sera jouée cette pièce provocatrice, on ne peut plus décriée à l’époque. Là encore, ces années de grande création sont soulignées par une impressionnante série de documents, d’articles de presse et autres références richement illustrés de photos et témoignages.
Mais alors que se profile la révolte de Mai 68, que la petite troupe qui s’est créé autour de lui va se disperser et que Marc’O va subir le flop du film Les Idoles, tiré de Playgirls. Fin 1967, Guy Debord sort son livre culte La Société du Spectacle, tous deux se retrouveront dans la Sorbonne occupée, en compagnie de Daniel Cohn Bendit et consorts.
L’après-Mai 68 sera une nouvelle désillusion pour Marc’O qui alors, partira pour l’Italie. A ce sujet, il évoquera pour nous sa rencontre avec Pier Paolo Pasolini, de son séjour au Maroc… Pour terminer Marc’O évoquera sa rencontre avec Catherine Ringer et Fred Chichin, mais aussi avec Félix Guattari et nous expliquera sa nouvelle conception de l’art, concrétisée dans sa pièce Les Flashs rouges et de sa technique de la « nouvelle image »… Comment mieux vous inciter à découvrir un tel parcours, sinon en concluant sur cette phrase de Aube Breton (la fille d’André et de Jacqueline Lamba) :
« Marc’O n’était ni carriériste, ni arriviste, ni mondain »
Un sacré exemple dans le genre !
Hubert Guillaud : Les algorithmes contre la société
A cette fin, l’auteur a réuni un nombre époustouflant de sources et références à des ouvrages ou articles écrits par des chercheurs, philosophes, sociologues, etc, pour démontrer « comment la grande interconnexion des machines n’a fait que renforcer les inégalités ». A l’exemple de la surveillance accrue développée par les agences, mais plus proche de notre quotidien, « comment les bases de données des services publics ont été livrées aux acteurs privés ».
Hubert Guillaud va s’arrêter longuement sur les quatre phases de cette évolution.
De 2000 à 2010 avec la première génération des « systèmes de recommandation » ayant pour but de mettre en avant, « les profils les plus connus ».
De 2010 à 2016, l’âge du réseau « où ce sont alors les réactions des autres qui structurent la recommandation » via les likes, partages, Facebook, etc.
De 2016 à 2021, l’intégration de l’IA « pour rapprocher les utilisateurs selon leurs comportements »
et enfin, depuis 2021, ce que l’auteur nomme « l’entrée dans l’âge du cynisme » : la lutte entre les géants du GAFAM et entre les USA et la Chine, « les utilisateurs n’ayant plus la main ou, le cynisme des calculs inféodés aux logiques capitalistique » : le sujet de ce livre.
L’auteur se propose de nous faire découvrir plusieurs exemples de ce glissement à commencer par celui de la CAF et de ses contrôles « automatisés ». Quid de la prise compte des erreurs oublis ? Et pour quelles raisons le nombre de non-recours a-t-il explosé ? Quelles sont les populations les plus exposées ? De cela on se doute, et nous ne sommes pas les seuls à le faire puisque même le Sénat et la Cour des comptes s’en sont inquiétés !
Hubert Guillaud passe ensuite au peigne fin, les méthodes automatisées par Pôle Emploi ou par Parcours Sup. Là encore, peu de surprises, entre les erreurs de calcul et les distorsions de traitement, selon le statut pour Pôle Emploi et un tri plus qu’aléatoire pour ne pas dire arbitraire, pour Parcours Sup. De fait, dans ces deux cas, « mieux vaut alors se situer dans la norme »…
Plus loin, l’auteur aborde le même gendre de méthode prédictive utilisée par exemple pour « prévenir l’échec scolaire » ! A découvrir, un rapport hallucinant réalisé par 450 chercheurs et 160 équipes de recherche aux conclusions probantes quant aux résultats obtenus par les prédictions en comparaison avec les anciennes méthodes « dites aléatoires ».
Mais les dégâts de la prédiction ne s’arrêtent pas là. Ils sont légion, aussi bien dans les établissements financiers lorsqu’il s’agit d’obtenir un prêt que dans les services sociaux pour obtenir une place en crèche, ou une formation. Tous dépendant de plus en plus, d’un « calcul ». Le passage du livre dédié aux algorithmes d’embauche, vaut aussi son pesant de cacahuètes. Des techniques de sélection défaillantes jusqu’aux propres DRH et recruteurs qui reconnaissent eux-mêmes à 88%, que leurs outils automatisés « ne sont pas toujours au point » et laissent sur la brèche certaines populations et pas forcément celles auxquelles on pourrait penser à priori ! Hubert Guillaud nous en donne un exemple concret qui peut paraitre à peine croyable, avant d’épingler au passage la CNAM, l’URSSAF ou encore le Trésor Public « qui restent tous aussi discrets sur leur usage de l’IA ».
Quant au secteur privé, il voit se multiplier les méthodes d’hypersurveillance, « ces nouveaux fouets numériques de management désincarné » selon l’auteur.
Autre chapitre incontournable que celui consacré au marché publicitaire « où même les annonceurs se mordent la queue puisqu’ils finissent par s’habituer au fait de manquer leur cible » ! On y apprend entre autres, que le marketing a « surtout besoin de l’opacité pour faire croire en sa puissance »… Une fois encore nous allons être servis, notamment avec la tarification algorithmique « à la sauce Uber ou Lyft ». Sans parler des employés et des ravages dus aux modèles des « frais supplémentaires appliqués aujourd’hui dans presque tous les secteurs » (banques, restauration, location, etc.) d’autant, selon les personnes averties que « les processus de calcul automatisé et d’entente organisée semblent de plus en plus inaccessibles ».
Le dernier chapitre de cet essai terrifiant mais tellement réaliste est consacré à la politique autoritariste et au risque de dérives fascistes des grands patrons dits « visionnaires de la Silicon Valley pour lesquels pénétrer dans le flou juridique constitue plus qu’un avantage commercial »… Les « égouts d’internet » seraient-ils en train de submerger l’internet ? se demande l’auteur « tandis que les Elon Musk et consorts ont mis leurs outils opaques et de plus en plus complexes techniquement, au service de leurs idées ». Comme X, « devenu le véhicule de l’extrême-droite stricte et autoritaire ».
Et Hubert Guillaud de citer quelques phrases prophétiques d’Hannah Arendt, Gilles Deleuze, Felix Guattari ou Umberto Ecco. En conclusion, l’auteur nous propose quelques pistes « pour rendre la société omniprésente du calcul sinon plus juste un peu plus équitable ».
A découvrir. Mais, changer le numérique est-il encore possible ? A vous de répondre !
Un passager clandestin
Yann Diener : L’inconscient inculqué à mon ordinateur
Ici, le narrateur est jeune et féminin. Il se prénomme Lia. D’entrée celle-ci nous explique que son concepteur, l’analyste programmeur Hugo, prépare une thèse de doctorat sur « l’implantation de la métaphore en IA ». Lia nous confie alors que ce dernier est souvent contrarié car à son stade d’évolution, Lia ne fait encore que répéter ce que Hugo lui apprend « comme un super petit perroquet ». Mais un jour où Hugo « tente de la faire évoluer », Lia fait un lapsus.
Stupéfaction d’Hugo… Serait-ce un hasard ? C’est alors qu’il décide de s’adresser à son professeur de « psycholinguistique » et c’est par « la voix » de Lia que nous allons suivre le fantasme de son concepteur qui consiste à faire faire à Lia d’autres bévues, « soit freudiennes, soit lacaniennes ». Scènes cocasses qui se concluent parfois par le plus grand agacement de Lia. Cette dernière lorsqu’elle est « un peu larguée », répond pour couper court : « Je ne peux plus rien pour toi, Hugo »… Façon toute personnelle d’arrêter une conversation qui l’ennuie ! Mais rien n’arrête son concepteur qui sur sa lancée, va tour à tour tester sur elle, les notions d’équivoque, de métaphore et même tenter de lui faire intégrer le sens des « mots d’esprit » !
Ceci à grand renfort de textes de Michel Foucault, d’Henri Michaux, de Romain Gary, Jacques Prévert, Isaac Asimov, Sophocle, etc. Voire, lorsque Lia traversera une crise de « beugue », l’introduction dans son système du Robinson de Daniel Defoe et de celui de Michel Tournier « afin de lui faire retrouver la cohérence de la parole » !
Sans en dévoiler trop sur le parcours initiatique que devra subir Lia, nous atteindrons des sommets lorsque Hugo tentera de lui faire comprendre l’usage du « ne » explétif. Celui-ci n’existant qu’en Français et en Polonais ( !), ce qui nous vaudra un petit voyage à Katowice dans le but de rencontrer Michal Hrabia, spécialiste de la grammaire à base sémantique…
Après tout ce chemin parcouru avec Lia, Hugo finira-t-il par obtenir sa soutenance ou bien, l’implantation de la métaphore dans l’IA devra-t-elle encore attendre la prochaine génération d’ordinateurs ?
Dans la présentation de la bibliographie, Yann Diener nous explique le parcours qui l’a conduit à écrire cette petite fiction et à créer avec des collègues, le « Laboratoire Inconscient et machine », à l’Hôpital Sainte Anne de Paris.
La liste des références utilisées dans ce petit recueil fort plaisant est plus qu’impressionnante…
Une passagère clandestine avec cette chanson de 1978 :
Patrick Schindler, groupe de Rouen de la FA
Groupe de Rouen
Le Rat noir a lu Guy Pique
Mai, ou, et, donc, le rat noir ?
C’est le printemps, avril, le rat noir est de retour.
Sur le calendrier du rat noir, au mois de février, les jours s’allongent peu à peu
"Monsieur Janvier, c’est des livres francs" exige le rat noir.
Décembre, le rat noir a rempli sa hotte
A Athènes, Exarcheia est toujours bien vivante : La Zone, un nouveau lieu de rencontre libertaire vient d’ouvrir ses portes !
Le rat noir fera craquer les pages blanches, octobre tiendra sa revanche
Les livres portent déjà les couleurs de septembre et l’on entend, au loin, s’annoncer le rat noir
Le raout du rat (noir) en août
Les livres du rat noir de juin, les livres du rat noir de juin
Mai, mai, mai, Patrick mai... Mai, mai, mai, rat noir !
"Nous roulerons comme les écrivains roulent Ni riches, ni fauchés... Viens être mon rat noir d’avril Viens, nous allons briser toutes les règles"
Mars : "Un pas, une pierre, un rat noir qui bouquine..."
Février de cette année-là (2024) avec le rat noir
Janvier, une nouvelle révolution... terrestre*. Et le rat noir, toujours là.
Décembre : pas d’hibernation pour le rat noir.
Novembre, le rat noir toujours plongé dans des livres.
lectures d’octobre avec le rat noir
Sœurs ensemble, tu n’es plus seule !
Les vendanges du rat noir. Septembre 2023, un bon cru...
Le rat noir est "in" pour ce mois d’août
Lunettes noires pour un rat noir, voilà juillet.
Gay Pride d’Athènes 2023 en une seule photo !
Le rat noir répond à l’appel de juin
En mai le rat noir lit ce qui lui plait (mai 2023)
En avril le rat noir ne se découvre pas d’un livre
Athènes . Rendez vous féministe et solidaire était donné le 8 mars
En Arès, le rat noir hellénophile attend le printemps.
Hommage au philosophe, René Schérer
Pour un mois de février à ne pas mettre un rat dehors...
Le rat noir a fait au gui l’an neuf : merveille : son œuf mensuel.
Grèce. Un Rom de 16 ans tué par un policier pour un vol à 20 €
Pour finir l’année avec le rat noir
Commémoration du 17 novembre 1973, hier à Athènes
Ballade en novembre pour le rat noir
Finies les vendanges en octobre, le rat noir fomente en tonneau
"C’est en septembre que je m’endors sous l’olivier." rêve le rat noir
Coming août, voici le rat noir.
Le rat noir lit à l’ombre en juillet
Gay Pride Athènes 2022
En mai, le rat noir lit ce qui lui plaît.
En avril, le rat noir ne se découvre pas d’un livre.
Encore un peu du rat noir pour mars
Le rat noir de mars
Vite, le rat noir avant que mars attaque...
Février de cette année-là, avec le rat noir.
Une fin de janvier pour le rat noir
deux mille 22 v’là le rat noir
Le Rat Noir de décembre...
Un rat noir de fin novembre...
Début novembre, le rat noir est là
Octobre, nouveau message du rat noir
revoilà le rat en octobre
Le message du rat noir, fin septembre
La rentrée du rat noir
La fin août du rat noir
Mi-août, voilà le rat noir !
Le rat noir, du temps de Jules au temps d’Auguste
Le rat, à l’ombre des livres
Interview de Barbara Pascarel
Le rat noir, fin juin, toujours le museau dans les livres
Un bon juin, de bons livres, voilà le rat
On est encore en mai, le rat lit encore ce qui lui plait
En mai le rat lit ce qui lui plait
Fin avril, le rat noir s’est découvert au fil de la lecture
Un rat noir, mi-avril
Une nouvelle Casse-rôle sur le feu !
Qu’est Exarcheia devenue ?
V’là printemps et le rat noir en direct d’Athènes
Le rat noir de la librairie. Mois de mars ou mois d’arès ? Ni dieu ni maître nom de Zeus !!!
Librairie athénienne. un message du rat noir
Le rat noir de la librairie athénienne. Février de cette année-là.
Le rat noir d’Athènes mi-janvier 2021
Le rat noir de la bibliothèque nous offre un peu de poésie pour fêter l’année nouvelle...
Volage, le rat noir de la bibliothèque change d’herbage
Octobre... Tiens, le rat noir de la bibliothèque est de retour...
Le rat noir de la bibliothèque pense à nous avant de grandes vacances...
Maurice Rajsfus, une discrétion de pâquerette dans une peau de militant acharné
Juin copieux pour le rat noir de la bibliothèque.
Juin et le rat noir de la bibliothèque
Mai : Le rat noir de la bibliothèque
Séropositif.ves ou non : Attention, une épidémie peut en cacher une autre !
Mai bientôt là, le rat de la bibliothèque lira ce qui lui plaira
Toujours confiné, le rat de la bibliothèque a dévoré
Début de printemps, le rat noir de la bibliothèque a grignoté...
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mars, le rat noir de la bibliothèque est de retour
Janvier, voilà le rat noir de la bibliothèque...
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Les anarchistes, toujours contre le mur !
Le Berry aux enchères
1 |
le 30 juin 2025 16:18:45 par Stéphane Sangral |
L’inconscient inculqué à mon ordinateur a l’air intéressant…
Merci pour tout ce défrichement que tu fais, cher Patrick.
2 |
le 30 juin 2025 16:21:06 par Corinne S |
Toutes ces lectures, ça fait du monde !
Le livre sur l’IA me fait peur, consciente que je suis de tout ce qu’il évoque, j’avoue, je n’ai pas le courage de le lire …
La photo d’Oreste est chouette avec la lampe juste au-dessus.
Enfin, cher Rat noir, j’aime beaucoup cette phrase de Berthold Brecht : « On dit d’un fleuve emportant tout sur son passage qu’il est violent
Mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent »
Bisous
3 |
le 30 juin 2025 16:23:04 par Jehan van Langhenhoven |
Dis donc le Rat noir, Est ce toi qui a fait venir jusqu’ici les chaleurs d Athènes ?...
Bises
J
4 |
le 30 juin 2025 16:25:19 par Le rat noir |
Cher Jehan,
Cette fois ci je ne suis ni responsable, ni coupable : je suis rentré de Grèce depuis 6 mois.
Ce n’est pas de ma faute si le soleil m’a suivi…
Pat
5 |
le 1 juillet 2025 18:12:54 par Patrick Négrier |
Cher Patrick Schindler, je ne peux vous envoyer par la Poste mes trois essais de philosophie sur "l’anarchisme biblique" à cause du coût élevé d’un envoi en recommandé par la Poste en Grèce. Mais si vous venez un jour à Paris, et si vous me prévenez, je serai heureux de vous remettre gracieusement ces 3 ouvrages car on ne sait jamais, peut-être vous intéresseront-ils ? Quoi qu’il en soit je demeure un lecteur régulier de vos chroniques de lectures critiques de livres. Patrick Négrier patrick.negrier@sfr.fr ( j’ai déjà posté sur ce "Monde libertaire" un mot au sujet de René Schérer à qui j’ai eu l’honneur et le plaisir de rendre visite chez lui deux fois ).