Des chaînes à briser

mis en ligne le 6 juin 2013
1709NemoIl y a des anniversaires dont on se passerait bien, pourtant certains faits ont eu une influence sur notre vie et on n’en parle pas plus que ça. Prenez le travail à la chaîne. Eh bien, il n’y a eu que la revue patronale L’Usine nouvelle pour y consacrer un bref article. Cette forme de travail a pourtant bouleversé l’industrie et la vie des prolos. C’est en 1913 que Henry Ford a fait appel à Frederic Taylor, l’inventeur de l’organisation scientifique du travail, pour mettre sur pied le travail dans ses usines. Il s’est alors agi de créer des chaînes d’assemblage d’un nouveau genre où des chaînes de convoyage mécanisées transportaient les véhicules d’un poste de travail à un autre. Les ouvriers, eux, se trouvaient affectés à des opérations réduites mais précises d’une façon synchronisée afin d’abaisser les temps morts. Pour ce premier essai, les opérations de montage du châssis de la Ford T sont passées de 728 minutes à 93 minutes.
Ce qui était présenté alors comme une avancée significative au niveau des rendement, est vite devenu un enfer pour ceux et celles qui le subissaient et le subissent encore.
On remarquera aussi que, si le mot « travail » vient de tripalium, un instrument de torture, le système des chaînes de montage est un dérivé des chaînes de dépeçage des animaux dans les abattoirs de Chicago. Comme quoi le travail salarié est toujours lié à un système mortifère.
Depuis, ce système d’exploitation a envahi le monde entier et, s’il a connu des évolutions (le « toyotisme » par exemple), il est omniprésent. Le travail à la chaîne se retrouve dans l’automobile, bien sûr, chez les équipementiers, mais aussi dans le textile, la distribution, j’en passe et des meilleurs. On en retrouve aussi d’autres versions dans le télétravail ou même chez les caissières d’hypermarché, où c’est le client qui alimente la chaîne.
Même si on ne subit pas tous cette organisation du travail, depuis Les Temps modernes de Chaplin, on pense savoir de quoi elle retourne. « Quand on est en chaîne, on ne voit jamais le début du boulot ni sa fin, dit Christian Corouge * dans une interview à Article 11. Le ruban tourne en permanence, avec en plus un tas de mecs à la con, des mouchards, pour perturber le truc. Au bout de 20 ans de chaîne, je crois qu’on devient soi-même con. Et si on n’a pas à côté une activité intellectuelle, militante ou artistique, la folie guette. Parce qu’on est enfermé dans son propre univers : on ne pense plus qu’à ça : le boulot, le boulot, le boulot. Comme s’il n’y avait plus rien d’autre au monde. »
Outre le fait que la chaîne vide de sens la création même des objets manufacturés, ce travail en miettes ce sont également des souffrances et des troubles musculo-squelettiques. Chaque annonce de hausse de cadence est l’annonce de souffrances supplémentaires.
En fin de compte il n’en est quasiment jamais question. Tout comme le travail de nuit, le travail dans des atmosphères nocives, tous les boulots pénibles, bref tout ce qui touche à l’organisation même du travail, quoi qu’il en coûte, est mis de côté. Nos dirigeants n’évoquent la notion de prise en compte de la pénibilité que lorsqu’ils veulent augmenter le temps de cotisation retraite. Pour faire passer la pilule. Mais ce ne sont que des discours jamais mis en œuvre.
De toute façon, il ne suffit pas de parler de pénibilité et de compensation au travail pénible, ou de tenter de grappiller quelques années de retraite, tout à fait légitimes. On ne peut pas se contenter d’adoucir la peine ou de limiter les dégâts. Il faut remettre en cause toutes ces conditions de travail totalement inhumaines qui détruisent le corps et l’esprit.
Cette remise en cause n’est pourtant pas à l’ordre du jour, avec cette crise qui dure et ces boîtes qui ferment à tour de bras. Les salariés s’accrochent à leurs chaînes et font le dos rond de peur de lendemains qui ne chanteront guère. Notamment là où on travaille à la chaîne. Les patrons, les trusts, les capitalistes, appelons-les comme on voudra, délocalisent juste parce qu’ils recherchent les salariés les moins chers pour réduire le « coût du travail » (comme ils disent) mais surtout pour augmenter leurs dividendes. C’est en Asie, aujourd’hui, que le travail à la chaîne devient l’enfer des prolos.
Ici, en Europe, les patrons infligent un appauvrissement violent, attaquent les quelques avantages gagnés jadis, et cela n’a d’autre but que de retrouver une main-d’œuvre bon marché. Et si nous en profitions ? Si cette crise était un vrai tremplin pour remettre en cause le système même, le productivisme et le salariat ? Il faut construire, dès aujourd’hui, des alternatives. Mettre l’autogestion à l’ordre du jour, et ce dans tous les aspects de la vie, sinon ce n’est pas la peine et ça risque fort de se transformer en auto-exploitation.
Et comme le disent nos compagnons et compagnes grecs : « ne plus vivre une vie d’esclave ».








(*) Christian Corouge a été OS à Sochaux pendant 40 ans. Entre 1970 et 1973 il participe au groupe Medvedkine de Sochaux. Notamment dans le film Avec le sang des autres de Bruno Muel. Au début des années 1980, il entame un dialogue avec le sociologue Michel Pialoux cosigné chez Agone sous le titre Résister à la chaîne sur Peugeot. On peut aussi lire les écrits de Marcel Durand, ouvrier chez Peugeot, auteur de Grain de sable sous le capot ; résistance & contre-culture ouvrière : les chaînes de montage de Peugeot (1972-2003).




COMMENTAIRES ARCHIVÉS


MVZPE1378

le 7 juin 2013
Pour supprimer le travail à la chaîne il faut déjà commencer par ralentir le travail comme ils ne les remplacerons, que par des de débutants ils perdrons le rendement chantage peut être mais au prix dénué santé retrouvée pour un travail pénible un salaire à sa valeur ou alors demander au patron de prendre sa place au moins un an de suite avec autant de travail aussi penible