Ça se passe comme ça chez PSA

mis en ligne le 7 mars 2013
Lundi 18 février. la grève s’installe dans sa cinquième semaine. Malgré la nomination d’un médiateur, la direction joue le pourrissement. La course contre la montre a commencé trop tard. Je n’en démordrai pas : la grève a démarré quand il restait plus beaucoup au sablier de la production ! Le répéterai plein vent à l’infini. Les arguments de Lutte ouvrière disant en riposte : « Les gars étaient pas près, ils venaient pas aux AG ! Les journées d’actions étaient pas suivies ! Tiennent pas la route… » Et pour cause : les ouvriers n'étaient pas plus prêts en juillet, septembre, que maintenant. Pour ces bolcheviques purs et durs, ils n'auraient pas plus été en mesure de prendre le palais d’Hiver ! J’étaye mes dires : l’audace du lancement de la grève est venue de trente ouvriers du ferrage qui ont voté son démarrage. Pendant ce temps, Philippe Julien, membre connu de Lutte ouvrière et dirigeant de fer de la CGT-Aulnay, tergiversait encore. Sa clique non plus était pas chaude. Elle voulait repousser à plus tard les hostilités, parlant de « baroud d’honneur… ». Ils peuvent toujours causer, le lecteur assidu se souvient qu’en juillet quand il fallait y aller dans la foulée de la fermeture alors que les AG et le comité de grève étaient remplis, ça ne s’est pas fait… Après cette première dérobade. Ils vidaient les AG et le comité de grève à force de donner des leçons aux ouvriers. J’arrête ces premières considérations, l’heure des bilans les affinera plus.
Avant ça, des instantanés vous ramènent au moment présent. Aux premières loges dans la grève qu’ils vous amènent : « Madame, il m’a touché ! » Voila un leitmotiv balancé par les grévistes pour ridiculiser les cadres en gilet jaune. Il émane d’un mastodonte jouant les gros bras. Cette terreur l’a balancé avec un grand courage à une huissière pour qu’elle constate qu’il avait été involontairement bousculé par un gréviste bien fluet. Ce fait d’arme du crack qui voulait faire impression le révèle tel qu’il est : un matamore, un vil fanfaron en couche Pampers… indigne du Walhalla ; un gosse de maternelle aurait hésité à aller voir la maîtresse pour si peu. Le ridicule ne tue toujours pas. Pour preuve : les baraqués placés là pour impressionner les grévistes sont toujours vivants malgré le jet d’un œuf par un gréviste. L’omelette a valu une demande de licenciement du cuisinier. La direction de PSA utilise ces « terribles agressions » pour dénoncer dans la presse la « terreur exercée par les grévistes » dans l’usine. Les médias se battent pour calomnier les ouvriers en lutte. Qu’ils soient de gauche ou de droite, la bourgeoisie gagne sur les deux tableaux. La terreur est si grande que des chefs et des non-grévistes viennent boire le café et plaisanter avec nous tous les jours.
Preuve de la terreur dans l’usine. Déjà à la rentrée des vacances, le paquebot était transformé en bunker gardé par des vigiles de sociétés privées. Fallait pas que la plèbe des ouvriers vienne troubler les plans de la direction, salir les beaux tapis. Ces considérations passées, la rentrée commençait fort au cri de « PSA assassin ! PSA assassin ! »…
C’est pas toujours moi qui vous mets à rude épreuve en zigzaguant dans le temps. Les événements sous la conduite de Lutte ouvrière que je vous rapporte le font idem. Pas qu’un peu qu’ils le font. Pour preuve : deux AG de rentrée pour le prix d’une, qu’on a droit ce 11 septembre. Deux grèves à la carte : 8 h 30-9 h 30 : AG de la CGT. 13 h 30-15 h 30 : une autre AG intersyndicale pour réunir les deux équipes est organisée également. Plus d’un dans les ateliers a du mal à s’y retrouver avec ces pataquès : on a déjà du mal à sortir du monde avec un ordre de débrayage, alors avec deux !
À l’AG du matin. « Plus fort ! Plus fort ! » crient les militants de Lutte ouvrière devant à peine 200 ouvriers quand un dissident trotskiste prend la parole. Ils espèrent ainsi le déstabiliser. Ils sortent les mêmes chants de corbeaux avec les ouvriers du rang. Pour l’avoir celui-là, il leur en faudra plus. Philippe Julien prend la parole après. Il entonne ses premières phrases. Mon sang fait qu’un tour, je gueule au gourou : « Plus fort ! Plus fort ! »
Le premier débrayage passé, retour à l’atelier : deux heures d’arrêt de chaîne s’ensuivent. Les langues de vipères se délient. Elles ne s’empêchent pas de commenter : « La direction poursuit la grève ! Elle avait pas prévu qu’on sortirait encore autant de voitures ! Elle arrête la production après le débrayage pour bien démoraliser ! Bien montrer que ça sert à rien de faire grève ! La fête sera finie ! » Finie qu’elle sera définitivement quand l’usine de Poissy récupérera 500 voitures à faire en plus d’ici à fin janvier 2013 !
Deuxième débrayage, l’après-midi : à peine cent personnes en plus sont là, sous une pluie battante. Un compte-rendu de réunion pour une expertise des comptes du groupe qu’on attend. Les délégués qui doivent raconter n’arrivent pas. Ils n’arriveront pas. Mercier et la secrétaire du SIA restent bloqués dans les embouteillages. En attendant, pour chauffer la foule, les mêmes olibrius que d’habitude…
Toutes ces manœuvres de bas étage pour un résultat aussi catastrophique. Avec cette tactique vaseuse, la vague de grève ne s’étendra pas ce 11 septembre. Ils pourront à loisir gérer leur micro-appareil ainsi constitué avec les opposants définitivement marginalisés, mis au pas, muselés. À défaut de deux tours, ce sont les illusions de beaucoup sur la volonté d’extension du mouvement par Lutte ouvrière qui sautent ce jour-là. La mythologie trotskiste sur la fin de l’usine d’Aulnay est en marche. Ils se sont constitués les outils pour l’écrire, la filmer… Prendre le risque d’être débordés avec plus de monde. Pour eux, c’est non merci ! Aux éventuels irréductibles d’inverser la tendance en imposant leur musique, leur danse… Le début de l’article vous a montré comment, à une poignée, ils ont commencé. Les suivant montreront s’ils ont réussi…

Silien Larios