Les nostalgiques de la GAV

mis en ligne le 3 février 2011
Commençons par le meilleur : la décision du Conseil constitutionnel d’abroger, à compter du 1er juillet 2011, le dispositif régissant les gardes à vue (GAV) de droit commun – ce qui ne peut que nous réjouir, nous les militants politiques et associatifs ne comptant plus nos heures passées en détention pour avoir participé à des actions, en général non violentes, tourmentés, humiliés, interrogés et enfermés dans des conditions dignes du Moyen Âge. La fin de la toute-puissance de la police sur l’individu ? Ne nous réjouissons pas trop vite. Si la plupart des organisations politiques dites de « gauche » (s’il en reste…), Verts et PS en tête, se félicitent de la décision du Conseil, considérant que « les GAV sont un instrument faisant partie de la stratégie manichéenne et répressive du gouvernement, destiné à mesurer la performance de la police, mais que cette politique du chiffre ne réduit pas la délinquance réelle », il faut quand même relever quelques points noirs. Avant tout, si la loi change en juillet 2011, il y a tout à parier qu’en attendant cette date, les keufs ne vont pas y aller de main morte et risquent de faire payer cher, à nous militants, cette décision du Conseil. Et les possibilités « d’être assisté par un avocat, ou que celle-ci soit contrôlée par un juge du siège, tout comme le droit à garder le silence », pendant une GAV ne seront valables que quand la décision tombera du Parlement. Cela signifie que rien n’est gagné pour l’instant. Donc, avant que les choses ne soient écrites noir sur blanc, continuons à sortir couverts ! D’autant que l’avocat Patrick Klugman, auteur du Livre noir de la garde à vue en France, pondère également les plus optimistes (dont Jack Lang) ou les plus naïfs : « C’est un premier pas encourageant, mais les Sages se sont arrêtés au milieu du gué. » En effet, selon lui, « le Conseil constitutionnel n’a pas remis en cause le principe de la garde à vue, mais la seule pratique. Le Conseil a en plus validé les dispositions de garde à vue qui régissent l’antiterrorisme (quatre, voire six jours de garde à vue) et qui font que plus l’incrimination est grave, plus les droits s’exercent avec retard. » L’avocat a également regretté que les Sages (mais pas téméraires) n’aient « pas vraiment pris parti sur la présence de l’avocat lors de la garde à vue ». Pour l’association « Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat », il faut donc « continuer le combat ». Finissons donc par le pire : la réaction des syndicats de police. Comme il fallait s’y attendre, les syndicats Alliance (gardiens de la paix) et Synergie (officiers) ont regretté la décision du Conseil constitutionnel et en ont remis une couche en déclarant « qu’une fois de plus, les droits des délinquants semblent passer bien avant ceux des victimes ». C’est tellement plus simple, bien sûr, de faire passer les militants politiques pour des délinquants… Le syndicat Synergie déplore également « l’activisme du lobby des avocats qui s’exerce au mépris du droit à la sécurité des plus faibles, pour la satisfaction commerciale d’une profession libérale ». Une déclaration qui fleure bon les propos des tenants de Vichy qui voyaient également des lobbys partout, surtout juifs, communistes et francs-maçons. Ah ! La France restera toujours la France…