« Le Populisme » d'Alain Pessin

mis en ligne le 3 avril 1997

Lecture

Tout ce qui peut être anéanti doit l'être, disaient les nihilistes. Toute pratique comme toute idée doivent être soumises à l'impitoyable critique de leurs fondements. À cette dernière, ni le « peuple » des démagogues ni les « populismes » d'aujourd'hui ne peuvent résister longtemps [Le Populisme, Alain Pessin, Ateliers de création libertaire, 1997, 55 pages, 35 FF] ».

À force d'être maltraitée, la langue a perdu sa fonction première : simplifier la communication entre les humains. Des mots se voient déviés de leur sens originel et chargés abusivement d'acceptions n'ayant pas de rapport avec celle qui les vit forgés.

À la longue liste de ces mots qui comme énervé, fasciste, extraordinaire ou fantastique n'ont plus toute leur raison, il convient de ne pas retrancher « populisme ».

Populisme. Un sème drôle, tout rebondi, qu'on verrait bien pointer la tête au détours d'une comptine britannique.

Populisme. Une insulte qui se substitue au fil des ans au terme plus adéquat de démagogue.

Populisme, enfin, un mouvement qui vécu le temps d'une innocence dans la Russie des Tsar, au siècle dernier.

Fascinés par le mythe du peuple, des universitaires partent dans les campagnes pour fraterniser avec lui dans l'espoir que les paysans prennent conscience de leur véritables aspirations (celles que les étudiants lui prêtaient) et se révolteront contre l'autorité de l'État.

Pour toute réponse, ils ne rencontreront que l'indifférence des paysans, attachés à leurs superstitions et à l'image du Tsar, et la répression des autorités d'alors.

En réaction, ils délaisseront progressivement leur idéal de fraternité pour une vision avant-gardiste de la société.

Ces précurseurs du nihilisme auront traversé la galaxie histoire sans lui accorder beaucoup d'importance et furent bien vite oubliés.

Pour le plus grand bénéfice de notre mémoire, Alain Pessin nous narre l'histoire de ces jeunes gens, de leurs origines à leur disparition et nous offre en plus une analyse du populisme. Ou, du moins, de ce qu'on nomme ainsi aujourd'hui.

S'appuyant sur cet épisode de l'histoire et sur la mythologie qui entoure la notion de peuple, il nous livre une analyse de la fonction du mythe, en général, et dans l'inconscient des anarchistes.

Essai transformé une fois de plus pour l'équipe des Ateliers de création libertaire. En cinquante deux pages et pour trente cinq francs seulement, ils nous donne une occasion de réfléchir tout en nous apportant les données nécessaires à cette réflexion. Les soubassement historiques et philosophiques du populisme sont clairement et simplement mis à la porté du lecteur le moins averti.

Et le dernier paragraphe du livre, mit ici en exergue, dit bien ce qu'ont d'illusoires et de fragiles les « populismes » d'aujourd'hui et de quel outil nous disposons pour en disperser le nuage trompeur.