Hommage à la gorgée de bière !

mis en ligne le 4 décembre 2014
Les auteurs allemands ont toujours été mal traduits en français. Ou plutôt oubliés ! Bien sûr, je ne parle pas de Goethe, Kant, Schiller ou Heine, pour ne citer qu’eux… Mais plutôt de la poétesse Else Lasker-Schüler ou de Georg Trakl, figures marquantes de l’expressionnisme allemand et du Berlin du début du XXe siècle 1. Quant aux auteurs anarchistes ou proches, les récents efforts militants comblent certes le retard, mais quand aurons-nous l’intégrale des Mémoires de Rudolf Rocker 2 ? Car il était bien entendu dans les mass médias que la vision de l’Allemagne devait suivre les contours d’un monde façonné par l’ordre prussien ou les diverses versions du marxisme…
Tout ça pour se réjouir de la publication aux excellentes éditions Rue des Cascades de Schluckebier (« gorgée de bière », en langue allemande). Traduit par Lucie Roignant, ce roman de Georg K. Glaser retace la vie d’un jeune prolétaire de la Première Guerre mondiale. Entre prisons, asiles pour sans-abri, maisons de correction et boulots de misère, il entrevoit la montée du nazisme, sans le nommer. Il a le monde entier pour ennemi et pour lui c’est « facile » : « On peut cogner les yeux fermés, on touchera son ennemi à tous les coups. » Donc un autre récit de l’Allemagne avant la dernière guerre mondiale.
Georg K. Glaser (1910-1995), nomade communiste des années de braise, apatride définitif, libertaire inclassable, écrivain de qualité et artisan dinandier de talent, vécut à Paris de 1935 à sa mort. Les éditions Agone ont publié son Secret et violence. Chronique des années rouge et brun (1920-1945) en 2005.

Loulou Barbesois
Groupe Salvador-Seguí de la Fédération anarchiste




1. Tout n’est pas désolant dans ce début tant décrié du xxie siècle, pour Trakl voir Flammarion et pour Else, la collection feuilles d’herbe, Éditions Héros-Limite.
2. Le mouvement libertaire de langue espagnole a traduit et publié depuis belle lurette toute l’œuvre de Rocker ! Saluons dans notre Hexagone les camarades de À contretemps pour Rudolf Rocker et Gustave Landauer.