Billet d’humeur

mis en ligne le 16 octobre 2014
Salies-de-Béarn (et alentour), le 3 octobre 2004. Plusieurs centaines d’encagoulés de la police anti-terroriste de France et d’Espagne arrêtent, au saut du lit, Mikel Albizu (Antza) et Marixol Iparagirre (Anboto), deux dirigeants historiques d’ETA, et une vingtaine de personnes 1.
Péio Serbielle, qui chante la non-violence, fera seize mois de prison « préventive » pour avoir, comme son père, résistant, et comme tous les Basques depuis la nuit des temps, ouvert, de temps à autre, sa porte à des camarades sans leur demander qui ils étaient. Maryse et Didier, agriculteurs, nos amis très chers, feront six mois de prison pour avoir loué un bout de maison à des locataires tellement louches qu’ils avaient scolarisé leur fils à l’école (catholique) du village et participaient régulièrement aux réunions de parents d’élèves. Le frère de Didier écopera du même tarif pour les mêmes raisons. Jean-François Lefort, ancien porte-parole du comité de soutien aux prisonniers basques, fera plus de deux ans au motif d’avoir présenté Mikel et Marixol à Maryse et Didier qui, bêtement, recherchaient des locataires.
Fin 2010, nos désormais amis Mikel et Marixol (par-delà des divergences politiques de fond qui s’estompent nous nous sommes découvert dans l’éducation collective d’un enfant que nous aimons tous) ont pris vingt ans avec quinze ans de peine incompressible. Avant, à l’issue de leur peine en France, d’être extradés en Espagne où ils vont prendre… sept-cents ans.
Péio, Maryse, Didier, son frère et Jean-Marie ont été remis en « liberté » après leur emprisonnement. En « liberté », mon cul ! On leur a piqué leurs papiers, ils sont interdits de sortie du territoire et ils doivent pointer toutes les semaines au commissariat. Tout cela, en attendant d’être jugés, car pour l’heure, soit dix ans après, ils ne le sont toujours pas.
Il y a quelques années, la Cour de Justice européenne, un nid de gauchistes bien connu, a décrété que dès lors que l’on était inculpé (de quoi que ce soit), on devait être jugé dans un délai maximum de cinq ans. Ce qui laisse quand même du temps à l’instruction.
La France est régulièrement condamnée à ce propos, à des amendes. Elle les paye, mais continue.
Mais pourquoi ?
Dans ce dossier, comme dans beaucoup d’autres, il n’y a rien qui justifie des mois et des années d’emprisonnement préventif. Un procès démontrerait cela. Intolérable pour la police et la justice anti terroriste qui estiment avoir TOUS les droits !
Les avocats de nos camarades se sont, enfin, décidé à en appeler à la Cour de Justice européenne. C’est beau comme du Rimbaud !
Les camarades de Tarnac, qui étaient dans la même situation, ont décidé de s’affranchir de tout cela. Ils ont notifié à la « Justice » qu’ils refusaient tous ces contrôles et que, si pas contents, qu’on les remette en prison. Le chien policier a fait le gentil chien. Coucouche panier ! Ils ne sont toujours pas jugés, mais, du moins, on ne leur casse plus les couilles !
Une note d’humour, pour conclure. La nouvelle commissaire principal de Bayonne, lassée de mobiliser plusieurs de ses hommes chaque semaine pour faire la paperasse des pointages, a écrit à la juge anti terroriste Levert que ça suffisait comme ça et qu’elle avait autorisé les inculpés à ne plus venir pointer. Pas de réponse.
C’était notre rubrique, quand le flic ordinaire trouve que trop c’est trop, l’anti terrorisme a du mouron à se faire.





1. Thyde Rosell et moi-même avons été arrêtés par la police anti terroriste un mois plus tard. Motif : avoir, six ans auparavant, et pendant trois ans, scolarisé (à l’école libertaire Bonaventure) et hébergé (chez nous) le fils de Mikel et Marixol. Paroles de flics : « En vous occupant de cet enfant, vous avez permis à des terroristes de… » Réponse : « Comme vos collègues de la police de Vichy qui arrêtaient des petits juifs en sachant que…, êtes-vous en train de nous dire que les enfants sont responsables de leurs parents ? ». Comme un malaise !
Pour en savoir plus sur tout cela, lire Oui, nous avons hébergé un terroriste… de trois ans de Jean-Marc Raynaud et Thyde Rosell, éditions libertaires, 184 pages + 16 pages d’iconos, 12 €, en vente à la librairie Publico, 145, rue Amelot, 75 011, Paris, chèque à l’ordre de Publico, rajoutez 10 % pour le port.