Luttes sociales : toute notre place

mis en ligne le 22 mai 2014
1742EatCapitalismDans la politique comme dans la vie, il faut toujours savoir où on habite, quel objectif on poursuit, avec qui et avec quels moyens on souhaite y parvenir.
Le contexte social est connu : un gouvernement de combat comme annoncé par le Premier ministre, Manuel Valls, mais de combat contre les salariés, les retraités et les chômeurs. Cela se concrétise notamment par le pacte de responsabilité, le pacte des voleurs, qui prévoit de ponctionner 11 milliards dans les poches des collectivités territoriales (coupes sombres dans les dépenses sociales), de voler 10 milliards à la Sécurité sociale (dont le financement est assuré depuis 1945 par le salaire mutualisé des salariés) par l’étranglement financier des hôpitaux et le déremboursement massif des médicaments, de spolier encore 11 milliards supplémentaires sur la protection sociale (gel des minima sociaux, mesures anti-chômeurs, gel des prestations sociales) et, enfin, de taper comme des malades sur la fonction publique par le gel des salaires à perpétuité, la fusion voire la suppression de services publics. Un carnage programmé.

Les assistés ont un col blanc
Carnage au plus grand profit du patronat, qui reçoit 41 milliards sans contrepartie aucune si ce n’est (et encore) de vagues promesses de création d’emplois qui, comme les promesses électorales, n’engagent que ceux qui y croient. À noter que les patrons, qui n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer les « assistés », auront reçu au total en 2013 202 milliards d’euros d’aides publiques (tous dispositifs confondus) et auront versé dans le même temps 65 milliards d’impôts sur les sociétés ! Assistés ? Qui sont les assistés ?
Dans le camp des « empactés », le gouvernement bien sûr, qui est placé sous la stricte surveillance de l’Union européenne et de ses experts en régression sociale (les mêmes qui ont officié notamment en Grèce). Mais aussi le Medef, qui pavane comme jamais avec un Gattaz qui augmente son salaire de 29 % et critique par ailleurs l’existence d’un Smic trop favorable. Et puis… la direction de la CFDT. Quant à l’Unsa, non représentative au plan interprofessionnel, elle n’a certes pas été invitée à parapher le texte dudit pacte de responsabilité, mais elle s’est empressée, avec une servilité assez pitoyable, d’affirmer son soutien au pacte et au gouvernement.

Réinventer un syndicalisme de combat
Les ennemis sont donc clairement identifiés et il appartient déjà aux militants syndicaux et politiques de lutte de classe de le faire savoir partout, tant il est vrai que tout est fait pour entretenir la confusion. Ainsi, la mobilisation du 15 mai dernier dans la fonction publique, légitime par ailleurs, n’était pas de nature à clarifier la situation puisque la CGT, la FSU et Solidaires ont cru bon de signer un texte d’appel avec la CFDT et l’Unsa condamnant les conséquences d’un pacte que ces deux organisations soutiennent par ailleurs. Et qu’on ne nous parle pas d’unité syndicale car, en l’occurrence, il s’agit d’une opération de diversion, voire de blanchiment de syndicats sales ! La seule unité qui vaille, c’est celle des revendications clairement exprimées et qui doivent constituer autant de mandats pour les syndicats.
Face à un gouvernement de combat, il nous appartient de construire un syndicalisme de combat. Un syndicalisme de luttes de classe. Un syndicalisme qui ne quémande pas mais qui va chercher avec les dents ce qui appartient aux travailleurs, un syndicalisme qui ne se commet pas dans des conférences sociales d’intégration mais qui se bat sur le terrain, un syndicalisme qui ne s’occupe pas de communication mais d’action, un syndicalisme qui offre une perspective réelle de résistance à tous ces travailleurs aujourd’hui résignés par défaut, voire tentés par des idées nauséabondes xénophobes ou nationalistes, derniers remparts du système capitaliste. Bref, un syndicalisme de 2014 qui réinvente la charte d’Amiens.

Offrir des perspectives révolutionnaires
Dans ce cadre, les militants anarchistes, notamment ceux de la Fédération anarchiste, doivent prendre leur place, rien que leur place, mais toute leur place. Cela implique de prendre nos responsabilités organisationnelles et politiques. La FA n’a pas à s’excuser d’exister. La FA n’a pas à se justifier de décider le fond et la forme de ses manifestations face à des gugusses révolutionnaires autoproclamés qui viennent nous parasiter. La FA, par contre, a le devoir d’offrir des perspectives politiques, de construire des convergences, de renforcer des outils. La FA a le devoir de ne pas confondre problèmes sociétaux (sans minimiser l’importance de ceux-ci) et luttes de classe. La FA, enfin, doit continuer d’inscrire sa réflexion dans l’entremêlement intelligent des questions sociales et écologiques. Ces questions sont étroitement liées et un militant anarchiste et/ou anarcho-syndicaliste ne peut, sans se fourvoyer dans des postures productivistes ou scientistes, les ignorer ou faire l’amalgame avec une forme d’écologie réactionnaire.
Il appartiendra aux militantes et militants de la FA, et à eux seuls, d’ouvrir ces perspectives au prochain congrès de notre organisation, début juin, en toute lucidité, en toute modestie aussi, mais avec la claire appréciation des enjeux.