Grève du service public : la nécessaire destruction de l’État

mis en ligne le 14 mai 2014
1741FaujourC’est un appel « unitaire » – signé par la CGT, la CFDT, la CFTC, Solidaires, la FSU, la FA-FP et l’Unsa – qui invite les travailleurs du public à se mettre en grève et à manifester le jeudi 15 mai, dans toute la France.

Contre l’austérité gouvernementale
Cette initiative se veut une réponse de masse à la politique du gouvernement prétendu socialiste de François Hollande, qui, depuis son élection il y a un peu plus de deux ans, ne cesse de faire la sourde oreille aux revendications exprimées par les travailleurs des services publics. L’annonce, récente, de la prolongation jusqu’en 2017 du gel du point d’indice des salaires des fonctionnaires est sans doute ce qui a mis le feu aux poudres – lesquelles auraient dû commencer à brûler depuis longtemps. Elle vint alors s’ajouter au gel déjà en vigueur, mais aussi au ralentissement des avancements. Toutefois, la question du salaire, au demeurant éminemment essentielle, n’est pas la seule en jeu : la précarité croissante de très nombreux emplois publics et les sous-effectifs dont souffrent nombre de secteurs sont aussi dénoncés. De façon plus générale, c’est la politique d’austérité menée par le gouvernement qui est visée.
D’un point de vue pragmatique, les organisations syndicales susnommées réclament, dans le tract unitaire rédigé pour l’occasion : « Une revalorisation immédiate du point d’indice ; la refonte de la grille pour une meilleure reconnaissance des qualifications ; l’intégration d’une large partie des primes dans le traitement indiciaire ; des emplois statutaires pour faire face aux besoins ; le développement des garanties pour les contractuels ; des perspectives de carrière et de mobilité choisies pour tous les agents ; la possibilité d’exercer des missions de service public dans des conditions décentes. » Sans oublier l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, laquelle n’est toujours pas d’actualité au sein du service public… On passera, en revanche, sur les revendications propres aux secteurs de la Défense et de l’Intérieur, n’étant pas sensible aux atermoiements des flics, des matons, des militaires et autres agents au service de la répression sociale.

Aller plus loin, penser radical
Cette initiative du secteur public est louable et à suivre, bien entendu. Il n’empêche qu’on regrettera que, une fois encore, public et privé font bande à part dans les revendications, alors même que la situation actuelle, tant économique que sociale, appelle des stratégies unitaires. Dans le public comme dans le privé, on a bien compris que nos maux sont dus à une même politique, à l’œuvre dans tous les secteurs économiques et sociaux : celle de l’austérité, guidée par un libéralisme galopant. Face à elle, la surenchère radicale des discours confédéraux a montré son inutilité, il est l’heure, désormais, de passer aux actes, sans attendre des mots d’ordre qui, de toute façon, ne viendront jamais.
Enfin, au-delà de ces revendications immédiates tout à fait légitimes – qui visent une amélioration du quotidien –, il conviendrait aussi de porter un discours beaucoup plus radical, conscient de la nécessaire rupture d’avec l’État. Car les raisons qui poussent aujourd’hui les travailleurs du public à descendre dans les rues de France devraient achever de convaincre les sceptiques que, dans les mains de l’État, les services dits publics sont soumis à des logiques de gestion libérale semblables à celles à l’œuvre dans les structures du privé, produisant des dégâts similaires, pour ceux qui y travaillent comme pour ceux qui les utilisent. Pour être véritablement publics, ces services se doivent d’être intégralement pris en charge par ceux qui les font tourner, les travailleurs, sans intermédiaires parasites, qu’ils soient étatiques ou privés. Une longue tradition ouvrière authentiquement socialiste et syndicaliste existe déjà pour fournir quelques pistes de réflexion, si ce n’est d’ébauches, pour un avenir sans aliénation. Car l’État, comme le patronat, ne pense que rentabilité, une rentabilité qui ne s’exprime qu’à travers la spoliation de ceux qui bossent pour lui, et ce dans l’intérêt de la seule classe politique et économique dominante. Et c’est bien pourquoi les propositions de retour de l’État dans le champ économique portées – entre autres – par le Front de gauche ne constituent pas d’alternative crédible au libéralisme, celles-ci ne faisant finalement qu’entériner, sous une autre forme – celle du capitalisme d’État –, la dépossession des travailleurs. Et si, aujourd’hui, mais de moins en moins, l’État peut parfois se révéler encore utile pour freiner un chouïa quelques stratégies ultralibérales tous azimuts, cela ne doit pas nous empêcher de penser son indispensable destruction… et l’avenir anarchiste qui pourra en découler.