La grève, c’est pour quand ?

mis en ligne le 27 mars 2014
À Paris, roi des patelins, la manifestation interprofessionnelle du 18 mars contre le pacte de responsabilité – et, plus généralement, contre la politique du gouvernement socialiste présidé par François Hollande – a été, à ma grande surprise, un beau succès. Surtout quand on la juge à l’aune des dernières journées de mobilisation, qui avaient rameuté bien peu de monde. Si la CGT a, une fois de plus, fait preuve de sa très forte capacité à mobiliser sur Paris (le cortège cégétiste était impressionnant), les autres organisations syndicales opposées à l’axe Hollande-Gattaz étaient aussi largement présentes, FO et Solidaires en tête.
On sent que ça grogne, donc. À la vue de cette vaste manifestation, mais aussi à entendre les slogans intransigeants criés entre deux chansons révolutionnaires, et notamment L’Internationale 1, reprise à plusieurs reprises dans le cortège de tête. L’exaspération gagne les salariés, qui ont pu témoigner ce mardi-là de leur volonté de ne pas se laisser marcher dessus. Les confédérations syndicales ont-elles entendu le message ? Pas sûr… Car, la manif passée, on attend toujours la suite. Et on est en droit de penser qu’on l’attendra encore longtemps.
Alors, certes, Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT, poursuit sa surenchère discursive contre Hollande, mais il faudrait peut-être qu’il comprenne un jour que de simples mots n’ont jamais obligé un gouvernement à céder. Et que seules les pressions conjugées de la grève et de la manifestation sont en mesure de le faire. Surtout de la grève, d’ailleurs. Car, contrairement à ce qu’on entend ici et là, le pouvoir n’est pas dans la rue, mais dans l’entreprise. C’est en s’attaquant directement à la production qu’on fout la merde et qu’on est alors capables de donner les jetons aux dirigeants politiques et économiques. Déposer des RTT pour aller manifester, c’est sympa, mais ça ne permet pas grand-chose d’autre que d’ajouter un peu de couleur dans le morne paysage bétonné de nos rues.
En tout cas, il semble aujourd’hui assez clair que, dans les léviathans syndicaux, les bases radicalisées commencent à bousculer leurs directions. Et on ne peut qu’espérer que ça continue dans ce sens… Car sans un bon coup de pied au cul bien placé, les Lepaon, Mailly et consorts n’oseront pas agir à la hauteur de la radicalité de façade de leurs beaux discours. On sait donc – et on a toujours su – ce qu’il nous reste à faire : si, dans un premier temps, on n’est pas en mesure de dépasser nos bureaucraties, tâchons au moins de leur mettre la pression pour qu’elles s’engagent dans le droit chemin, celui de la grève. Et, avec elles, le gros des troupes, qui, au fond, n’attend que ça.

Win Chester




1. Quelques vidéos sont consultables sur le site Web du groupe Salvador-Seguí de la Fédération anarchiste.