La sélection du libraire

mis en ligne le 28 novembre 2013
Paul Mattick, La révolution fut une belle aventure, L’Échappée, 2013, 189 pages.
Gamin révolté des rues du Berlin de l’après-Grande Guerre, Paul Mattick commence par s’engager dans le mouvement spartakiste avant de devenir communiste antibolchevique. Au cœur des années de feu de la révolution allemande (1918-1924), il nous raconte son parcours, entre action directe et répression, illégalisme et clandestinité. Le reflux du mouvement révolutionnaire et la montée en puissance des forces autoritaires le poussent à l’émigration. Aux États-Unis, il s’engage aux côtes des IWW et d’autres groupes radicaux, puis il participe au grand mouvement des chômeurs des années 1930 où se mêlent hobos, syndicalistes et révolutionnaires. Il nous plonge dans ces moments d’intense agitation sociale.

Collectif, Viva la Social : anarchistes et anarcho-syndicalistes en Amérique Latine (1860-1930), Éditions libertaires, nada et Noir et Rouge, 2013, 304 pages.
Cet ouvrage est le premier volume de la collection America libertaria dont l’objet est de se consacrer à l’étude du mouvement anarchiste, sous ses différentes expressions, en Amérique latine. Cette première livraison entend donner, au moyen de plusieurs contributions, un aperçu, non exhaustif, de l’influence des conceptions anarchistes sur le mouvement ouvrier et paysan latino-américain (Argentine, Équateur, Mexique, Paraguay, Pérou) au cours de la période 1860-1930, qui fut celle de son apogée.

Gérard Mordillat, Yorick, Éditions Libertalia, 2013, 115 pages.
Dans Hamlet, Yorick est feu le bouffon du roi dont le fossoyeur déterre les os et sur le crâne duquel le prince s’apitoie. Dans ce roman, toutes les figures de la tragédie shakespearienne se retrouvent : le prince, le spectre, l’usurpateur, la reine, Ophélie, le nain, etc., mais elles sont bouleversées, maltraitées, exaltées dans une forme baroque. Elles sont la matière noire extraite des gouffres où gisent les secrets de notre univers. Même si l’action se déroule aujourd’hui en France avec des personnages qui nous ressemblent : un repris de justice solitaire, un élu local, une junkie paumée, une femme de notable, un innocent, ce sont bien des rois et des reines qui se disputent un royaume dont le prince est un enfant. Un enfant qui porte le nom d’un bouffon mort…

Benjamin Stora et Jean-Baptiste Péretié, Camus brûlant, Stock, 2013, 128 pages.
L’affaire de l’exposition sur Camus, prévue à Aix-en-Provence pour le centième anniversaire de sa naissance en novembre 2013, a fait scandale. Sollicité pour la concevoir, ce qu’il fit avec Jean-Baptiste Péretié, Benjamin Stora fut ensuite brutalement évincé et remplacé par Michel Onfray, qui accepta puis finit par renoncer. Au-delà de la polémique, cette affaire est symptomatique et révèle combien les questions soulevées par l’auteur de L’Étranger restent extrêmement sensibles et provoquent des tensions toujours vives. C’est évidemment le cas de la question coloniale et de l’ombre portée de la guerre d’Algérie dans la société française d’aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui voudraient annexer Camus, le lire de façon univoque, l’enrôler dans leur combat politique, notamment à l’extrême droite. Peine perdue, la complexité de cet homme entre deux rives ne saurait être réduite à une cause ou une identité. Dans ce texte vif et précis, Benjamin Stora et Jean- Baptiste Péretié dénoncent ces tentatives de captation multiples. Ils montrent combien la position de l’écrivain pendant la guerre d’indépendance fait encore polémique.

Tous ces livres sont disponibles à la librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, 75011 Paris (www.librairie-publico.com).