Météo syndicale

mis en ligne le 21 novembre 2013
Avec la vague bretonne, le mouvement social perd la boussole. Entre ceux qui courent derrière pour être dans le coup et apparaître dans les étranges lucarnes et ceux qui (suivez mon regard) soufflent sur les braises pour tirer les marrons du feu, le paysage politique prend des drôles de couleurs. On jettera un voile pudique sur les déclarations de la dame du Poitou qui trouve tout ça très citoyen.
Exit les problèmes comme, par exemple, une loi d’amnistie sociale. Au début de ce mois, à Roanne, dans la Loire, près de 20 000 salariés ont manifesté en solidarité avec les cinq militants qui avaient refusé un test-fichage ADN. Devant le tribunal correctionnel, les avocats de la CGT ont plaidé la relaxe, soulignant la « disparité de l’affaire ». Les pouvoirs publics vont-ils encore soutenir la justice de classe ? Il est vrai qu’on apprend à la une des quotidiens que le président Hollande a des rapports privilégiés, quoique discrets, avec une dizaine de patrons nommés « grands dirigeants » ! Vous avez dit « au four et au moulin » ? Faudrait inventer une nouvelle expression adaptée à la situation actuelle.
Quant à nos amis de Goodyear, à Amiens Nord, loin des commentaires journalistiques divers, ils maintiennent la pression et élaborent la riposte. Affaire à suivre !
On finira cette livraison hebdomadaire par une longue citation de Victor Griffuelhes écrite en 1907 dans un article intitulé « L’action syndicaliste ». Pour l’époque actuelle, on pourrait en prendre de la graine, sans oublier que, bien sûr, l’époque a changé…
« On assiste, en effet, aujourd’hui, à un curieux spectacle. Les uns s’efforcent de rattacher les origines du mouvement ouvrier aux principes posés par la conception anarchiste ; les autres s’appliquent, au contraire, à les trouver dans la conception socialiste – je veux dire dans la conception socialiste telle que la tradition et l’histoire de ces trente dernières années nous les ont fait connaître.
À mon sens, le mouvement ouvrier actuel ne remonte à aucune de ces deux sources. Il ne se rattache directement à aucune de ces deux conceptions qui voudraient se le disputer : il est le résultat d’une longue pratique créée bien plus par les événements que par tels ou tels hommes. Et cette pratique est loin d’avoir eu une marche régulière : les incohérences la caractérisent, les contradictions la jalonnent. Et il en est ainsi, parce qu’elle n’est pas le produit d’une action exercée en vertu seulement de principes, mais d’une vie chaque jour renouvelée et modifiée.
Voilà la vérité : la vie ouvrière s’est renouvelée et modifiée par un perpétuel mouvement auquel ont pris part des hommes animés de conceptions philosophiques différentes. L’action ouvrière est comme la Terre tournant autour du Soleil. La gravitation s’opère par suite d’un mouvement que la Terre fait sur elle-même ; c’est dans le mouvement quotidien que l’action ouvrière se développe et marque ses progrès. Ces progrès ne sont par conséquent pas, à mes yeux, l’expression d’une science ou d’une formule, mais la résultante d’efforts continus. »