Des millions d’euros pour la paix sociale

mis en ligne le 6 novembre 2013
1720FydDans la série C’était mieux avant, comme on le dit désormais à tout bout de champ, peut-on écrire, sans vouloir donner de leçons ni faire de morale, que le syndicalisme est bien servi en ce moment ? L’actuel procès à l’encontre de Denis Gautier-Sauvagnac est révélateur d’un modèle syndical moderne, débarrassé des oripeaux révolutionnaires à tel point qu’on ne parle plus pudiquement que de partenaires sociaux et non plus d’organisations ouvrières. Le vocabulaire revêt là toute son importance. Toute son importance également, la nature de cette affaire qui défie les lois de la lutte des classes.
Car figurez-vous, mes mignons, qu’il n’y a pas que les salariés qui soient syndiqués – pour les trop peu nombreux qui le sont –, les patrons aussi. Besoin d’entraide qu’ils jugent sans doute légitime, même entre concurrents – être faux-cul, c’est un métier –, il faut savoir se serrer les coudes contre les trente-cinq heures, la retraite à presque 60 ans ; en gros contre la canaille revendicatrice et l’administration fiscale. Ce besoin de solidarité à nous faire pleurer comme des veaux cache en fait des méthodes et des pratiques plus que douteuses que révèle l’actuelle affaire de l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM). Héritière des Maîtres de forges et émanation du Medef, l’UIMM se trouve dorénavant dans l’œil du cyclone. Et ce n’est pas si réjouissant que ça. Il s’agit d’une somme astronomique de près de 19 millions d’euros – environ 13 360 smic bruts –, qui a disparu entre 2000 et 2007 des caisses du syndicat patronal et dont doit rendre compte l’actuel prévenu. Ses explications sont claires et confuses à la fois. Filandreux comme un vieux navet, il se contente d’expliquer que tout ce bel or a servi à « fluidifier les relations sociales » (quand je vous disais que le vocabulaire a une importance – et toute savoureuse cette fois-ci), mais, encore bien pire, il se refuse de préciser clairement quelles organisations ont été arrosées et dans quelles proportions, ou bien alors du bout des lèvres et qui, quoi qu’il en soit, poussent des cris d’orfraie à l’idée du moindre soupçon de corruption à leur encontre. Et non seulement ce pognon a tenté d’acheter la paix sociale, mais il a en outre servi à aider, en particulier le groupe PSA, à ne pas céder aux revendications salariales des ouvriers de l’usine Citroën d’Aulnay-sous-Bois, lors d’une grève de six semaines en 2007. D’autres conflits ont d’ailleurs été subventionnés pour que la racaille ne la ramène pas trop. On cède d’un côté et on récupère de l’autre. DGS is magic ! Magic, mais viré, on le serait à moins, Gautier-Sauvagnac a négocié son indemnité de départ à hauteur de 1,5 million d’euros et une prise en charge totale par l’UIMM des frais de justice pouvant découler de sa gestion. On n’est jamais trop prudent.
Le plus répugnant de l’histoire, c’est bien qu’à aucun endroit ne se pose sérieusement la question de la provenance de ces fonds. Hormis le fait que les 16 millions en question ne sont que la face cachée de l’iceberg, il est assez difficile d’imaginer que le pactole ne provienne que des seules cotisations « syndicales » ou de la poche personnelle des dirigeants d’entreprise – la pingrerie aussi est un métier. Et quand bien même. Les ressources des entreprises ne proviennent que de la seule force de travail des salariés et cet argent leur appartient de droit. C’est donc d’un véritable pillage qu’il s’agit. Y a-t-il un syndicat ouvrier dans l’avion ?
À propos de syndicats ouvriers, et pour ceux et celles que ça passionne, la CGT recrute un directeur de communication. Bardé de diplômes spécialisés, il devra participer à la définition de la stratégie de communication globale de la confédération et de piloter sa mise en œuvre, afin de promouvoir l’image de la CGT. « On cherche un vrai professionnel de la communication », précise un des responsables. Ben, justement, il y a Gautier-Sauvagnac qui pointe à Pôle emploi !
Pouget, réveille-toi, nom d’un pétard !