Penser l’utopie dans l’action

mis en ligne le 4 juillet 2013
Sous le titre évocateur de Penser l’utopie dans l’action : traces d’un anarchiste hétérodoxe, Octavio Alberola vient de nous offrir un riche recueil d’articles publiés entre 1950 et 2013. Le titre est évocateur parce que la relation intense entre l’utopie et l’action est effectivement une constante dans l’activité militante d’Octavio. C’est ce qui explique pourquoi ses textes, loin d’être de simples spéculations intellectuelles, sont généralement ancrés dans un contexte d’action.
Ce sont des textes qui pourraient être qualifiés de circonstanciels, dans le bon sens du terme, parce qu’ils naissent dans l’action et s’orientent vers l’action. Ils constituent des écrits de combat, ils articulent des analyses et des propositions destinées à produire des effets pratiques dans la lutte pour la liberté. Il n’y a pas de doute, écrire et penser, c’est pour Octavio une autre façon d’agir et cela nous oblige à nous rappeler l’insistance avec laquelle tant Proudhon que Bakounine soutenaient que, pour l’anarchisme, l’idée avait une origine et une valeur pratique, que celui-ci était né dans un contexte d’action et qu’il s’oriente vers la production d’effets pratiques grâce à l’action qu’il favorise.
La longue période, près de soixante-cinq ans, qui s’est écoulée entre le premier et le dernier des articles de ce livre, ainsi que les liens étroits entretenus par l’auteur entre la pensée et l’action, font que défile sous nos yeux un panorama varié tant au niveau social que politique, nous fournissant des données à la fois sur la période historique vécue par Octavio et sur ses préoccupations et ses activités militantes.
Les articles sont regroupés en trois blocs, la période mexicaine dans les années 1950, la période de la clandestinité et la lutte antifranquiste, depuis le début des années 1960 jusqu’en 1975, et la troisième depuis la mort de Franco jusqu’à aujourd’hui.
Ayant connu Octavio au début de la période de la clandestinité (fin 1963), je crois pouvoir témoigner sur la tentative de cohérence entre la pensée et l’action qu’il revendique dans l’épilogue de son livre. Elle est certainement l’une des caractéristiques de sa propre trajectoire vitale et cela justifie clairement le respect qu’il a gagné dans de larges secteurs du mouvement libertaire.
Revenant sur le titre choisi par Octavio Alberola, je dois dire qu’il y a une deuxième raison pour laquelle il est suggestif. En effet, la lutte contre les différentes formes de dogmatisme et de sectarisme, même dans le cadre de l’anarchisme et de ses organisations, a accompagné très tôt la trajectoire militante d’Octavio, le plaçant dans la sphère de ces anarchistes hétérodoxes qui, heureusement, agitent les eaux de l’anarchisme en empêchant qu’elles stagnent.

Thomas Ibañez
Traduction : Daniel Pinós