Une histoire de l’UTCL

mis en ligne le 12 septembre 2013
Syndicalistes et libertaires. En d’autres termes, comment une poignée de militants issus de l’ORA (Organisation révolutionnaire anarchiste), voire plus tard de l’OCL (Organisation communiste libertaire) et de l’OCA (Organisation combat anarchiste), créèrent et/ou animèrent de 1976 à 1991 l’UTCL (Union des travailleurs communistes libertaires) avant de la transformer en Alternative libertaire. Notons le sous-titre de cet ouvrage, Une histoire de l’Union des travailleurs communistes libertaires qui souligne honnêtement les limites de ce travail universitaire remis en forme pour publication. Il s’agit donc d’une histoire et non de l’histoire de cette organisation. En effet, pour en faire l’histoire, d’autres sources auraient été à croiser avec celles utilisées, d’autres acteurs militants de cette période auraient pu, dû, être rencontrés. Il s’agit donc d’un point de vue situé et référencé. Malgré ces limites, cet ouvrage de 290 pages relate avec précision l’action et l’implantation des militants de l’UTCL. C’est donc un témoignage utile et intéressant sur l’activité de certains libertaires engagés dans les luttes sociales au sein des entreprises.
Créée suite à leur départ, de fait leur exclusion de l’ORA, les militants de l’UTCL s’impliquèrent très tôt, comme bien d’autres libertaires de l’après 1968, dans la « gauche » autogestionnaire au sein de la CFDT, en réaffirmant le primat de la lutte des classes. Après avoir sommairement rappelé les positions de l’ORA, ses dérives marxisantes et l’illusion des « établis », l’auteur relate dans un premier temps la création de l’UTCL suite à une OPB bis 1, la tentative avortée en 1977 de rapprochement avec l’Asras (Alliance syndicaliste révolutionnaire et anarcho-syndicaliste) et sa fusion avec la petite OCA. Il rappelle aussi ses références à la plate-forme d’Archinov 2, sa conceptualisation d’une « dictature antiétatique du prolétariat » (sic) et la volonté de ses militants comme pour d’autres libertaires d’apparaître dans le cadre de « feuilles de boîte ». Il souligne le choix réaffirmé en 1981 de l’activité en entreprise et de la prise de responsabilité dans les structures syndicales ainsi que la participation des militants de l’UTCL, une fois encore avec d’autres, à la création des syndicats SUD pour, in fine, engager « un processus d’autodépassement » (sic) aboutissant à la création d’Alternative libertaire en 1991.
Dans un deuxième temps, Théo Rival nous entraîne dans les luttent auxquelles participèrent de près ou de loin les militants de l’UTCL et dans celles qu’ils animèrent quelquefois : comités de soldats, exclusions de la CFDT après le recentrage, lutte contre la hiérarchie à l’Éducation nationale, grève des cheminots en 1986, etc., sans omettre les multiples « Je t’aime moi non plus » avec la LCR (NPA aujourd’hui) de cette modeste organisation qui ne dépassa jamais la centaine de militants.
En plus d’un riche cahier iconographique et de fortes annexes concernant cette Union, le texte de Théo Rival est suivi de longs entretiens collectifs 3 avec quelques militants « historiques » de l’UTCL qui se livrent à une analyse critique objective de leur activité, tant dans ses réalisations positives que dans ses échecs relatifs mais bien réels.
On peut regretter quelquefois le ton hagiographique de l’ouvrage concernant l’UTCL, mais il reste un livre à lire à condition de le mettre en rapport avec la presse militante libertaire de l’époque et les autres ouvrages traitants de la même période 4 afin d’en élargir les perspectives et de compléter le panorama de la lutte des anarchistes « ouvriers » dans cette période dont l’histoire reste à faire et dont ce livre n’est que l’une des premières contributions.









1. OPB : Organisation pensée bataille, clandestine, conduite par G. Fontenis dans la Fédération anarchiste et qui aboutit en 1953 à l’éclatement de celle-ci.
2. Apparu après la Révolution russe, ce mode d’organisation s’oppose au synthésisme de la FA et est considéré par certains comme une dérive bochévisante de l’anarchisme.
3. Entretiens réalisés en 2005 par G. Davranche et G. Mariman.
4. Voir par exemple R. Berthier, À propos de l’Alliance syndicaliste, No Pasaran, sans date (2006 ?).