Sous-surveillance.net : cartographie des caméras

mis en ligne le 3 juillet 2013
Les actions contre la vidéosurveillance s’étaient un peu essoufflées ces dernières années, alors même que de plus en plus de petites villes s’en équipent ou renforcent leur parc. Mais l’année 2012-2013 a vu émerger une tentative de relancer la contestation de ces dispositifs : le projet Sous-surveillance.net. Retour sur sa gestation et ses propositions.
Septembre 2011 : le maire de Lyon sabre le champagne pour les dix ans de la vidéosurveillance à Lyon, en compagnie de quelques journalistes complaisants, dans le centre de supervision tenu secret. En 2001, lors de l’installation des premières caméras, Collomb avait pourtant essuyé un feu nourri d’oppositions. Une décennie plus tard, plus aucune voix ne se fait entendre contre le déploiement et le renforcement de la surveillance à distance. Pire : les médias locaux clament que tout le monde est désormais d’accord et que le dispositif est utile. Le collectif de Rebellyon, un site d’infos alternatives lyonnais, lance alors un appel pour la mise en place d’une cartographie participative des caméras de l’agglomération, histoire de remettre un peu de piquant dans l’affaire et de montrer que, localement, de nombreuses personnes sont encore opposées. Accessoirement, ça permettra de se déplacer dans la ville sans être vu de Big Brother.
En juillet 2012, grâce à l’aide de quelques complices, le site lyonnais est lancé, augmenté d’une revue de presse régulièrement mise à jour sur le sujet. Il permet à n’importe qui de signaler facilement l’emplacement d’une caméra, son orientation, sa photo, et qui en est l’opérateur (les caméras privées sont, pour la première fois, également repérées).
Le résultat est suffisamment enthousiasmant pour que l’envie naisse de le proposer à d’autres villes. En effet, au lieu de centraliser le signalement des caméras sur un seul et même site, le but du projet est de vérifier l’emplacement réel des caméras signalées par les personnes qui s’inscrivent sur le site, mais aussi de soutenir la mise en place de collectifs locaux sur la question ou de renforcer ceux qui existent déjà. Car c’est au niveau local que se décide l’implantation des caméras, même si une lutte au niveau national est importante. Et si l’opposition à la vidéosurveillance est difficile dans les grandes agglomérations, elle est tout à fait possible dans les villes de taille plus modestes.
Comme l’installation est aussi complexe que le signalement des caméras est facile, une architecture permettant de déployer facilement d’autres sites locaux est mise en place (à la manière d’une plateforme de blogs). Et suite à quelques articles ici et là, des personnes d’autres villes rejoignent l’initiative. Rapidement, Paris, Nice, Clermont-Ferrand, Angers ou encore le Luxembourg créent un site local. Le projet Sous-surveillance est né.
Fin juin 2013, 26 sites locaux existent, aussi bien dans des grandes agglomérations que des villes comme Feurs (Loire) ou Val-d’Isère (Savoie). Ils référencent plusieurs milliers de caméras, quasiment 10 % de celles officiellement recensées sur la voie publique en France, ainsi que des dizaines d’articles servant de ressources. Un wiki dédié à de la documentation technique de la vidéosurveillance et ses promoteurs (industriels ou lobbys) est aussi en place, tandis qu’une revue de presse nationale est proposée sur un site commun, en attendant des revues de presse en différentes langues. Des villes d’autres pays sont en effet intéressées : Berlin, où a eu lieu une importante campagne cette année sur le sujet (Cam-Over), mais aussi Seattle aux États-Unis, testent par exemple le site. Enfin, du matériel de propagande est mutualisé, autocollants, affiches, flyers, illustrations et argumentaires, déclinables dans chaque ville. Chaque collectif est ainsi autonome, mais peut enrichir, de manière fédérative, le projet.
Sous-surveillance est par ailleurs une initiative originale de développement d’un site entre plusieurs villes, avec des outils permettant à des développeurs éloignés d’améliorer ensemble le site. Une expérimentation qui pourrait peut-être profiter à d’autres projets au niveau national ! Une réflexion est ainsi entamée au sein du collectif Rebellyon pour permettre à des villes de se doter de sites d’information locaux facilement, avec une base voire une plateforme commune et un partage des expériences. Sur Toulouse vient ainsi de se lancer le site Iaata.info (Informations anti-autoritaires de Toulouse et alentours). D’autres sites sont prévus pour la rentrée sur Tours, Reims et Paris.
L’année écoulée a en tout cas montré que le sujet avait toute sa pertinence : la vidéo-surveillance « intelligente », qui rajoute une couche de traitement automatique et en temps réel des images récoltées par les caméras, fait son apparition dans plusieurs villes. Des journalistes technolâtres succombent au travail de marketing du plus gros fabricant de drones « ludiques » (Parrot) et font l’éloge de ces robots aériens dotés de caméras, laissant présager leur irruption prochaine au-dessus de nos manifestations. Soyons sûrs qu’ils seront rejoints par ceux de la police à court ou moyen terme. Enfin, dans un domaine proche, les révélations de l’ancien espion américain Snowden sur la surveillance généralisée des communications numériques montrent que la volonté de contrôle social des gouvernements et des multinationales est de plus en plus importante.
Plus que jamais, au niveau local comme global, une opposition forte et déterminée face à ces projets est à construire. Sous-surveillance est un outil modeste à disposition de tous les collectifs, constitués ou non, qui souhaiteraient l’utiliser pour mobiliser sur la vidéo-surveillance, dans un premier temps, et peut-être d’autres dans un second. Il est très facile de rejoindre le projet Sous-surveillance et de monter un site local : il est seulement demandé d’être opposé à la vidéo-surveillance (il a été nécessaire de le préciser !) et d’être plusieurs localement, pour pouvoir vérifier les caméras signalées et organiser dans la mesure du possible au moins un événement par an sur le sujet (manifestation, projection, débat…), et de partager les documents produits pour permettre à d’autres villes de les reprendre si elles le souhaitent.
Rejoignez-nous, et renforçons ensemble la lutte contre la surveillance !

Arnaud
Membre de Rebellyon et du collectif lyonnais lyon.sous-surveillance.net


http://www.sous-surveillance.net est le site commun aux différents sites locaux.
Pour tout contact : contact (arobase) sous-surveillance.net