95 % d’énergie et de matière noires dans l’univers… Au boulot !

mis en ligne le 4 avril 2013
« Reposons la question de la finalité, du pourquoi, de quelle société voulons-nous précisément. […] Définir ce que nous voulons, ce n’est pas écrire un catalogue de la société future utopique à la virgule près, mais dessiner les modalités les plus précises possible de l’anarchie (et non plus seulement de ce que nous ne voulons pas). Par exemple : économie monétaire ou pas ? Et quelle monnaie ? La société idéale sera-t-elle une extension des SEL ou des Amaps ? » (Philippe Pelletier, Le Monde libertaire n° 1699).
Oui ! Reposons cette question. Reposons-nous là régulièrement, plutôt que de nous reposer sur des certitudes. Je ne sais pas s’il y aura une société idéale. Améliorable certainement, à construire sur d’autres bases, je le pense. Encore faut-il préciser les bases. Ce travail se fera en dialoguant avec tous ceux dont les travaux, les recherches, les articles ou les prises de position alimentent, précisent, ou contredisent, la « définition de ce que nous voulons ». Je ne parle pas ici d’une quelconque motion, d’un article ou d’un communiqué polémique. Ni d’une « simple » discussion entre anarchistes et libertaires. Je parle d’une réflexion collective, publique. Ardue, aux résultats hypothétiques… Mais c’est aussi cet effort intellectuel qui travaille une société.
C’est un lieu commun que de dire que les solutions ne sont pas à la hauteur des enjeux. La « médiocrité du personnel politique », « l’accumulation des problèmes », les « réactions en chaîne dues à la crise », aussi « leur nouveauté ». Ce qui est surprenant, c’est que l’incapacité, l’inaptitude à résoudre quoi que ce soit semble être partagé tant par les défenseurs que par les contestataires du système. Vieilles recettes contre vieilles recettes. « Faudrait trouver d’autres moyens pour mobiliser »,
« Inventons un nouveau militantisme », entend-on depuis… depuis… Mais j’ai toujours entendu cela ! Et ce que disaient des militants de tous bords au gamin que j’étais reflétait leur prise de conscience : nous entrions dans une autre période, définie en partie par le rejet du modèle stalinien. Nous n’en sommes pas sortis. Parce que « ce que nous voulons » n’a pas suffisamment pris forme, dans les esprits et dans les faits. Une apparence de statu quo qui tape sur le moral.
Les schémas, les idées, le vocabulaire ne semblent plus adéquats pour analyser le réel. Nous essayons de faire entrer les faits dans des concepts qui, pour certains d’entre eux, ne sont plus efficaces. Combien ? Lesquels ? Pour nous aider, il y a du monde qui a déjà bossé dessus ! (Ce qui ne signifie pas que cela influence directement la société. Lors d’un exposé, Bernard Friot rappelait : « Un livre de sociologie, dans tout l’espace francophone, c’est… 500 exemplaires. »)
Des phrases, des formules et des idées toutes faites, nous en avons notre part. Parfois nous radotons, nous répétons en boucle des incantations incompréhensibles aux autres. Ajoutant, contents de nous (?), un petit bruit parasite au vacarme ambiant. Deux grands sons de cloches (c’est de saison) : le « tout nouveau, tout beau » dans lequel nous baignons rend amnésique. Sans racine, on ne s’attache à rien. Sans espoir, on ne s’engage pour rien. Règne l’instabilité du présent, du jamais établi, du perpétuellement précarisé, ballotté à droite, à gauche par la recherche d’emploi, les modes, les nouvelles offres du marché. Humain-marchandise en mouvement parmi le flux de marchandises. Idéal fait d’illusions consommatrices. Manipulé, gavé d’informations et ignorant politique. Penser collectif ? Être citoyen ? Je fais comme je crois que tout le monde fait : moi d’abord !
Face à cela, en réaction : conservatismes, religions, traditions qui semblent n’être que vieilles solutions, datant d’époques si longues aux sociétés d’apparence immobiles. Une transmission lente, où le passé stable l’emporte sur le mouvement et la nouveauté. Et c’est bien ce qui rassure, ce qui stabilise, ce qui réconforte au milieu du torrent moderne. Communauté, règles communes, us et coutumes, mœurs, normes de vie, vestimentaires, soumission pour ne plus avoir à choisir… Sommes-nous sûrs que ce ressort ne soit pas commun à tous les groupes humains, même le nôtre ?
Humain de 2013, produit d’une histoire, héritier de mon espèce, je ne suis pas en dehors de ces influences. Elles me constituent aussi. Mais… j’allume la télé et découvre (après tout le monde) que 5 % seulement de l’univers fonctionnerait sur les principes physiques que l’humanité a mis des millénaires à établir. 95 % d’énergie et de matière noires, aux propriétés inconnues ! Vous imaginez la même chose pour les sociétés humaines ? Cela ouvre des possibilités… (à suivre.)