Apocalypse ?

mis en ligne le 28 mars 2013
(Promis juré ! Après, je ne parle plus d’écologie avant longtemps…)
« L’adhésion à l’écologisme est obtenue par une pression sur le peuple, l’angoisse, l’alarmisme, le catastrophisme, la peur, qui est le mode par excellence de domination de toutes les formations autoritaires (la religion en tête, historiquement). » (Philippe Pelletier dans le Monde libertaire n° 1699.)
Bien vu ! Et c’est vrai que, depuis l’âge de 9 ans, j’ai la trouille que la centrale de Gravelines ne me pète à la tronche. (Y’en a d’autres plus vieux qui avaient la trouille aussi, mais en 1974 ce sont les CRS qui leur pétaient, la tronche…) J’ai eu beau déménager : en France, je suis cerné ! C’est fou comme c’est irrationnel la peur ! Je calcule en nombre de réacteurs, en périmètres de 20, 40, 100 km, en vents dominants… On n’a pourtant pas arrêté de me dire que cela ne pouvait pas arriver chez nous, rien n’y fait ! Et j’ai peur aussi de bouffer des pesticides, des insecticides, de l’aluminium, etc. (je ne vais pas refaire la liste) et j’ai peur pour mes gosses et tous les gens autour de moi. Cela doit être dû à un traumatisme initial ? L’étude de l’Apocalypse au catéchisme y est peut-être pour quelque chose ? Quand je pense à ces chrétiens de paysans du Larzac qui ne voulaient même pas de missiles sur leur plateau ! Et dire que j’ai admiré des poltrons pareils ! Cela étant, le parallèle lumineux écologisme/religion (à ne pas confondre avec le sentier lumineux) est une autoroute (que les écolos excusent cette apologie du tout-voiture), mais pas au sens où l’entend Philippe. Au moment où je lisais son article, j’achevai la conclusion de « Tu dois changer ta vie » du philosophe Peter Sloterdijk, je ne peux résister à vous en extraire ces quelques phrases :
« L’unique autorité en droit de dire, aujourd’hui, “tu dois changer ta vie”, est la crise globale dont chacun perçoit, depuis un bon moment, qu’elle a commencé à envoyer ses apôtres. Elle a de l’autorité parce qu’elle se réfère à quelque chose d’inconcevable dont elle est la manifestation – la catastrophe globale. […] Il en résulte que le Dieu unique et la catastrophe ont plus de points communs qu’on ne l’a enregistré jusqu’ici, notamment la colère à l’égard des hommes qui n’ont pas pu se décider à croire en lui ou en elle. » Plutôt que colère – ne retombons pas dans l’animisme ! –je dirai
« conséquences ».
Mais la catastrophe n’est pas malédiction divine… « Pour ce qui concerne les catastrophes provoquées par l’homme, le XXe siècle a été la période la plus instructive de l’histoire du monde. On a pu y discerner que les plus grands complexes de malheur ont été déclenchés sous la forme de projets censés placer la marche de l’histoire sous contrôle à partir d’un seul et unique centre d’action. Ils ont été les manifestations les plus ambitieuses de ce que les philosophes, dans le sillage d’Aristote et de Marx, ont appelé la ‘‘pratique’’. Dans les proclamations contemporaines, on décrivait les grands projets comme des figures du combat final pour la domination sur la terre. »
Les premières catastrophes écologiques y changèrent-elles quelque chose ? « Ses citoyens ont pris pour habitude d’accueillir tous les indices de la catastrophe qui se rapproche – indices présentés sur le ton de la réalité – comme le produit d’un genre relevant du documentaire de l’horreur, et leurs intellectuels se montrent dignes de leur réputation de detached cosmopolitan spectators lorsqu’ils déconstruisent jusqu’aux avertissements les plus sérieux pour en faire un genre discursif et classer leurs auteurs dans la catégorie des fanfarons. » Ou lorsqu’ils nous expliquent qu’il s’agit d’une manœuvre pour sauver le capitalisme ?
Cela étant les religions et les idéologies ne nous seront pas d’un grand secours.
« Comment des ‘‘valeurs’’ ayant déjà fait dans toutes les périodes de l’histoire la preuve de leur insuffisance face à des problèmes relativement moindres pourraient-elles acquérir d’un seul coup le pouvoir de provoquer, face à des embarras plus importants, le tournant vers le meilleur ? […] Avec ce tournant, ce qui est concrètement universel devient opérationnel. Une logique coopérative prend la place d’un romantisme de la fraternité. L’humanité devient un concept politique. Même si le communisme fut d’emblée un conglomérat d’un petit nombre d’idées justes et d’un grand nombre d’idées fausses, sa part rationnelle – l’idée que les intérêts vitaux du plus haut niveau ne peuvent être réalisés qu’à un horizon d’ascèses coopératives universelles – doit forcément, tôt ou tard, retrouver une validité. »
C’est d’une nouvelle civilisation dont il est question, qui assure à l’humanité la survie commune. Les mouvements politiques, les changements économiques, sociaux, sont le fruit de contraintes, de nécessités vitales, de la peur de mourir, à la guerre, de faim, de misère et aujourd’hui d’empoisonnement généralisé. C’est bien pour cela que l’écologie est une chose trop importante pour qu’on la laisse aux seuls écologistes.