La pollution tue en Afrique

mis en ligne le 14 mars 2013
Dernièrement, l’émission « La Plume noire » présentait sur Radio libertaire Le Vol des faucons 1, un polar de science fiction dans lequel un « chronote », c’est-à-dire un voyageur dans le temps, se retrouve projeté cinquante ans dans l’avenir. Il finit par découvrir ce que les autorités qui l’accueillent essayent de lui cacher : l’Afrique a été totalement abandonnée par le reste de la planète et quelques centaines de rescapés contaminés résistent on ne sait trop comment aux pandémies, dans ce continent qui ne sert plus que de vaste réservoir où déverser les excédents de pollution et de déchets divers produits par un monde de surconsommation poussée à l’extrême. L’air vicié y arrive dans d’énormes tuyaux. La description est effrayante. Mais pourtant pas si éloignée de la réalité. Aujourd’hui, 28 % des maladies en Afrique sont liées aux risques environnementaux. La diarrhée, les infections respiratoires et le paludisme représentent 60 % des impacts connus de l’environnement sur la santé. C’est ce que déclare un rapport de la CMAE 2 en ces termes : « La pollution est responsable de 800 000 morts dans le monde chaque année, dont la moitié surviennent en Afrique ! »
Particulièrement montrées du doigt : les particules fines des polluants atmosphériques. Préoccupation majeure dans les zones pauvres rurales, elles ont, selon le rapport, le plus grand impact sur la santé humaine dans les régions où l’accès limité aux cuisinières et aux carburants propres a des effets considérables. La pollution de l’air intérieur peut y être 10 à 30 fois plus élevée que les limites fixées par l’OMS en Afrique. Les estimations sont de 800 000 décès dans le monde chaque année causés par la pollution de l’air extérieur, pour la plupart dans les zones urbaines, dont 40 000 en Afrique ! Le rapport met également en évidence les effets croissants du changement climatique, comme la pénurie d’eau ainsi que les conditions d’assainissement et d’hygiène inadéquates (gestion des déchets). En 2010, seulement 60 % de la population de l’Afrique subsaharienne avait accès à l’eau potable. Or, selon les Nations unies, la pénurie d’eau devrait passer de 47 % en 2000 à 65 % en 2025. Les risques sanitaires en Afrique proviennent également des produits agrochimiques, des polluants organiques persistants, des stockages de produits chimiques, de déchets électroniques et de déchets pétroliers. Ainsi, en Côte-d’Ivoire, le centre national de recherche agronomique estime que 65 % des maladies dont souffrent les maraîchers, les producteurs de coton, de mangues et les consommateurs sont dues aux pesticides.
Bien sûr, qu’on se rassure, le rapport formule plusieurs recommandations dans des termes qui prêteraient à sourire s’ils ne recouvraient une morbide réalité, du style : « Fournir des plantes médicinales bénéfiques pour la santé, pour assurer une gestion écologiquement rationnelle des déchets et des stocks chimiques existants », comme le suggéraient d’ailleurs les conventions de Bâle, de Stockholm et de Bamako. Mais à quoi servent toutes ces conventions dont les recommandations restent lettre morte ? La mort de toute une partie de la population semble donc programmée avec la complicité des gouvernements locaux et pour le plus grand profit des gouvernements et consommateurs occidentaux. La pollution responsable de 28 % de la dégradation de la santé, ce n’est qu’un début : dans le roman de science-fiction, il ne reste plus que quelques centaines d’Africains survivants qui pourrissent lentement sans aucun secours. On est juste en retard de cinquante ans !









1. Pierre-Emmanuel Dessevres, Le Vol des faucons, éditions libertaires, 15 euros, disponible à la Librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, 75011 Paris, Tél. : 01.48.05.34.08.
2. Conférence ministérielle africaine sur l’environnement.