Harcelator en Poste

mis en ligne le 20 décembre 2012
Elle s’appelle Astrid et elle est DRH à La Poste. Enfin elle était. Et j’entends déjà : une de moins ! La saillie par son outrance pourrait prêter à sourire, il n’empêche que le cas d’Astrid est révélateur d’un certains nombre de méthodes patronales, même si elles s’opèrent en douce et sans faire trop de vagues dans le service public.
Quelques précisions, le DRH (directeur des ressources humaines) est l’ancien chef du personnel de nos parents et de nos grands-parents. Ce poste est l’équivalent, pour caricaturer un peu, du ministre de l’Intérieur de l’entreprise. Veiller à ce que tout soit en ordre, au bon déroulement des élections, au respect du Code du travail et des conventions collectives, à l’organisation des comités d’entreprises, etc.
En cas de manquements à la discipline c’est le DRH qui officie, qui tranche, qui punit. Ce n’est ni plus ni moins que la trique du patron quand celui-ci, dans de nombreux cas, ne veut pas mettre les mains dans le cambouis.
Astrid donc était DRH des services financiers et du réseau grand public d’Île-de-France depuis 2002, qui regroupe une population de 35 000 salariés. Sans doute nourrie d’ambitions bien réelles, la voilà qui peut toucher la réalité du pouvoir. Seul inconvénient, elle n’est pas au sommet de la pyramide.
Au gré des mutations, elle aura désormais à rendre des comptes à un supérieur hiérarchique avec lequel le courant ne passera pas. Tentatives de déstabilisation, mépris, ordres absurdes, elle perdra pied petit à petit et ne pourra que constater les dégâts d’une gestion fondée sur le harcèlement perpétuel et les discriminations incessantes. Il faut aussi savoir que La Poste c’est 73 000 emplois qui ont disparu depuis 2003, sans plans sociaux et les outils d’accompagnement qui en découlent. Pour trois cas de suicides reconnus et médiatisés, les syndicats en identifient soixante-treize l’an dernier. On a dégraissé à la tronçonneuse, dit-elle, en poussant les salariés au départ. Les congés de maladie et les cas d’inaptitude se sont multipliés, au point que, dans un rapport, l’inspection du travail s’est ému de la tradition qui existe dans l’entreprise de pousser les salariés vers la maladie.
Difficile, voire impossible de tenir dans ces conditions. Le problème n’est pas de jeter l’opprobre sur la profession, mais bien de constater qu’au-delà d’une manière de naïvetés de sa part, ses méthodes sont inacceptables.
On doit donc se moquer de savoir à quelle nature de salarié elles s’appliquent. Placardisations, incitations au départ, souffrances au travail, humiliations, violences même (son supérieur, récidiviste, l’a collée au mur en lui hurlant qu’elle lui appartenait !), voilà qu’elle fut le lot d’Astrid pendant des mois. Ces méthodes de management sont désormais institutionnels à La Poste.
Du fond de son arrêt de maladie et de sa tentative de suicide, elle aussi, Astrid a décidé de porter plainte au pénal contre Jean-Paul Bailly, le président de La Poste, et une audience est prévue en janvier prochain. Souhaitons que ce soit enfin le procès de toutes ces violences au travail dont aucun salarié n’est à l’abri. Car enfin, qu’elle soit DRH ou non, une salariée refuse de plier, refuse de se taire. Il fallait défendre Dreyfus non pas parce qu’il était juif, non pas parce qu’il était capitaine, mais bien parce qu’il fut odieusement persécuté. La comparaison est sans doute un peu osée et fera se tortiller d’aise les historiens du mouvement anarchiste, toutefois le principe aujourd’hui reste bien le même.
Alors, à vous qui économisez sou par sou pour vous offrir à Noël le magnifique calendrier du facteur décoré des petits chatons qui jouent avec les pelotes de laine, ayez une pensée quand vous l’accrocherez à côté du frigo en matant les ponts de 2013, pour toutes les victimes, souvent peu bavardes, du harcèlement, de l’arbitraire et de la soumission au monde du travail.