Kiarostami : Like someone in Love

mis en ligne le 29 novembre 2012
Séquence d’ouverture : Une fille parle au téléphone à quelqu’un, qui veut la voir absolument. Ce faisant, elle est assise face à quelqu’un à qui elle ne parle pas. Une autre fille, à la perruque rouge-orange criarde, se déplace dans cette séquence à plusieurs reprises, elle l’interpelle et sera remise à sa place par le patron qui veut parler seul à la jeune fille. D’autres personnages arrivent dans le plan et nous cachent la vue. Ainsi, commence Like someone in Love de Kiarostami, tourné au Japon. Ce plan séquence virtuose annonce par l’éclairage, par les trajectoires des personnes, par le dispositif, une accumulation de complications à venir.
Des personnages invisibles, au bout du fil ou hors champ, vont se matérialiser plus tard. Ainsi à chaque coup de téléphone, le film sera envoyé dans une autre direction, ouvrira une autre piste. Qui est cette jeune fille ? Sa caractéristique majeure : elle a sommeil, elle veut aller se coucher, elle a un examen le lendemain qu’elle ne veut rater en aucun cas. Le patron de la boîte lui parle et la poursuit à travers le bar et au milieu des clients. Elle doit se rendre quelque part, insiste-t-il, cela ne durera tout au plus qu’une heure et elle pourra dormir dans le taxi qu’il va commander tout de suite. Il l’installe dedans, alors qu’elle continue à refuser. Elle parle de sa grand-mère venue pour la première fois à Tokyo, qui veut la voir et l’attend à la gare… Nous la voyons réellement par la suite cette grand-mère debout au pied d’une statue devant la gare, immobile comme une statue de sel, à attendre que sa petite-fille vienne la voir avant son retour au village. Le taxi fait plusieurs fois le tour de la place et nous voyons la petite-fille pleurer au fond de son siège confortable, mais incapable de faire un signe ou de descendre du taxi pour aller l’embrasser. C’est un des points forts du film de nous montrer, en un tour de magie, des détresses, des demandes d’amour et l’impossibilité de les satisfaire en tournant simplement autour de la statue devant la gare. Et c’est ainsi que se construit ce film, bâti sur des surprises, plein d’émotions, que certains n’ont pas apprécié à sa juste valeur.