Un peu plus loin avec Amila

mis en ligne le 4 octobre 2012
Parmi les 21 romans écrits pour la Série noire, certains sont quasiment – pardonnez-moi l’expression – des romans prolétariens maquillés en romans policiers ou des romans noirs à forts cadres et messages sociaux (Motus, Le Boucher des Hurlus, Le Pigeon du faubourg, etc.) sans que pourtant que la qualité de l’intrigue et le plaisir de lecture ne soient sacrifiés.
Néanmoins Jean Amila n’a pas boudé son plaisir (et le nôtre) pour explorer toutes les dimensions du genre, du roman policier humoristique aux confins de l’espionnage (Le Grillon enragé, Les Fous de Hong Kong, etc.) non sans revisiter au passage les romans du milieu et de créer des personnages atypiques et novateurs.
D’ailleurs considéré par beaucoup comme le précurseur du néo-polar des années soixante-dix et quatre-vingt, il reçoit de certains de ses auteurs (Didier Daeninckx, Patrick Pecherot, etc.) un hommage appuyé, alors que le Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale d’Arras décerne chaque année un prix Jean Meckert/Amila.
Je vais donc vous en présenter un panorama très subjectif de cette œuvre très riche à travers mes six polars préférés de Jean Amila.

Le Boucher des Hurlus (1982)
J’ai découvert Jean Amila lors de la parution de ce roman noir, pour moi son meilleur et je renverrai au passage que j’y ai consacré dans ma chronique de Comme un écho errant.

Y a pas de Bon Dieu (1950)
Si John Amila fut son pseudonyme pour quatre romans jusqu’en 1956, seule cette première Série noire a un cadre américain. Il nous y décrit la vaine lutte d’une communauté montagnarde contre les appétits financiers d’une multinationale souhaitant construire un barrage dans la vallée de leur village. Ce roman noir authentique, qui pourrait passer pour réellement américain, est plus proche du Steinbeck des Raisins de la colère que de l’Amérique machiste de pacotille du britannique Peter Cheyney et son très réac agent du FBI Lemmy Caution.

Motus (1953)
C’est le monde de la batellerie et le rejet social existant entre un homme et sa belle famille qui est au centre de ce roman noir prolétarien

La Bonne Tisane (1955)
L’auteur dynamite le genre du roman du Milieu : les très stéréotypés Auguste le Breton et André Simonin n’y retrouveraient pas leurs petits. Situé dans le milieu hospitalier – par ailleurs décrit avec justesse et humanité – ce roman drôlissime nous offre par exemple une fusillade d’anthologie aux portes de l’hôpital digne des Tontons flingeurs. Sa suite Sans attendre Godot est moins réussie malgré sa tentative de syndicalisation des porte-flingue.
Dans un registre humoristique proche, Jusqu’à plus soif situe avec bonheur son intrigue dans le milieu des bouilleurs de cru normands.

Contest Flic (1972)
Deuxième enquête du flic hippy Doudou Magne dit Géronimo, héros récurent précurseur (bien que flic), du néo-polar puis du fameux Poulpe des années 1990 et grand pourfendeur de barbouzes. Elle permet à Jean Amila de dénoncer encore une fois l’affaire Dominici, abordée sous forme documentaire dans La Tragédie de Lurs, tout en restant dans le registre de la dénonciation du système judiciaire abordé également dans les novelisations Nous sommes tous des assassins ou Justice est faite.

La Lune d’Omaha (1964)
L’auteur remet en cause le consensus patriotard sur la Seconde Guerre mondiale en faisant d’un déserteur américain son héros.
Son dernier roman, en 1985, Au balcon d’Hiroshima abordera encore cette période tout en dénonçant la menace nucléaire.
Bonne visite de l’expo et bonnes lectures,

Mouton noir