Prisons de femmes aux États-Unis

mis en ligne le 20 septembre 2012
Claude Guillaumaud-Pujol est connue pour le soutien qu’elle apporte à Mumia Abu-Jamal. Maître de conférences, elle est spécialiste des États-Unis. Elle a publié, en 2007, Mumia Abu-Jamal, un homme libre dans les couloirs de la mort.
Avec Prisons de femmes, elle aborde la question des conditions de détention des femmes aux États-Unis. Plus particulièrement, elle nous parle de Janine, Janet et Debbie, trois prisonnières politiques incarcérées depuis 1978. Tout commence le 8 août de cette année-là. Six cents policiers encerclent la maison de Powelton, où se trouvent douze adultes et onze enfants du mouvement afro-américain qui s’appelle Move. Nous sommes en Pennsylvanie, dans une habitation qui dépend de Philadelphie. Il est 5 heures du matin.
L’attaque est d’une extrême violence. Les flics inondent la maison avec des lances à eau et la criblent de grenades lacrymogènes. À la longue, les militants sont obligés de sortir. Les hommes sont roués de coups. Les armes de la police ont parlé. Ripostant aux fusils des forces de l’ordre, les assiégés se sont défendus. Dans la bataille, un policier a été tué. Les conséquences sont effroyables. Delbert Africa, un des résidants, est lynché par les représentants de l’État. La maison est rasée. Debbie, une des femmes, accouche en cellule et se voit confisquer son bébé. Les Move sont condamnés à de longues peines.
Les membres de ce groupe sont très proches des Black Panthers. Avec John Africa, ils défendent des valeurs naturelles issues de l’africanité dont ils se revendiquent et violemment contestataires de la mécanique conservatrice, ultralibérale et hyper-répressive des États-Unis.
Le 13 mai 1985, une maison appartenant à Alfonson Africa, à Chester, est également dévastée et brûlée. Six adultes de Move sont descendus à coups de carabines. Cinq enfants sont également tués. C’est le massacre d’Osage Avenue. Il ne reste que deux survivants…
Les prisons américaines se sont multipliées au cours des deux derniers siècles, surtout depuis la guerre de Sécession (1861-1865). Les femmes constituent environ 7 % de la population carcérale totale. Elles sont de plus en plus condamnées et enfermées, surtout si elles sont noires. Historiquement, elles ont subi les pires sévices. Beaucoup ont été victimes d’abus sexuels ou ont été contraintes de se prostituer auprès des gardiens. Estelle Freedman, en 1981, cite le cas de Raquel Welch, au XIXe siècle, qui se retrouve enceinte, bien que confinée à l’isolement. Après avoir accouché, à titre de punition, elle est condamnée à être fouettée par un gardien. Elle meurt peu après.
Claude Guillaumaud-Pujol rend régulièrement visite à Janine, Janet et Debbie. En moyenne, 55 % des prisonnières sont « de couleur ». Une femme noire a huit fois plus de « chance » qu’une blanche d’aller en prison. Derrière les murs, c’est l’arbitraire le plus total. La nourriture est insuffisante. Les détenues crèvent littéralement de faim. Au parloir, quand il fait froid, elles sont en tee-shirt et, quand il fait chaud, avec des chemises à manches longues boutonnées jusqu’au cou. Les punitions pleuvent : privation de parloir, isolement, mitard, tout l’arsenal y passe. La prison a pour mission d’éliminer les femmes, surtout quand elles sont noires. John Africa, relayé par l’auteur, a définitivement apporté sa conclusion : « Les prisons, où qu’elles soient, sont des colonies d’esclaves, légalisées par les tribunaux, dans le seul but de “stocker” les pauvres et de les maintenir en esclavage. Le système pénitentiaire est une entreprise perverse qui a deux objectifs : fournir des emplois à la population blanche et permettre au gouvernement d’exclure des quartiers pauvres les jeunes, les Noirs, les Blancs pauvres, les Hispaniques, les Indiens, les Asiatiques, etc. Innocents ou coupables, tous ceux qui critiquent le système en place… sont éliminés, soit on les emprisonne, soit on les tue… Le cercle vicieux c’est les flics, le tribunal, puis la prison… »