La brioche de Monsanto : le blé pour l’assiette, pas dans les bourses !

mis en ligne le 12 septembre 2012
On pouvait lire, le 21 juillet de cette année, dans le Times de Taï-Peï (Taiwan), que l’annonce de l’augmentation des coûts des céréales dans le monde entier amenait à faire des comparaisons avec les années 2007-2008 quand les émeutes de la faim éclatèrent dans une trentaine de pays.
Le rapport entre le manque de blé ou d’autres céréales et le mécontentement social n’est plus à faire. C’est une vielle histoire. Déjà, une certaine Marie-Antoinette aurait eu cette phrase célèbre : « Ils n’ont plus de pain, qu’ils mangent de la brioche ! » Si, aujourd’hui, plus personne n’oserait dire une chose pareille, les pouvoirs traitent cette affaire par le silence après que les gazettes ont abordé rapidement la question. Il semble bien que le monde va manquer de blé ou de maïs ou de soja dans les mois qui viennent. Les bourses mondiales et leurs hommes de main – les traders – ne s’y sont pas trompés. Ils ont acheté le maximum de grains possible, avant la moisson, faisant le pari que la rareté ferait grimper les prix. Dans le cas contraire, et si cela était nécessaire, un peu de rétention pourrait dans tous les cas y aider.
Nous sommes devant une situation intéressante, d’un point de vue intellectuel, pour ceux qui peuvent encore se payer une baguette chez leur boulangère, mais dans une situation dramatique pour des milliards d’autres qui, eux, n’en ont pas les moyens.
C’est un problème à, au moins, quatre dimensions : écologique, économique, sociale et politique.

La dimension environnementale

Depuis quelques années, la communauté scientifique, sous une forme ou sous une autre, appelle les pouvoirs à prendre conscience des risques liés au réchauffement climatique. Avec l’arrivée de la crise économique, les bonnes intentions officielles ont été poussées sous le tapis. C’est bien le cas des pays qui ont ratifié le traité de Kyoto et qui, comme la Russie, ont été incapables d’en appliquer les recommandations. Les autres, comme les États-Unis, ont considéré qu’ils n’étaient pas concernés et n’en ont donc pas tenu compte. De toute façon, quelles que furent les recommandations exprimées lors de ces grandes célébrations internationales, elles étaient bien en deçà des nécessités.
Ce n’est pas la première fois, semble-t-il, qu’une telle absence de pluie a lieu au printemps. Il y en aurait même eu une aux États-Unis il y a environ cinquante ans. Aujourd’hui, cet événement international doit être remis dans un contexte de dérangement climatique général.
Quel va être l’effet des pluies, qui ne manqueront pas d’arriver, en tombant sur des terres craquelées, transformées en poussières ? Combien de temps leur faudra-t-il, à ces étendues, pour retrouver leur fertilité d’antan ? Cependant, ce n’est pas une catastrophe pour tout le monde. En effet, cette sécheresse terrible qui frappe les grandes plaines de blé de Russie, d’Ukraine ou des États-Unis est une bénédiction pour Monsanto, qui vient de mettre au point un maïs transgénique qui se rit de la sécheresse. En attendant, cette crise alimentaire probable ne fait qu’aggraver le marasme actuel.

Et la crise…
La chute de la production de blé, de soja ou de maïs n’a pas seulement des conséquences sur les prix du pain, elle est aussi catastrophique pour les éleveurs de bovins, mais aussi pour ceux qui élèvent des volailles. Les uns comme les autres, faute de pouvoir les nourrir, vont les céder en toute hâte aux marchands de viande. Ce faisant, si la pérennisation des troupeaux se trouve mise en péril, à terme, les industries de transformation des céréales en direction des carburants « écologiques » ou de la nourriture pour animaux ont du souci, du moins leurs employés, à se faire. Dans les pays développés soumis aux mesures d’austérité – conséquence d’une gestion des dettes particulièrement aberrante – la menace « annoncée » d’un renchérissement et d’une diminution des quantités disponibles de céréales devrait commencer à préoccuper les politiques.

Du pain et de la politique
Dans cette période de crise économique, au moment où le refrain lancinant de l’obligation de rembourser cette dette, que ne nous n’avons pas faite, sonne à nos oreilles comme une injonction incontournable, les pouvoirs économiques et politiques ont plus que jamais besoin de paix sociale. Le mouton qui se débat est difficile à tondre. Nos dirigeants savent bien que les émeutes de la faim des années 2007-2008 déstabilisèrent alors nombre de pays et furent en arrière-plan de ce que l’on appela « Printemps arabe ». Un homme, que l’on ne peut pas suspecter de sentimentalisme, le patron de Nestlé, est catastrophé ! évoquant la politique visant à réserver des surfaces de production de plus en plus grandes pour les agrocarburants au détriment de cultures vivrières, il déclara à un journal autrichien, le 14 août dernier : « Je m’attends à une crise de l’alimentation et de la faim encore plus grave qu’en 2008. » C’est sans appel !
Tous nos dirigeants diront que le marché a raison, qu’il impose de faire ceci ou cela. Les traders sont ses prêtres et les économistes ses propagandistes. Soyons athéo-marchés !