Civilisation numérique et voyeurisme

mis en ligne le 28 juin 2012
Voilà, voilà, ça y est, c’est fini, n’a pu, c’est rien. Bon ben v’là que les électeurs vont donc pouvoir rentrer chez eux. Deux ans que ça dure et pour finir une bonne vieille sociale démocratie à la papa, à l’ancienne, comme la blanquette de mamie, comme dans le temps, et qui ne mettra pas le feu au lac. C’est pas mauvais, c’est à peine fadasse : ça suffit pas. Fallait pas non plus s’attendre à autre chose. Dans un sens, on n’est pas déçus. On n’est pas déçus. On attendait rien et on n’aura pas grand-chose.
La présidentielle bof, mais la législative mérite tout de même son pesant de cacahuètes. Le tweet ah oui le tweet. Rien que ça ! Ça nous aura duré deux jours de déferlement machiste, odieux. Des querelles de bonnes femmes nous a-t-on seriné. La virago versus la madone. Au-delà des turpitudes de cette pauvre Ségolène qui gâte tout ce qu’elle touche, secrétariat du PS manqué, candidature aux présidentielles de 2007 dans la sciure, primaires socialistes avec crise de larmes devant vingt caméras, parachutage foireux à La Rochelle et en prime le règlement de compte devant une flopée de journalistes qui n’attendaient que ça, tous les ingrédients réunis pour une tragédie classique. Unité de lieu, de temps et d’action. Du programme de troisième, sauf que depuis quelques temps l’irruption d’internet et des réseaux sociaux commencent à changer un peu la donne.
Les règlements de comptes, donc, ne se font plus en famille. Dans le feutré. L’irruption des Facebook, Tweeter fait que, désormais, les affronts, les querelles et les photos de mariage, de vacances, du baptême républicain du poisson rouge, participent amplement de notre vie sociale et se doivent d’intéresser le monde entier et son frère. Ce phénomène on ne peut plus intrusif, c’est la caméra derrière notre porte – et difficile, de plus en plus difficile d’y échapper. Du DRH à l’affut de la couleur du slip de son futur cadre qui va s’empresser de lui montrer, du voisin curieux des connaître les amis des amis du beau-frère, les réseaux sociaux sont en train de nous mettre en coupe réglée. La bonne vieille engueulade se fait désormais sur la place publique. Plus possible de casser les assiettes sans témoin intrusif et sans caméra cachée.
Alors, quelle riposte ? Loin de moi l’idée de revenir au papier carbone, aux signaux de fumée ou au télégraphe en morse, mais je constate que la civilisation numérique qui n’en est sans doute pas à ses dernières perfections est une civilisation de voyeur, d’espion. Toute intimité est désormais bafouée, le premier qui bouge une oreille est immédiatement et sans nuances cloué au pilori médiatique. Rien de ne plus malsain. Les IPhones et autres smartphones sont désormais essentiels à l’homme moderne, accroché comme une arapède sur un rocher, ces petits engins bourrés d’électronique nous font pister – pour ceux qui en ont – par toute une nouvelle flicaillerie mécanique, métallique et sournoise, sans uniforme et sans états d’âme : antennes relais, GPS, cartes bleues à puce, au paiement sans contact et j’en passe.
Qui n’a pas son compte Tweeter connait la douceur de vivre, qui n’a pas son compte Facebook est un sage. Et comme c’est bientôt les vacances, à nous les péages d’autoroute où on relève votre numéro de plaque, les parkings payants où l’on sait à quelle heure vous entrez et vous sortez. C’est pas beautiful ? Mais ça nous dit pas ce qu’on va bien pouvoir faire de Ségolène !