Croître ?

mis en ligne le 14 juin 2012
En politique, quand on n’est pas beaucoup, on veut être plus. Cela n’a rien d’original, moi qui ai passé ma vie dans des groupuscules ou des mouvements ultraminoritaires, je peux vous certifier que c’est un lieu commun. « Bientôt 100 groupes à la FA, demain 1 000, après-demain 10 000… » comme s’exclamait Jean-Marc Raynaud dans un article précédent, avec cet enthousiasme qui caractérise sa jeunesse éternelle. On veut être plus nombreux, c’est du moins ce que l’on affirme souvent. Vraiment ?
Parfois, c’est un peu perdu d’avance. Au hasard, un exemple : les flamandophones de France qui, par la force brute de l’État et son rouleau compresseur Éducation nationale, se réduisent de génération en génération, ont peu de chance de regagner des effectifs conséquents dans les années à venir. On imagine difficilement qu’ils deviennent une force autonomiste conséquente, même après une explosion de la Belgique toute proche. Les circonstances, le contexte historique, auront sans doute raison de leur volonté. Même avec le soutien intéressé et néanmoins nauséabond de partis flamingants de l’autre côté de la frontière.
Et nous ? Le contexte ou les circonstances sont-elles défavorables ? Au contraire ! Jamais, depuis des dizaines d’années, nous n’avons eu un tel boulevard devant nous.
D’autres formations, parties d’une poignée de militants, ont su, par un travail permanent, un volontarisme ascétique et un dévouement proche du martyr, monter une organisation qui bénéficie d’une aura nationale, bien qu’actuellement déclinante. C’est le cas de Lutte ouvrière. Je rappelle qu’une génération de militants, dans les années quatre-vingt, a été gagnée à la sortie des lycées, par une présence hebdomadaire de militants vieillissant qui purent rajeunir ainsi leur organisation. C’était la « politique du bouton de veste », dont se moquait la LCR de l’époque, et d’autres sans doute, si je me souviens bien. Accroissement militant, présence multipliée. Qu’est-ce qui les a empêchés de dépasser ce stade ? Eux-mêmes. Le développement n’est pas une boule de neige. Il faut aussi une politique qui colle à la période, aux autres. Tout compte : trop en avant, trop en retard ou pas en phase avec le mouvement et l’air du temps, les occasions manquées. L’attitude, le look, les méthodes, le ton, les arguments, les non-dits, l’image que les militants donnent d’eux-mêmes, image réelle ou fantasmée.
À ce moment-là, on se regarde collectivement dans le miroir et on réfléchit avec lui… Si les circonstances sont favorables, alors, qu’est-ce qui cloche ? Je vous laisse réfléchir là-dessus, comme dirait Gustave Parking, mais ne faites pas trop de surplace.
Non ! Autre chose : c’est tellement un lieu commun, cette question du « plus grand, plus gros, plus fort » partagé par tant et tant de gens que nous considérons comme de potentiels ennemis (parce que leur politique nous mène, ou nous mènerait, à une société qui nous effraye) que nous pouvons peut-être aussi nous interroger sur le mode de développement que nous souhaitons pour nos idées. Le même qu’eux ? Non, parce que nous ne voulons pas d’un grand parti centralisé, nous voulons une grande fédération avec plein de groupes dedans ! Nous en donnons-nous les moyens ? Si non, c’est que nous ne le désirons pas vraiment. À juste titre, peut-être ?
Est-ce que c’est un but, un objectif pour augmenter notre influence ou au contraire serait-ce la conséquence du développement de nos idées ? Qu’est-ce qui est fondamental pour l’avenir ? Que nos idées soient le plus répandues et partagées par le plus grand nombre ? Qu’elles soient exposées sur la place publique, confrontées aux autres, que nous prouvions leur pertinence et que, par la seule force de notre verbe et de notre regard vertueux, nous écrasions les arguments miteux de (euh… je m’égare)…
Bon, y a plus qu’à nous présenter aux élections. Enfin un truc inédit qui fera parler de nous !