Double besogne

mis en ligne le 7 juin 2012
Le texte adopté en octobre 1906 lors d’un congrès de la CGT à Amiens, connu ensuite sous le nom de Charte d’Amiens, fixait deux « besognes » aux syndicalistes : « Dans l’œuvre revendicative quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires. […] Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme. Il prépare l’émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste. Il préconise comme moyen d’action la grève générale. »
Cette position à la fois théorique et pratique a-t-elle perdu de sa pertinence ? Est-elle dépassée ? A-t-on trouvé mieux ? Je ne le pense pas et au contraire il me semble urgent de la remettre en débat et en perspective avec les outils d’aujourd’hui.
Certes, la plupart des organisations syndicales en France comme ailleurs ont abandonné la besogne émancipatrice, celle qui estimait notamment que rien de ce qui concernait les travailleurs n’était étranger au syndicalisme. Certaines mêmes ne pratiquent même plus la première besogne et ne méritent donc en aucune manière le qualificatif de réformistes. Elles sont corporatistes au sens pétainiste du terme, corps subsidiaires de l’appareil d’État. De ce point de vue, la direction de la CFDT est plus que jamais candidate à s’intégrer et à collaborer. C’est sa nature, c’est sa fonction. Chérèque n’a d’ailleurs pas attendu l’élection de Hollande pour défendre la politique d’austérité à perpétuité qui se met en place partout en Europe et dans le monde. « La réduction des déficits est la priorité de la CFDT » clamait-il l’année dernière encore. Avec des « syndicalistes » de cette trempe, le patronat et l’État peuvent dormir tranquilles, les chiens de garde veillent… Sauf que la réalité de terrain est parfois sensiblement différente. Bien des militants syndicalistes, y compris parfois de la CFDT, n’acceptent pas cette logique de soumission, voire d’asservissement aux intérêts capitalistes. Les débats très vifs au sein de la CGT (la question de la succession de Thibault n’en est qu’une des expressions) montrent que le terrain de classe n’est pas partout abandonné, loin s’en faut.
À Force ouvrière, les Compagnons de Pelloutier rassemblent depuis un an des militants qui souhaitent redonner au syndicalisme sa force de percussion sur le seul terrain qui vaille, celui de la lutte de classe. Dans le manifeste qui les unit, il est expliqué notamment qu’il faut maintenir à tout prix l’indépendance de la confédération FO face aux tentations du « syndicalisme rassemblé, participatif et de collaboration ». Pour cela « le respect strict des règles du fédéralisme et de la démocratie ouvrière est seul capable de prévenir les dérives bureaucratiques », partisanes et sectaires pourrait-on ajouter. Tant il est vrai que le syndicalisme est affaire d’orientation mais aussi de pratiques (notamment la définition des mandats et le contrôle de leur application).
Ce même manifeste se termine par cette affirmation particulièrement d’actualité : « Dans le contexte international que nous connaissons où de nombreux peuples se battent pour le pain, la liberté et leur émancipation, il est de notre responsabilité d’offrir de réelles perspectives. Nous savons que celles-ci ne sortiront pas des urnes. »
La solution ne sortira pas non plus de la conférence sociale prévue en juillet, d’accords de méthode, de diagnostic partagé, de dialogue social rénové, bref tout ce galimatias pseudo-moderne qui masque mal renoncements et compromissions. Elle ne peut venir que de la capacité des travailleurs, étudiants, chômeurs à organiser la résistance collective face à la barbarie capitaliste. La première urgence, c’est faire face aux plans de licenciements qui vont tomber dans l’automobile, la téléphonie, les banques, la grande distribution, les transports… Comment fait-on pour fédérer les luttes, rendre les coups, faire céder patronat et État, première étape avant de passer à des luttes plus offensives ? Comment les militants anarchistes peuvent-ils aider à cela ? Le 70e congrès de la Fédération anarchiste qui vient de se dérouler à Rouen a tenté (modestement) de répondre à cette question, notamment par la mise en place d’une coordination des militants syndicalistes anarchistes.
Notre double besogne ne se paie pas de mots. Elle est parfois obscure, laborieuse, parsemée d’obstacles de toute nature mais elle est porteuse aussi d’un autre futur.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


le maçon

le 14 juin 2012
"Comment les militants anarchistes peuvent-ils aider à cela ? "

Mais c'est trés simple en adhérant à des syndicats anarchiste au lieu de rester à la cgt et autres sindicats qui acceptent des policiers, matons douaniers....

"la mise en place d’une coordination des militants syndicalistes anarchistes" pas d'entrisme merci

La qualité plus que le nombre, n'est ce pas mieux?