Paroles de murs athéniens

mis en ligne le 15 mars 2012
À la dernière page de Paroles de murs athéniens de Yannis Youlountas (Éditions libertaires), on lit cette formule datant de 1968 : « Murs blanc = peuple muet. »
Il est une bonne nouvelle qui nous vient de Grèce : là-bas au moins les murs ne sont plus blancs et le peuple a pris la parole. Avant les Indignés de Madrid, avant le Printemps arabe, avant Occupy Wall Street, les Athéniens protestant contre la mort d’un adolescent et la violence policière ont initié, au 6 décembre 2008, un mouvement de fond qui, durant trois ans, à mesure des plans d’austérité et de la ruine du pays, n’a jamais faibli.
Pouvait-il en être autrement d’un peuple qui a toujours lutté pour la démocratie depuis l’agora antique jusqu’aux années sombres de la dictature des colonels, d’un peuple exemplaire qui, reprenons la formule de Yannis, est à la fois notre passé et notre avenir ?
Comment écrire une note de lecture formatée de deux milles signes sur un livre aussi essentiel que Paroles de murs athéniens ? D’abord dire : si vous n’achetez qu’un seul livre par an, achetez celui-là ! Pour vous sentir plus proche d’un peuple en lutte qui nous ouvre la voie, et semble crier : « Regarde et fais en autant ! » Parce que Yannis, Grec par son père, a constamment sillonné les rues d’Athènes depuis le début de la révolte et nous porte témoignage de ce si loin si proche. Puisque dans un article du 20 février 2012, cosigné dans Libération avec Raoul Vaneigem, Yannis conclue : « En 2012, soyons tous Grecs ! »
L’objet livre est magnifique, à l’image de la collection « Paroles » initiée par Franck Thiriot. Inscriptions, tags et affiches font vivre les murs d’Athènes, parfois de simples mots, parfois des œuvres, du street art pour cri du peuple. Quelques humains passent, personnages flous d’un champ, non pas de bataille mais d’espoir, sur des notes de clarinette. Aux côtés des paroles murales, des citations d’amoureux de la Grèce : Jacques Lacarrière, Henry Miller, Laurence Durrel, d’autres plus engagées Foucault, Debord, Deleuze. Tout nous parle, nous porte au cœur de la cité et de ses citoyens. Cette jeune fille en train d’inscrire « Barcelona 1936, Athenas 2012 » et qu’une dernière image surprend dans sa course pour se mettre à l’abri de la police.
Dans un autre livre de Yannis paru récemment aux éditions libertaires – Derrière les mots –, il est écrit : « Il faut du courage pour dire non. Toute l’histoire de la Grèce est dans ce non. »

Thierry Guilabert