On s’en fiche des gens honnêtes

mis en ligne le 15 mars 2012
Il arrive, alors que l’on milite dans l’espace public, de constater un mouvement instinctif – et assez désagréable – de la part des personnes que l’on croise et à qui l’on tend un tract, un journal. Qui n’a jamais remarqué ce recul, ce sourire gêné, ces yeux qui se baissent ou qui se détournent ? Qu’on ne se méprenne pas : il y a moins de désapprobation, à travers ces pas de côté, chaloupés, que la crainte de la persuasion forcée. Eh oui ! Le militant, quand il n’amuse pas la galerie par sa figure pittoresque, inspire souvent la méfiance. Non pas le rejet de ce qu’il défend, mais le soupçon quant à ses intentions réelles : « Il veut m’endoctriner ! » Voilà l’alarme secrète qui sonne chez un certain nombre d’esprits citoyens.
Eh bien, c’est dans la peur de l’endoctrinement que va peut-être naître la plus vaste entreprise de fichage jamais tentée dans l’histoire du pays dit « des droits de l’homme ». Adopté par les députés de l’Assemblée nationale, mardi 6 mars, la proposition de loi visant à lutter contre les usurpations d’identité instaurera demain, si elle n’est pas jugée inconstitutionnelle d’ici là, un mégafichier des données biométriques de tous les Français. Car il s’agit de lutter contre un fléau. Pensez donc ! L’usurpation d’identité ! Voilà un « fléau » dont tout le monde parle et qui fait bien du malheur, loin devant le chômage, la menace nucléaire (militaire et civile) et la misère galopante.
Quand on songe que le 1984 de George Orwell a tant fait frémir au point de représenter, pour les esprits libres, un phare contre la dérive totalitaire moderne, on se demande comment un fichier dit « des gens honnêtes » peut, au XXIe siècle, être instauré sans provoquer plus de protestations que ça. Il faut dire que, labouré depuis des années par le puissant lobby des industriels de l’électronique, le terrain est bien préparé. Depuis la vidéo-surveillance jusqu’aux passeports biométriques, en passant par le prélèvement ADN auquel sont contraintes de nombreuses personnes interpellées pour un oui ou pour un non, l’intrusion de l’État s’étend. Mais n’est-ce pas là, aussi, sa raison d’être ?
Il faut dire aussi qu’une certaine docilité d’esprit facilite les choses. L’exposition permanente et parfois frénétique de sa vie privée sur les réseaux dits « sociaux » a banalisé, par contrecoup, le fichage systématique. « Nous sommes tous fichés et même multifichés, se dit Candide. Et alors ? Cela m’empêche-t-il de me lever chaque matin, de vivre normalement ? » Cela posé, il ira regarder quelques séries télévisées qui prédiquent, car c’est la mode, les irréfutables miracles de la science policière. Il faut bien vivre avec son temps !
« Je suis honnête, moi. Je ne risque rien. »
Hé là, Candide ! Cela fait bien longtemps que l’on ne pourchasse plus les malhonnêtes ! Ceux-là sont devenus banquiers, industriels, ou politiciens. Les moins doués sont passés flics. Ils sont certains de l’impunité, ce qui, d’une certaine façon, constitue leur sécurité de l’emploi. Ceux-là conçoivent les fichiers, les nourrissent, les exploitent, constituent le savoir-faire qui ensuite remportera les marchés extérieurs. Des centaines de millions d’euros garantis par la doctrine sécuritaire qui n’en finit pas de s’imposer.
Alors, question : qui sont les endoctrineurs ? Pour quels sombres desseins qui, sous nos yeux fatigués, se réalisent déjà ?

Stéphane, groupe Claaaaaash de la Fédération anarchiste



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Noromix

le 18 mars 2012
J'aimerais connaître les raisons pour lesquelles vous n'autorisait pas le téléchargement gratuit de votre journal ? Car je ne le trouve pas aux alentours de chez moi

Steph

le 19 mars 2012
Le Monde libertaire est avant tout un hebdomadaire imprimé sur du vrai papier. La meilleure façon de soutenir et de bénéficier du journal, consiste à s'abonner. Vous pouvez également exiger de votre kiosquier qu'il s'approvisionne auprès de Presstalis (la messagerie de presse qui distribue notre titre). Vous pouvez télécharger gratuitement le supplément du ML (une édition "courte" qui regroupe quelques articles du n° de la semaine, et constitue un support afin de faire connaître le ML et les idées libertaires le plus largement possible).
Lorsque nous aurons détruit le capitalisme et aboli l'argent, vous pourrez sans aucun problème télécharger le Monde libertaire...

Guillaume

le 19 mars 2012
En société capitaliste, la gratuité a toujours un coût. Et un journal militant, tel que Le Monde libertaire, n'a pas les moyens pour le supporter. Il tend, néanmoins, à le rendre le plus accessible possible, à travers un prix qui augmente rarement, une version papier gratuite et un site internet mis à jour chaque semaine avec les articles du numéro précédent. Tout ça, sans un salarié. On peut difficilement faire plus accessible et moins commerçant.

Noromix

le 23 mars 2012
Je suis absolument d'accord sur le fait de la participation pour soutenir le journal papier. Mais je pense, tout en ne sachant pas si cela est possible, qu'avec internet, vous pouvez mettre à disposition vos hebdomadaire gratuitement .
P.S: Je suis dans l’impossibilité de m'abonner
P.S²:Je félicite aussi l'idée d'avoir mis à disposition das la rue et sur le site un supplément gratuit