Rencontres internationales de l’anarchisme à Saint-Imier : présentation des conférences (suite)

mis en ligne le 23 février 2012
Présentation de quelques conférences (2/2)
Élisée Reclus et la géographicité libertaire

Présenté par Philippe Pelletier, géographe et militant de la Fédération anarchiste.
L’anarchie croise la géographie à plusieurs reprises chez les penseurs anarchistes, en particulier Élisée Reclus (1830-1905), mais aussi Pierre Kropotkine (1842-1921), Lev Metchnikoff (1838-1888) ou Charles Perron (1837-1909), ou d’autres encore proches du mouvement libertaire (Dragomanov, Geddes…).
Ce n’est pas seulement parce que ces anarchistes, comme les géographes de terrain, sont de grands voyageurs, contraints (l’exil politique) ou volontaires, et qu’ils ont une approche cosmopolitique du monde. C’est aussi le fruit d’une réflexion.
Ils refusent en effet la philosophie de l’histoire exposée par Hegel puis reprise par Marx et les marxistes qui postulent un cycle de modes de production avec sa fin programmée (la faillite inévitable du capitalisme et l’avènement garanti du communisme), sur fond de déterminisme politico-économique. Pour eux, l’évolution est ouverte, elle peut être caractérisée par le progrès, mais aussi par le régrès, comme en témoigne la variété des sociétés sur Terre. Selon Reclus, « la lutte des classes, la recherche de l’équilibre et la décision souveraine de l’individu, tels sont les trois ordres de faits que nous révèle l’étude de la géographie sociale » (1905).
Les anarchistes géographes reprennent ainsi la sociologie élaborée par Proudhon (« Voulez-vous connaître l’homme, étudiez la société ») et par Bakounine (« La sociologie, c’est la science des lois générales qui président tous les développements de la société humaine ») en la plaçant dans l’espace. Car les êtres humains sont des habitants de la Terre et des lieux. Ils sont confrontés à leur milieu qu’ils aménagent sans cesse, qu’ils détruisent mais qu’ils construisent aussi. Leur géographie mélange à la fois la raison du développement économique, la passion esthétique des paysages et la corde harmonique avec la nature. Ainsi, « l’homme est la nature prenant conscience d’elle-même » (Reclus, 1905).
Cette géographie sociale doit permettre d’évaluer scientifiquement les ressources de la Terre et de répondre aux besoins humains, conformément aux aspirations universelles de justice et de liberté. Elle s’effectue sur la base du fédéralisme libertaire qui organise spatialement – territorialement, horizontalement – les collectivités de production, de consommation, d’habitation et d’association.

Sport et anarchisme
Présenté par Wally Rosell et Gabriel Khun.

Cette intervention n’a d’autre prétention que de rappeler que l’anarchisme se propose d’organiser la totalité de la société sur de nouvelles bases. La révolution désirée par les libertaires nécessite un individu conscient et préalablement formé aux pratiques autogestionnaires. Nous devons donc contribuer – dès maintenant – à mettre en place des pratiques différentes pour tous les aspects de la vie en société, y compris dans celles qui paraissent les plus futiles. C’est ce qu’Émile Pouget ou Juan Garcia Oliver appelait la gymnastique révolutionnaire : « Construisons dès aujourd’hui des organismes de défense, de solidarité qui serviront demain de bases à la réorganisation sociale. »
La question n’est pas de savoir si le sport et les libertaires ont des points communs car aussi loin que nous remontons dans la mémoire du mouvement ouvrier, sport et anarchisme n’ont cessé de cohabiter.
Le sport, dans sa forme moderne, naît en même temps que le capitalisme et que l’anarchisme. Les premiers clubs apparaissent entre 1860 et 1880 et les masses ouvrières et populaires s’y précipitent sur tous les continents. La question qui se pose alors à toutes les tendances du mouvement ouvrier organisé est la suivante : le sport peut-il être un outil de libération (du corps) ? Un apprentissage des pratiques socialistes pour la classe ouvrière ? Un outil de luttes autogéré ? Bien évidemment les débats furent rudes (et ils le sont toujours), mais pas plus que les polémiques sur le positionnement des anarchistes par rapport aux organisations syndicales.
C’est parce que ces questions nous semblent toujours d’actualité que notre conférence retracera l’histoire des relations du sport (collectif) et de l’anarchisme populaire organisé, et explicitera en quoi le sport peut être une manière ludique pour le peuple de s’entraîner à des relations individu/société (individualité-actions collective-entraide) débarrassées du pouvoir, de l’argent et d’une morale castratrice. Enfin, nous dresserons un état des lieux des très nombreuses initiatives de football autogéré, antiraciste, antisexiste, etc., mises en œuvre sur tous les continents par des libertaires et autres alternatifs.

Le comité d’organisation