Les vingt ans du LAP

mis en ligne le 4 avril 2002
C’est le printemps, ce sont nos vingt printemps. Depuis septembre 1982, l’aventure du Lycée autogéré de Paris, intrigue, surprend, attire mais surtout existe et se construit.
Et cela n’était pas gagné d’avance. Quelle durée de vie donnait-on à cette expérience de l’Éducation nationale qui démarrait dans les sous-sols du lycée François-Villon en même temps que trois autres projets ? 1 Une équipe pédagogique qui se regroupe en autonomie et librement par la cooptation plutôt que suivant les règles du mieux noté par l’inspecteur et de l’ancienneté, voilà une première audace. Des élèves qui participent au projet, non pas en fonction d’un secteur géographique mais sur la base d’une démarche volontaire, et déjà l’école abandonne son côté caserne. Si, en plus, élèves et membres de l’équipe éducative s’associent pour gérer ce lieu et permettre au plaisir d’avoir droit de cité dans l’apprentissage, un projet pédagogique et social s’affirme.
À contre-courant d’une éducation basée sur la compétition, la sélection, la hiérarchie et ultra normative, ces vingt années sont aussi l’histoire d’une lutte continuelle pour montrer qu’une autre école est possible. Malgré une reconnaissance certaine, nous n’avons aucune certitude sur nos locaux, par ailleurs trop petits. Notre statut qui pourrait donner un cadre administratif à d’autres projets est toujours inabouti. Les problèmes de précarité parmi les salariés de l’expérience, comme partout dans l’Éducation nationale, ne sont toujours pas éradiqués.
Pourtant, les principes mis en application au lycée autogéré de Paris sont toujours d’actualité. Les nombreuses équipes, élèves, et parents 2 qui se réunissent autour de projets se basant sur ces « invariants » pédagogiques et autogestionnaires revendiquent le droit d’exister. C’est au travers des structures pédagogiques et politiques de l’expérience que les principes de fonctionnement s’expliquent le mieux. Les groupes de base du Lycée autogéré de Paris sont des lieux de discussions et de votes sur l’ensemble de la vie du LAP. Les élèves et les enseignants sont tenus d’y participer de manière régulière et s’y retrouvent toutes les semaines sur la base d’une voix par personne. La réunion générale de gestion est composée de deux enseignants et des deux délégués élèves de chaque groupe de base. Elle rassemble les informations et propositions. Elle élabore les propositions de vote soumises aux groupes de base. L’Assemblée générale se réunit de façon régulière ou à la demande d’un groupe du lycée. Les points de l’ordre du jour y sont traités de manière collective. Les tâches de gestion du lycée, budget, relations extérieures, administration, évaluation, bibliothèque, cafétéria, etc. sont prises en charge par des commissions composées de deux ou trois enseignants et d’élèves volontaires. C’est aussi en commission que sont traitées les questions des relations avec l’administration de l’Education nationale et de régulation de conflits.
Un des autres principes du lycée est de proposer un apprentissage ouvert sur la vie et polytechnique. C’est pour cela que l’emploi du temps ne se résume pas à des activités préparant au baccalauréat. Durant la semaine, les élèves se retrouvent en ateliers, en projets, en groupes interniveaux. Là, s’y pratiquent les arts plastiques, le théâtre, l’informatique, la musique, les activités physiques, la photographie ou encore la réalisation d’un journal. Les projets permettent de finaliser une réalisation commune : exposition, voyage, rencontre internationale, pièce de théâtre, film... Les parcours scolaires des élèves sont alors riches et diversifiés. Les activités se déroulent au travers des relations de confiance réciproque entre toutes et tous. La liberté de fréquentation s’inscrit dans cette démarche. La participation de chacun est donc aussi nourrie par les envies et les besoins des uns et des autres.
La petite histoire des vingt ans du Lycée autogéré de Paris contribue à un des objectifs partagés par les mouvements anarchistes, faire de l’école un lieu de libertés, d’émancipation et de construction individuelle dans le cadre d’une pratique collective mutualiste. Il reste encore beaucoup à parcourir. En premier lieu parce que les nombreux projets de ce type peinent à voir le jour au milieu de l’hiver du système éducatif. Cependant, les raisons de fêter nos vingt ans sont nombreuses et on ne va pas s’en priver.

Pascal Haslé et Paul Kister (Lycée autogéré de Paris)




1. Le lycée expérimental de Saint-Nazaire, le lycée expérimental pédagogique et maritime d’Oléron et le collège lycée expérimental Hérouville-Saint-Clair.
2. Voir entre autres l’appel sur le site Internet de l’ICEM (Freinet).