Célébration poétique intempestive d’Armand Robin, « anarchiste de la grâce »

mis en ligne le 15 décembre 2011
1655RobinRobin, passant ondulerrant 1

Pour errer, il erre, l’ondulerrant
et déterré Robin,
porté emporté par toutes respirations issues
de ses cinquante langues si bien sues
- sangsues suçant à même son coeur sanglant caillot,
tel Lazare l’anar
« saignant dans tous les ghettos du monde ».
Semelles de vent il va, hérétique errant,
coursant sursurfant sur
siècles, ondes, discours
et tous pays « au-dedans des souffrances »,
plus juif errant qu’Elyaou anabi,
l’ondulerrant planétaire prophète Elie
qui croise toutes lignes d’erre en majesté de gerbes,
lignes d’erre que longe et prolonge à l’infini
l’ontologique concert des poétiques voix.
Souffles des langues toujours advenant
en nombre et en surnombre,
tantôt expectorées en délires d’imbroglios,
embrouillamini, babélilies, assassinats,
tantôt ahanant gracieuses à relancer au plus haut du ciel,
ciel-homme et non ciel-dieu,
l’écho en big bang de la primordiale
originaire langue-mère
que l’érectile humanité extirpa du chaos,
des turbulences folles des tohus wabohus,
des déclenchements effarants des bereshit,
- afin qu’enfin fuse l’Aleph,
lettre première à front de boeuf
ouvreuse d’impérieux sillons
propices à labourer notre unique et seule terre humaine,

- ainsi que non-va, au pas si lent de son non-pas,
passant ondulerrant,
l’Armand Robin.



1. « ondulerrant » : terme forgé par Robin qui parle de la « course ondulerrante » de Mahomet, dans le Mahomet de Goethe qu’il a superbement traduit (Pléiade, p.170).



Élégie pour une non-mort d’Armand Robin

« Je ne veux pas de la mort de Mickiewicz
il y a cent ans. Ces derniers mois j’ai rencontré
ce poète partout. Il a notre âge. »
Armand Robin, nov. 1955.

Je ne veux pas de la mort d’Armand Robin il y a cinquante ans. Nous avons besoin de lui, anarchiste prince du Non, partout.
R.D.

Sept fois maudit, sept, ce vingt-neuf mars
de l’an mille neuf cent soixante et un -
tandis que dans une proche terre là-bas en perdition,
de braves honorables citoyens,
surgissant brusquement en soldatesque empatripotée,
brûlent les villages, violent les femmes,
assassinent le tout venant
vieillards et enfants,
et tout fiérots empennés à tours de bras torturent,
- et tandis qu’un ministre à gueule de médaillon
pave sa torse voie présidentielle de têtes tombées
d’échafauds par lui dressés
au nom de la loi bafouée –

sept fois maudit dis-je ce vingt-neuf hideux mars qui vit
l’homme poète Armand Robin pris
dans les entrailles sinistres d’on ne sait quels
ministérieux règlements de comptes.
Où donc retrouver trace,
Et où l’enveloppement du corps meurtri,
et de quelles meurtrissures meurtri,
tout au long de ces sept stations d’enfer
aux mots de calvaire
inscrits par dérisoire et sourde violence
et ainsi s’avèrant :
Infirmerie Spéciale du Dépôt de la Préfecture de Police de l’Hôtel/Dieu.

Sept mots, sept lettres à relents d’assassinat,
ô Mère Jésus,
sept crachats sept flèches crucifiant le corps pantelant
de l’humaine chose-Robin chue en déchet
chouravé sur la voie publique,
du poète-Sans
du poète-Non
de l’Outre-poète
à Outre-écoute
aux cent Voix
aux cent Non
aux cent Noms qui,
sur notre unique terre humaine par lui exaltée tant
eurent nom Armand Robin.
À toi Robin furioso ce satirique 2 hosannah 
pour tes ahans
portant
au plus haut des cieux.




2. Armand Robin disait avoir inventé un nouveau genre, la « satire métaphysique », qu’illustre son petit chef d’œuvre, La fausse parole. Le mot « ahan » revient à tout instant dans son œuvre.