Livre : Giraud le Magnifique

mis en ligne le 1 décembre 2011
Connaissez-vous Daniel Giraud ? L’anarchiste taoïste musicien de blues, ami intime de feu maître Jean-Carteret ? Non ? Et bien voici l’occasion cette fois de ne pas manquer le véritable électron libre. J’entends encore la voix de Jean-Marc Raynaud au téléphone il y a quelques mois : « Je viens de recevoir un manuscrit génial de Daniel Giraud. Je te l’expédie par le net, c’est un roman historique, lis-le tout de suite… » Un roman historique ? On connaît l’œuvre de Giraud à travers ses poèmes, ses essais percutants et ses brûlots, mais un roman historique… J’ai ouvert le dossier sur mon ordinateur et suis tombé tout de suite dedans pour ne plus en sortir qu’au point final plutôt décalqué par ce que je venais de lire. Ce récit concerne la période pendant laquelle Napoléon fit recruter de force les paysans ariégeois afin de les enrôler dans sa maudite armée. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des hommes destinés à devenir de la chair à canon résistèrent jusqu’à la mort à l’enrôlement. Un colporteur est le personnage central de ce récit, sans doute Giraud lui-même. Il jouait également ce rôle qui lui allait comme un gant dans le film Le retour de Martin Guerre. Tout au long du récit, nous accompagnons le colporteur dans ses déplacements, ses paysages, ses amitiés, ses amours, ses résistances, et le pays d’Ariège se met soudain à vivre autour de lui avec ses couleurs, ses douleurs, ses beautés, sa grandeur de misère. En quelque cent pages d’un récit haletant, émouvant, troublant, Giraud réussit l’hybridation parfaite entre le présent et le passé historique. Daniel Giraud, il est vrai, vit en Ariège depuis quarante ans, c’est dire s’il connaît la mentalité des Ariégeois. Un sérieux travail d’investigation réalisé aux archives départementales a servi de grille historique au roman. Pour ce qui concerne les différents protagonistes de l’histoire, ils sont ce que sont les Ariégeois d’aujourd’hui et d’autrefois. Ceux « des plaines » Foix, Pamiers sont plus frileux et plus lâches que ceux de la vallée de Sentenac, de vrais montagnards ceux-là ! On n’échappe pas si facilement aux souillures de l’histoire, et puis les drames font toujours de beaux livres et encore plus lorsqu’ils sont des indications sur l’état du présent. Giraud avoue non sans humour qu’il n’apprécie pas beaucoup le roman en tant que genre littéraire. Il est donc peut-être nécessaire de ne pas apprécier un genre pour trouver la juste mesure des mots. Cela n’est pas surprenant. Les ressorts de la pensée sont contradictoires. La chance tient en ce qu’ils produisent quelquefois un résultat de cette espèce-là. Ce livre est beaucoup plus qu’une tranche d’honneur et de vie, c’est un nouveau maillage qui s’est formé entre la littérature et l’histoire.

Claude Margat