Couturière le jour, prostituée la nuit, Sylvie parle…

mis en ligne le 8 mars 1979
Le Monde libertaire : Comment arrive-t-on à la prostitution aujourd’hui ?

S. : Oh ! tu sais, il existe mille chemins ! Pour moi il a fallu que j’aie un gosse. Le gars qui vivait avec moi s’est barré. Comme je ne gagne que 1 400 francs par mois dont 500 partent pour le loyer, tu devines la suite. Trouver du travail c’est très dur et comme on menace de m’enlever mon fils, il a bien fallu m’en sortir, alors je me suis prostituée.

Le Monde libertaire : Comment as-tu commencé ?

S. : Très dur ; tu penses. C’est pas du jour au lendemain qu’on se met sur un trottoir et qu’on guette le client. D’abord j’avais envisagé de me trouver un gars qui m’entretienne. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Et puis un jour j’étais dans la merde, il a fallu que je mette Thierry en nourrice. J’avais plus le choix. J’ai été à Rouen, mais c’était pas si facile, et dangereux. Les prostituées sont encadrées. Elles ont des souteneurs. Il existe des tarifs. Une fille qui veut se mettre à son compte a forcément des ennuis. Moi, il a fallu que je change plusieurs fois de quartiers afin de ne pas être ennuyée par les proxénètes.

Le Monde libertaire
: Pourquoi n’as-tu pas contacté des groupes de soutien ou des groupes femmes ?

S. : Si j’avais contacté des groupes de soutien, c’était reconnaître que je ne pouvais pas élever mon fils seule. Les groupes femmes à l’époque, je n’y ai pas songé. De plus j’ai été une fois à leur réunion, tu sais ces filles-là n’ont pas de problèmes de fric. Elles travaillent ou sont étudiantes. Elles se réunissent entre elles et ont toutes un engagement politique. Elles se seraient apitoyées sur mon sort, mais elles n’auraient rien pu faire pour moi.

Le Monde libertaire
: Depuis quelques années, les prostituées commencent à s’unir pour mener elles aussi leurs revendications. Où cela en est-il aujourd’hui ?

S. : C’est vrai, il y a quelques années les filles se sont associées mais le phénomène était surtout localisé dans de grandes villes : Paris, Bordeaux. Le reste, rien ! Les filles avaient trop peur, tu penses ! De plus, aujourd’hui le mouvement est à zéro. Entre les proxénètes, certains clients et les flics, on est servi.

Le Monde libertaire
: Tu parles des proxénètes, des clients et des flics, tu peux préciser ?

S. : Depuis l’agitation des prostituées, les proxénètes ont eu peur eux aussi. Ils ont resserré les rangs et mieux contrôlé les filles. Parfois ils ont donné quelques avantages, c’était pour mieux nous garder. Les flics, eux, c’est autre chose ! Quand tu vois leurs bagnoles la nuit, il vaut mieux que tu te tires, sinon ils arrêtent pas de t’ennuyer.

Le Monde libertaire
: On a déjà arrêtés des flics pour proxénétisme…

S. : Bien sûr ! Dame ! ils ont besoin eux aussi de faire leurs fins de mois. De plus, ils sont déjà dans la place forte. Ils ont accès aux fichiers, connaissent les proxénètes et les quartiers de prostitution. Les proxénètes menacent de te faire casser la gueule si tu refuses de « travailler » pour eux. Les flics, eux, te font chanter afin de mieux te tenir.

Le Monde libertaire
: Quelles sont aujourd’hui les revendications d’une prostituée ?

S. : D’abord être traitée comme un être humain. Faire prendre conscience que si on vend notre corps, c’est pas gagner du fric tout en se faisant sauter. Si on en vient là, il existe bien une raison : c’est parce que cette pourriture de société nous y pousse. C’est ça qu’il faut dire aux gens ! Ensuite qu’une fille ne soit pas sous le coup des proxénètes ou emmerdée par les flics. Enfin, avant tout, qu’il existe une organisation où les prostituées seront reconnues et pourront se faire entendre.

Le Monde libertaire
: Un syndicat en quelque sorte ? Ne penses-tu pas que le plus urgent serait de prévenir la prostitution ? Se battre pour qu’existent des organismes qui aident les filles avant qu’elles ne tombent comme toi dans la prostitution ? Tout en se battant pour vos revendications !

S. : Sans doute. Mais dans les conditions actuelles c’est impossible. Trop de monde est impliqué là-dedans. Tu serais surpris si je te disais qui on y trouve. On a une trop mauvaise image : fille facile, salope, etc. On est trop mal considéré. La preuve : il y a quelques années, quand des filles ont occupé une église à Paris, les flics nous ont expulsées manu militari. Les bons paroissiens (nos meilleurs clients) ont trouvé cela normal. Par contre, quand les disciples de Lefèvre ont occupé St Nicolas du Chardonnet, personne n’a bronché.

Le Monde libertaire
: On parle de rouvrir les maisons closes, qu’en penses-tu ?

S. : Il s’agit tout simplement d’officialiser la prostitution, c’est tout ! Mais il y aura toujours les mêmes salauds pour nous diriger.

Le Monde libertaire
: On est peut-être naïf, mais on pense que quand existera une société sans classes ni Etat, donc véritablement libre et égalitaire, il n’y aura plus de prostitution.

S. : Peut-être, aussi il faut se battre tout de suite.


Propos recueillis par Olivier (groupe Delgados-Granados, Rouen) et Pascal (sympathisant)



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


François

le 16 décembre 2014
Il faut mieux des prostitués que je respect beaucoup , et sa évite de violer des filles.
dés l'instant que les Filles ne sont pas mineur, qu'on laisse ses fille tranquille