Salut l’ami, salut Larry

mis en ligne le 23 juin 2011
1641PortisJ’ai rencontré Larry Portis dans le milieu des années quatre-vingt lors d’une émission des Chroniques syndicales de Radio libertaire, à l’occasion de la publication aux éditions Spartacus de IWW et syndicalisme révolutionnaire aux États-Unis. Première rencontre radiophonique qui donna lieu à une série d’émissions sur le syndicalisme et le mouvement ouvrier aux États-Unis 1, puis à quelques autres au cours du temps. Depuis lors, sans être intimes, une grande confiance réciproque et une immense fraternité nous unissaient. Sans doute parce que Larry partageait avec moi et beaucoup d’autres cet optimisme viscéral dans les valeurs et les capacités réalisatrices de l’anarchisme social.
Larry 2 était né le 3 juillet 1943 à Bremerton (État de Washington, États-Unis) et il vécut aux États-Unis jusqu’en 1977, tout d’abord à Seattle (Washington) de 1943 à 1949, puis à Billings (Montana) de 1957 à 1961, à DeKalb (Illinois) de 1968 à 1974 et enfin à Seattle (Washington) de 1974 à 1977. Il séjourna cependant en France en 1970 et toute l’année 1972 pour sa recherche sur la naissance du mouvement ouvrier français et le syndicalisme révolutionnaire. Après avoir fait des études universitaires tout en travaillant, il fut en 1968 Bachelor of Arts, puis Master of Arts et enfin PhD (Doctor of Philosophy). En 1994, à l’université Paris VII, il fut habilité à diriger des recherches puis enseignant-chercheur, spécialiste de la civilisation américaine à l’université Montpellier III.
De 1958 à 1968, aux États-Unis, Larry Portis occupa divers emplois : plongeur, manutentionnaire, employé municipal au service des eaux, projectionniste. Il participa, dès l’âge de 14 ans, en 1957, à son premier combat social en impulsant une grève des caddies au club privé de golf de Billings, dans le Montana, qui se solda par une victoire. Suivant ainsi les traces de son père, Everett Eugene Portis, né en 1924 à Scotia (Nebraska, États-Unis), qui fut simultanément chauffagiste et pompier et qui, à ce double titre, fut membre du syndicat des tôliers (sheet metal workers) de l’AFL-CIO et membre-organisateur du syndicat des pompiers (Billings, Montana). De 1967 à 1968, Larry fut membre du syndicat des employés municipaux de Billings. En 1973-1974, il participa aux piquets de grève des ouvriers pour les United Farm Workers, à DeKalb (Illinois). Il quitta le milieu universitaire en 1974 et voyagea en Europe, ce qui lui permit de prendre différents contacts avec des groupes radicaux. Par la suite, il occupa à nouveau divers emplois jusqu’en 1981. À Paris, il mit sur pied une section syndicale CGT à l’Université américaine de Paris où il fut délégué syndical entre 1993 et 1995. Il rencontra Daniel Anselme en 1977, René Lefeuvre en 1984, Roger et Madeleine Bossière, qui eurent une influence sur son engagement militant. En 2002, il participa à la fondation de l’organisation des Américains pour la paix et la justice à Montpellier. À la retraite depuis 2009, il continua, jusqu’à sa mort subite, son combat pour l’idéal libertaire.
Larry est décédé le 4 juin 2011 et a été incinéré sans fleurs ni couronnes le 10 à Saint-Martin de Valgargues, près d’Alès. Ses cendres ont été dispersées par sa compagne Christiane Passevant et quelques amis dans un lieu de mémoire du mouvement ouvrier révolutionnaire parisien.
Larry Portis souhaitait un anarchisme sorti de sa gangue sectaire et destructrice, c’est pourquoi, contrairement à d’autres, il ne fit pas le choix de rejoindre une organisation spécifique. Reste que pour beaucoup, il restera l’une des figures d’un anarchisme fraternel et ouvert. Alors pour lui et pour nous, bâtissons-le.




1. Réédité en 2003 toujours chez Spartacus.
2. La plupart des informations publiées ici proviennent du Dictionnaire biographique du Mouvement libertaire francophone (titre provisoire), à paraître.
N.B. : Larry Portis avait publié récemment Histoire du fascisme aux États-Unis, Éditions CNT-RP, 2008 et Qu’est-ce que le fascisme ?, Éditions d’Alternative libertaire, 2010.