Des matérialistes en action : happening anti-homéopathie

mis en ligne le 24 février 2011
À Vienne, le 5 février dernier, la Société pour l’examen scientifique des parasciences (GWUP) a organisé un événement intéressant, visant à sensibiliser la population sur l’inefficacité de l’homéopathie, voire ses dangers (lorsque les malades se contentent de billes de sucre au lieu de consulter un médecin). L’action spectaculaire a consisté à ingurgiter en public une dose de granules de différents types que les homéopathes considèrent comme dangereuse, simulant ainsi un suicide collectif. Au même moment, d’autres matérialistes – pour qui aucun processus surnaturel ne doit être invoqué pour « expliquer » quelque phénomène que ce soit – mettaient en scène cette forme volontairement dérisoire d’overdose dans 53 villes réparties dans 26 pays (de l’Antarctique au Brésil) 1.
Dans la capitale autrichienne, il y avait une cinquantaine de personnes sur la Stephanplatz, l’une des places du centre de Vienne. L’heure choisie était 10 h 23, en référence au nombre d’Avogardo « 6,02 x 1023 » qui intervient dans le calcul des quantités de matière. Les boules de sucre homéopathiques sont caractérisées par des dilutions du produit prétendument actif, mesurées par un CH (centésimale hahnemanienne, en référence au fondateur de l’homéopathie, Samuel Heinemann). À partir de 12 CH, il n’y a absolument aucune molécule du produit de départ, et donc 100 % d’excipients (essentiellement du sucre). De ce fait, les granulés à 30 CH, comme ceux qui ont été avalés en public, ne contiennent que du sucre (vendu à 600 euros le kilo, merci, les labos homéopathiques se portent bien !). Ils peuvent bien sûr être pris en « surdose » et même s’ils portent des noms comme « Mercurius solubilis » ou « Belladona », à 30 CH il ne reste aucune trace du mercure ou des extraits de la plante toxique bien connue des randonneurs, la belladone.
Les croyants de l’homéopathie, pour qui cette tradition deux fois centenaire aurait plus de pouvoirs que l’effet placébo, se réfèrent souvent à la « théorie » de la mémoire de l’eau selon laquelle l’effet de l’homéopathie s’expliquerait par le fait que certaines molécules d’eau garderaient en mémoire le fait d’avoir côtoyé un produit actif. L’histoire remonte au 30 juin 1988, lorsque l’immunologiste Jacques Benveniste avait réussi à publier un article dans la prestigieuse revue Nature, visant à démontrer l’existence de la mémoire de l’eau. Le rédacteur en chef de la revue avait averti Benveniste que son expérience devait être reproductible et que dans le cas où ses résultats ne pourraient pas être obtenus une seconde fois dans des conditions surveillées par des scientifiques (auxquels on avait adjoint un expert en techniques de prestidigitation), un démenti serait publié. Bien entendu, Nature s’était déshonorée en acceptant l’article de Benveniste (besoin de publicité ?), mais le correctif publié fut sans appel : « L’hypothèse selon laquelle l’eau garderait la mémoire d’une substance qu’on y a diluée est aussi inutile que fantaisiste. »
L’enquête a été menée en détail, de façon tout à fait convaincante (voir www.charlatans.info/memoiredeleau.shtml), et il apparaît que les laboratoires Boiron, leader de l’industrie homéopathique en France, avaient soutenu les « expériences » de Benveniste. (Avec 526 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009, ce labo exporte ses produits dans plus de 80 pays.) Aujourd’hui, les produits homéopathiques doivent faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché, comme les vrais médicaments, mais – scandale – leur efficacité n’a pas besoin d’être prouvée par une étude clinique. Les billes de sucre sont en outre remboursées à 35 % par la Sécurité sociale. Seule une étude indépendante réalisée en double aveugle 2 pourrait justifier l’homéopathie : des patients devraient recevoir des granules homéopathiques ou des placébos 3 (sans le savoir), prescrits par des homéopathes (qui ne sauraient pas non plus s’ils prescrivent des produits homéopathiques ou des placébos). Dans ce cas, on pourrait conclure à un effet de l’homéopathie. Mais bien qu’un prix d’un million de dollars ait été promis à toute personne parvenant à faire cette démonstration, on attend toujours !
Avec cette action collective et simultanée dans de nombreux pays, les matérialistes de différentes associations, essentiellement installés dans l’espace anglophone ou germanophone, ont permis de placer la démarche scientifique au cœur de la sphère publique. Il est certain que ce happening scientifique a pu surprendre plus d’un passant et susciter des questionnements. Des idées à développer pour repenser la place des sciences dans la société ? 4

Jérôme Segal




1. Voir les vidéos de ces opérations : www.1023.org.uk
2. Méthode d’étude d’un médicament dans laquelle ni les patients ni les chercheurs ne savent qui reçoit effectivement le traitement en question (on devrait plutôt dire « double insu » plutôt que « double aveugle », mais ce dernier terme est d’usage courant) et ce, afin de réduire l’influence de l’effet placébo. Pour plus de détails, voir : www.spc.univ-lyon1.fr/polycop/double%20aveugle.htm (Ndlr.)
3. Substance d’efficacité intrinsèque nulle ou faible, mais qui agit pourtant – par un mécanisme psychophysiologique – si le patient pense recevoir un traitement actif. (Ndlr.)
4. Les médias de masse n’en parlant pas (et pour cause : entre ignorance et mercantilisme – ne pas se priver de la pub des labos homéopathiques –, ces désinformateurs n’en ont cure), c’est aux associations, aux journaux comme le nôtre, etc., de faire écho à ces initiatives. (Ndlr.)



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Videopunk

le 3 mars 2011
Intéressant, mais un peu embêtant !

A qui faire confiance ? On va en être réduit à faire soit même ses médocs ! Entre les médicaments dangereux, inefficaces, qu'ils ne faut utiliser pour ne pas qu'ils perdent de leur efficacité, et ceux qui provoquent une dépendance sans qu'on le sache...
Et maintenant l'homéoplacébopathie...

Rappelons que le corps produit des défenses immunitaires à raison de son besoin de ces dernières. Or, s'il on se protège trop...
Je pense que le problème que l'on a maintenant, est une sur-protection anxiogène, qui fragilise la résistance aux épidémies nouvelles.

Cpt. Teach

le 6 mars 2011
6.02*10 puissance 23 et non 6.02*1023 ;) Je continue à lire !

libertad2

le 30 avril 2011
Une réponse à cet article publiée sur l'En Dehors : http://endehors.net/news/du-scientisme-chez-les-anarchistes-le-cas-de-l-homeopathie

papajohn

le 24 mai 2011
Vous m'expliquerez pourquoi l'homéopathie a des résultats fulgurants surs mes chiens, mes chevaux, mes chats. peut-être que le monde ne se réduit pas à ce que nous en savons actuellement ...

@papajohn

le 31 mai 2011
@ papajohn, le placebo fonctionne aussi sur les animaux, et en dessous de 15CH les dilutions sont trop fortes. Vous devez donner des dilutions suffisament légères pour que ça fonctionne.

Sachez que tous les antihoméopathies ne disent pas tous que ça ne fonctionne pas,

Moi, ce qui me tracasse, c'est que cette entreprise vende des produits pour lesquels elle n'a jamais fait de recherche scientifique ni dépensé un euros dans la recherche et/ou dans la validation du concept de mémoire de l'eau

@papajohn

le 31 mai 2011
Mais je crois au fonctionnement de l'homéopathie, à son concept médical, et à l'auto suggestion, pas au charlatanisme abusif et aux placebos à 1 euros 70 remplis de lipides des CH > 15

Azama

le 20 août 2011
Oui, Papajohn, je peux t'expliquer, pour tes chevaux, tes chiens, et même les bébés, pourquoi l'homéopathie fonctionne : parce que tu les aime, et qu'ils le sentent bien !
C'est comme le coup classique du lion ou de l'éléphant qui a une grosse écharde dans la patte . . . Tu le soulage, il t'en est reconnaissant, ton animal de compagnie (ma chienne, par exemple), je l'amène chez le véto pour une de ces saloperies d'épillets dans l'oreille, elle en bave 10 minutes et nous fait la fête après ! Tu n'y a jamais pensé, que tes animaux te sont reconnaissants, car il savent que tu ne leur veux pas de mal ? Ben c'est comme certains humains non rationalistes : Ca gobe tout, et dans leur cas, c'est l'essentiel !
Hé oui, la Zététique donne des clés dès que c'est possible . . .